Le train filait dans la nuit, avalait des kilomètres en crachant de la fumée dans le ciel qui s'obscurcissait au fil des heures qui tournaient. Elza s'en rendait à peine compte, le nez plongé dans son livre, blottie sur une des banquettes d'un compartiment. En vérité, ses yeux relisaient sans cesse la même ligne, sans la comprendre, affairée à penser à bien d'autres choses.

Des mois qu'ils tâtonnaient, cherchaient des pistes, des indices, de manière plus ou moins productives. Elza elle-même était passé à côté de quelque chose d'important, elle le sentait, alors que sa rencontre lui avait valu l’hôpital et de rajouter de nouvelles cicatrices à sa collection déjà bien conséquente. Cette manière qu'ils avaient de demeurer dans le flou total était inquiétante, elle avait l'horrible impression d'être inutile, comme le reste de son bureau. Ce qui ne l'empêchait aucunement de continuer ses recherches, de ne pas lâcher l'affaire. Ce qui l'amenait aujourd'hui à se déplacer pour enquêter sur une énième piste qui les mènerait - ou non - à ce Gustav Grindelwald.

L'Auror prenait rarement le train, habituée à se débrouiller par ses propres moyens. Mais impossible de transplaner dans des endroits qui lui étaient inconnus et le service des Portoloins étaient surchargé. Et, pour un long voyage, il était toujours plus confortable d'être installé au chaud, dans un train, que e voler sur balai. Pour autant, son esprit virevoltait, angoissé, et même un livre ne parvenait pas à retenir suffisamment son attention pour la divertir de ses inquiétudes.

Sa main finit par éteindre la lampe qui projetait un mince filet de lumière sur les pages de son livre. Il était inutile de lutter pour déchiffrer chaque mot, elle n'était pas d'humeur à prendre le temps de parcourir les lignes imprimées sur le papier blanc. Mieux valait tenter de dormir, de s'assoupir pour gagner un peu de repos.

Alors qu'elle tenait de s'installer un peu plus confortablement pour trouver le sommeil, un bruit crissant atteignit ses oreilles et elle sentit soudainement le sol basculer, prendre un autre angle. Avant qu'elle n'ait pu comprendre ce qu'il s'était passé, elle fut projetée contre un de ses compagnons de voyage et heurta violemment le coin de la table qui les séparait de l'autre banquette.

L'angle qu'avait pris le plancher du compartiment était inquiétant. Elza avait cet horrible impression de pouvoir basculer dans le vide à tout moment. En se confondant en excuse auprès du pauvre sorcier qu'elle avait bousculé, elle tâtonna pour trouver sa baguette, avant de se rappeler qu'elle l'avait laissé dans sa valise. Mais quelle idiote. Elle s'en mordit les doigts, elle désormais enfermée dans l'obscurité de la nuit. Elle frissonna au rappel d'une toute autre situation qui lui avait valu de ne rien voir. Mais cette fois, elle se promit que tout serait différent.

D'un mouvement leste, elle se hissa sur la table et se laissa glisser jusqu'à la porte du compartiment sans déranger de nouvelles personnes. Elle se tourna vers l'intérieur du compartiment, un peu hésitante. Il était de son devoir de rassurer la population, de les protéger. Même sans baguette. Ce n'était pas cette dernière qui faisait d'elle une Auror.

-   N'ayez crainte, je suis persuadée qu'il ne s'agit de rien de grave. Restez calme, ne bougez pas, et tout ira pour le mieux.

Si sa voix se voulait calme et rassurante, ses pensées s'agitaient dans son esprit, volages et, surtout, effrayées. Elza avait pris l'habitude d'envisager le pire, toujours, s'assurant ainsi de ne jamais être surprise ou déçue. Impossible de savoir où ils étaient arrêtés, s'ils étaient sur le point de basculer dans le vide, si quelqu'un les attaquait... Le danger se trouvait peut-être derrière la porte du compartiment, mais cela ne l'empêcha pas de poser la main sur la poignée pour l'ouvrir.

Elle pouvait bien tirer, pousser, s'arc-bouter contre cette maudite porte de compartiment, elle refusait de s'ouvrir, malgré tous ses efforts répétés. Ils étaient vraiment bloqués ici, sans moyen de rejoindre le reste du train. Mais l'expérience avait forgée Elza, elle ne s'avouerait pas ainsi vaincue.

Un homme vint même auprès d'elle pour l'aider, pensant sûrement qu'il avait affaire à une frêle jeune femme sans moyen. Mais les nombreuses cicatrices qu'elle arborait témoignait de son expérience. Il parvint au même résultat qu'elle, ce qui arracha un grognement de mécontentement à ce dernier.

- Quelqu'un aurait-il une baguette ? demande une voix.

Elza se contenta d'un signe négatif de la tête, occupée à tenter d'y voir quelque chose dans les intersections entre la porte et la cloison du compartiment. Mais il faisait tout aussi noir de l'autre côté qu'ici, impossible de distinguer le moindre détail. Ce n'était pas de cette façon qu'ils avanceraient.

- Quelqu'un a-t-il une baguette ? répéta-t-elle.

Ces sorciers, toujours à rechercher les solutions en la magie. Et en plus, cette femme prenait un ton agressif, comme si elle était en son bon droit. Mais ils étaient tous dans les mêmes conditions, aucun ne prévalait sur un autre. Pourtant, les autres personnes présentes semblèrent accepter cette autorité qu'elle donnait à sa voix.

Elza ne s'en préoccupa pas et se dirigea vers la place qu'elle occupait auparavant. Elle fumait rarement, mais cela lui arrivait toutefois, mauvaise habitude Moldue qui ne l'avait jamais quitté. Elle gardait toujours un briquet avec elle, au cas où l'envie la prendrait. Aujourd'hui, cet objet pourrait sûrement lui être utile, pour une toute autre chose que de se détruire les poumons. Ce qui n'était pas plus mal.

Elle dû tâtonner un moment dans l'obscurité pour trouver son sac et repêcher son briquet. Comme dans de nombreux lieux sorciers, elle avait repéré les éclairages composés de chandelier, qu'on allumait généralement à l'aide de magie. Mais ils les avaient éteint pour dormir. Raviver la flamme de manière Moldue ne pourrait en aucun cas faire de mal.

Ne sachant pas précisément quelle quantité de gaz lui restait-il, elle fit attention à ne pas épuiser l'étincelle au bout du briquet. Elle retrouva petit à petit chaque chandelier du compartiment pour ramener une douce lumière en ces lieux. Elle sentit immédiatement le soulagement qui envahissait quelques cœurs. Cette lueur qui s'allumait ici ne les garderait certainement pas en sécurité, mais, au moins, elle les rassurerait. Et, pour le moment, c'était bien sa seule mission d'Auror qu'elle pouvait accomplir.

Sans plus s'occuper des gens autour d'elle, elle rangea son briquet dans sa poche et se munit un chandelier. En s'approchant de la vitre, elle ne parvint pas à percer la noirceur qui régnait à l'extérieur. Pourtant, il fallait qu'elle sache. Peut-être que, récemment, elle avait faillit à ses devoirs, mais il n'était pas question qu'une fois de plus, elle échoue. Qu'ils le veuillent ou non, elle était responsable des personnes auprès d'elle, en sa qualité d'Auror.

Impossible de briser la vitre, elle le savait d'expérience. Avec sa baguette, cela aurait été rendu possible. Mais ici, les astuces bourrines de Moldues ne résoudraient rien.

La lumière rassure les gens, Elza le sent depuis qu'elle a allumé les chandeliers. L'atmosphère reste tendue, cette ignorance oppresse. Mais il y a ce fait qui rassure, cette vision enfin permise, de se voir les uns les autres, d'observer plus attentivement leur environnement et non seulement sentir le plancher incliné sous leurs pieds.

Un bruit de verre brisé et cri un aigu attire soudainement son attention. Inquiète à l'idée qu'un passager puisse se trouver en mauvaise posture - même si, en vérité, ils le sont bien tous - elle se dirigea vers le source du bruit, chandelle à la main. Son regard finit par trouver une silhouette féminine, au milieu de débris cristallins. Dès qu'elle vit son visage, elle reconnut Rosalind Fawley, et elle s'empressa de se porter à sa hauteur.

- Miss Fawley ? Vous allez bien ?

L'inquiétude est réelle dans sa voix, bien qu'elle ne s'attende pas à un bon accueil de la part de l'écrivaine. Celle-ici a l'air d'avoir la rancune tenace, ce dont Elza ne lui tiendrait pas rigueur. Mais pour le moment, le plus important reste de déterminer si la sorcière va bien, ou si elle a besoin de soin, action compliquée à entreprendre dans l'état actuel des choses.