La pluie s'abattait férocement sur les toits de la ville. Le temps ne se prêtait plus à faire quoi que ce soit, simplement à rester chez soi devant un bon feu de cheminée une tasse de café bien chaude à la main. Mr. Ford était installé sur un tabouret de bar, ceux qui sont faits de bois et qui sont assez hauts. Sur lesquels on se sent perchés et presque inaccessibles. Il tapotait le bout de ses doigts sur le comptoir qui présentait maintenant des marques de vieillesse. Le bois était usé et il avait probablement subis plusieurs renversements de liquides tous plus collants les uns que les autres. Cette simple pensée provoquait soudainement un frisson de dégoût chez Ford, ce qui lui fit arrêter toute activité manuelle sur la surface qui était à présent son centre d'attention. Le barman, qui restait immobile face à lui, attendait qu'il passe sa commande. C'était le barman tout à fait banal, un vrai stéréotype. A croire qu'il l'avait fait exprès. Il était un peu fort, son ventre ressortait, il avait une moustache et un torchon posé sur l'épaule. En tout cas, c'était l'idée que se faisait Ford des barmen. Ford entre-ouvrit ses lèvres pour en faire sortir un son, celui-ci étant prêt à passer commande lorsque qu'une voix féminine l'interrompit.

" Il prendra un verre de bourbon. Sans glaçons.
- En réalité je prendrai un scotch, avec deux glaçons, reprit-il d'un ton sec.
Vous ne me connaissez définitivement pas, après toutes ces années."

La jeune femme s'installait à ses côtés. Elle avait les sourcils froncés et les lèvres pincées, ce qui signifiait à coup sûr qu'elle était contrariée par ce qu'il venait de se passer. En réalité, Ford adorait le bourbon sans glace, mais ce qu'il détestait par dessus-tout, c'était que l'on choisisse pour lui. Le barman s'exécutait sans sourciller avec une dextérité sans faille avant de déposer le verre face à lui.

" Vous êtes toujours aussi agaçant, monsieur Ford.
- Et vous êtes toujours aussi têtue. Appelez-moi Alaric, pour la millième fois, disait-il en soupirant. Quelles sont les nouvelles ?
- Bonnes. Tout s'est passé comme prévu, nous n'aurons plus de problème avec elle."

Elle affichait un sourire satisfait, ce qui déplaisait à Alaric. Il avait horreur de ce visage si épanouis face à cette situation. C'était un homme qui ne montrait pas ses sentiments, sûrement parce que c'était quelqu'un de stressé de nature. On lui disait souvent qu'il était mystérieux et qu'on avait du mal à le cerner, ce qu'il ne comprenait pas vraiment bien qu'il ait remarqué que les humains en général parlaient beaucoup trop et ne savaient garder quelque secret que ce soit. Il engloutissait en deux-trois mouvements son scotch, qu'il n'avait visiblement même pas prit le temps d'apprécier. Après avoir sortit de sa poche un billet, il le plaquait contre la surface du comptoir tout en approchant ses lèvres du creux de l'oreille droite de la jeune femme tout en murmurant avant de disparaître dans la rue peu éclairée du centre de Londres :

"Au suivant."

Alaric savait qu'il était loin d'embrasser l'avenir que sa mère avait envisagée pour lui. Il n'y avait pas plus gentille, douce et compatissante que Aaliyah Ford. Il aimait ses souvenir de ces soirs de pluie comme celui-ci lorsqu'il n'était encore qu'un enfant. Il en avait une peur bleue. Il sautait à pieds joints dans son lit et recouvrait son corps presque entièrement de sa grosse couverture. Il laissait simplement ses petits yeux bleus dépasser, parce que c'était essentiel pour lui de voir ce qu'il se passait aux alentours, sans pour autant prendre le risque d'être complètement à découvert. Son corps frêle tremblait sur son matelas, ce qui faisait beaucoup rire sa mère lorsqu'elle était là. Il lui suffisait d'entendre ses pas et sa douce voix pour qu'il se sente rassuré, avant même qu'elle n'ait passé le pas de la porte de sa chambre. Elle venait s'asseoir avec une délicatesse qu'il n'avait jamais vu autre part, juste à côté de lui, et elle posait sa main sur son torse en tapotant doucement tout en se mettant à chanter d'une manière presque inaudible. Il se surprenait, dans ces moments là, à se poser mille et unes questions. Entre autre, ce que sa mère pouvait bien faire avec son père si strict, dur, froid et insensible. Il voulait que son fils réussisse tout ce qu'il entreprenait, quitte à le punir très sévèrement en cas d'échec. Ce comportement avait incité le jeune garçon à devenir renfermé, timide et peu bavard. Il gardait ses idées et sentiments pour lui, ce qui le plongeait dans ses livres toute la journée et ce qui lui avait valu de détester se mélanger aux autres enfants. En grandissant, c'était devenu un homme beaucoup moins timide mais tout aussi peu bavard, seulement il était devenu très observateur, calculateur, stratège et réfléchis. En effet, il réfléchissait à toutes les conséquences possibles et imaginables avant d'agir, ce qui lui permettait de réussir chaque chose qu'il entreprenait. C'est en tout cas la seule qualité que les poings de son père lui avaient appris et qui lui servait aujourd'hui.

C'était en 1990 qu'il entrait pour sa première année à Poudlard. C'était sûrement le meilleur moment de toute sa vie. Il était enfin entouré de personnes "comme lui", ce qui lui plaisait bien plus qu'il ne l'aurait pensé. A la plus grande fierté de son père, il avait été placé à Serpentard. Maison qu'il considérait comme un environnement totalement adéquat pour l'avenir qu'il envisageait pour son fils. Ce que Alaric en disait ? Personne ne s'en souciait, et encore moins son paternel. Ce dernier avait fini par disparaître, sans laisser ni aucun mot, ni aucune trace. Il s'était tout bonnement envolé lorsque le Seigneur des ténèbres fût vaincu. Les rumeurs laissaient croire à Alaric que c'était à présent un partisan de Gustav G mais il n'en avait jamais vraiment eu la certitude. Les seules réelles nouvelles qu'il avait de son père était par interposé, tout cela pour lui donner quelques missions illégales à accomplir pour son compte. En bon fils qui a toujours cherché l'approbation et la fierté de son père, il s'exécutait sans poser de questions. Mais il était bien décidé, en parallèle, à retrouver son père.

Revenons à ces années à Poudlard. Alaric avait toujours été un bon élève, sage et concentré. Il faisait toujours de son mieux pour réussir dans toutes les matières, certaines lui posant plus de problèmes que d'autres. Il aimait beaucoup apprendre, et pouvait passer des journées entières à lire toutes sortes de bouquins. Des amis ? Très peu pour lui. Il s'était fait des connaissances, et encore. Il évitait tout le monde comme la peste, et le peu de courageux qui ont essayé de sympathiser avec lui, se sont vite ravisés.
Il n'aimait pas vraiment rentrer chez lui pour les fêtes de Noël ou pour les vacances, les retrouvailles avec son père avaient pour habitude de lui tordre l'estomac. La seule et unique raison pour laquelle il rentrait, c'était sa mère. Malheureusement, le Noël de sa troisième année à Poudlard, il apprenait qu'elle était tombée malade. Un cancer, disaient-il. Toute la magie du monde ne pourrait la sauver, seulement l'argent pourrait. Payer ses soins excessifs n'étaient pas dans leurs moyens, et c'est pour cela qu'il avait commencé par des petits jobs illégaux, pour finir par ne plus pouvoir en sortir. Il s'enfonçait, de plus en plus loin dans la criminalité, sans jamais se faire attraper.

Lorsque la guerre avait éclatée, il avait continué à agir dans l'ombre. Thomas Ford, qui était secrètement partisan de la cause de Voldermort sans jamais avoir rejoins ses rangs, interdisait à son fils de combattre aux côtés des "gentils". Bien qu'il suivait toujours les ordres de son père, il en avait décidé autrement cette fois-ci. Peut-être qu'il avait tenu quelque chose de sa mère, finalement. Il avait activement combattu et participé, avec fierté, à la fin du règne du Seigneur des ténèbres. Son coeur s'était empli de joie lorsqu'il vit les étoiles dans les yeux de sa mère. Elle était fière de son fils, et pouvait enfin s'en aller en paix. C'est quelques jours après que le calme soit revenu dans le monde des sorciers que Aaliyah Ford s'endormait paisiblement, emportant avec elle la seule part de bonté qu'il restait en Alaric S. Ford.

Après que la guerre eut fait rage et que ses études s'étaient terminées, Alaric s'était installé en plein coeur de Londres. Il s'était retrouvé seul du jour au lendemain, sans avoir eu le temps de s'y préparer. Personne n'est jamais vraiment prêt à ça, remarquez. Il était maintenant livré à lui-même, et vivait de ses petits emplois qu'il valait mieux qu'il en garde l'existence pour lui. Son appartement était petit, sous les toits d'un vieux bâtiment. Il ne payait pas de mine, mais il lui suffisait amplement. Mais il s'était enfin décidé, après toutes ces années, à trouver un emploi. Un vrai emploi, une sorte de couverture. Mais les recherches allaient s'avérer plus difficiles qu'il ne le pensait.