Le mois de janvier était peu un peu trop frais pour un rendez-vous extérieur au jardin public mais par chance la journée s'annonçait ensoleillée. Eden alluma un cigarette en attendant la prochaine personne qu'elle allait interviewer : Héra Greengrass. Sa collègue ne s'était rangée que brièvement du coté du Mage Noir pendant la guerre pour rejoindre très vite l'Ordre mais ce bref passage risquait fort d'intéresser la Taylor pour sa série d'articles. Par dessus tout, la Greengrass était journaliste historique, elle pensait donc que cet atout allait enrichir leur échange. Echange qu'elle espérait un peu moins mouvementé que celui qu'elle avait eu avec Pansy Parkinson, même si il s'était révélé très intéressant.

La brune scruta l'horizon du jardin public, s'attardant sur les enfants qui jouaient sur la pelouse. Elle les trouva si innocents, loin de ce qu'il s'était passé seulement sept ans auparavant. Elle fut envieuse de tout cette candeur. Eden se rappela de son enfance à elle, lorsqu'elle venait aussi jouer dans ce parc accompagnée de sa mère et de ses quelques amis. A l'époque la recherche de la vérité n'était pas une nécessité pour elle, elle s'en souciait bien peu d'ailleurs, comme tous les enfants le font. Puis elle se remémora ses années à Poudlard et elle eu envie d'en rire, elle s'était vraiment amusée pendant ces quelques années. Mais elle revint bien vite à son sérieux, ses pensées mélancoliques envolées. Elle devait se concentrer sur sa tache, son gagne pain. Elle relut ses notes, les questions qu'elle allait poser à sa collègue, pour la énième fois.

Elle n'avait jamais vraiment parlé avec Héra avant, malgré le fait qu'elles soient collègues. Les deux jeunes femmes n'avaient jamais vraiment eu l'occasion de se parler avant ce jour, même si Eden pensait qu'elle pouvait être très agréable. Héra Greengrass était plutôt appréciée par tous ses collègues même si elle pouvait paraître un peu timide. D'ailleurs la voilà qui avançait vers Eden, qui jeta sa cigarette au sol.

- Bonjour Miss Greengrass, lança la brune en lui tendant la main.

Par Héra Greengrass

Héra lui serra la main en retour. Eden savait à l'avance que leur échange serait professionnel, ce qui n'était pas pour la déplaire. Même si la brune semblait être une jeune femme des plus agréables et sympathiques, la Taylor ne se rappelait que trop bien de son échange avec Pansy Parkinson, de ses sentiments après celui-ci et du résultat de son interview. Elle espérait de tout son cœur de ne pas devoir revivre ce genre de rencontre de travail.

- J'ai apporté quelques documents qui pourront peut-être compléter vos articles. Peut-être pourrions-nous nous installer quelque part ? demanda bien vite sa collègue.

Eden hésita quelques instants puisqu'elle n'avait prévu aucun endroit précis pour leur rencontre. Elle s'était dite que un simple banc conviendrait pour faire ce qu'elles avaient à faire mais en effet un lieu un peu plus couvert aurait été préférable. C'est alors qu'elle remarqua un petit gazébo blanc parfaitement entretenu sous lequel trônaient deux bancs. A vrai dire, l'ambiance qui y régnait semblait plus adaptée à une rencontre amoureuse qu'à un rendez-vous professionnel mais Eden s'en souciait bien peu.

- Que diriez-vous de vous installer là bas ? proposa Eden avec un sourire courtois en indiquant le lieux.

La Greengrass acquiesça et les deux collègues se dirigèrent vers un des deux bancs. C'est alors que Eden se demanda quel genre de documents elle avait bien pu prendre. Peut-être qu'elle allait essayer d'éviter la question, après tout elle n'avait jamais lu un quelconque témoignage sur la guerre fait par Héra Greengrass. Elle aimait être la première à faire quelque chose, l'innovation la faisait se sentir importante.

- J'ai préparé quelques questions. Vous pouvez y répondre d'un point de vue personnel ou historique, peu importe, annonça Eden en s'asseyant sur le banc.

Elle aurait certes préféré un point de vue personnel mais elle ne voulait pas brusquer sa collègue. Après tout, les deux savaient très bien que pousser quelqu'un à bout n'apportait jamais rien de bon. Héra hocha la tête, l'incitant à poser sa première question.

- Est-ce que vous pensez que les anciens Mangemorts sont moins bien intégrés dans la société d'aujourd'hui ?

Eden avait choisi de changer les questions pour la Greengrass puisque poser les mêmes que pour ses anciennes interviews n'aurait pas eu grand sens. Elle devait tenir compte de l'expérience particulière de son interlocutrice.

Par Héra Greengrass

Héra réfléchit quelques instants, le sujet était complexe et Eden en était consciente.

Ça me semble évident, et ce des deux côtés, commença la brune. C'est à dire celui des Mangemorts et des autres. Ces autres sorciers, donc, ont forcément après la guerre rejetés ceux ayant appartenu au camp de Voldemort et pour une raison bien simple : c'était un moyen d'éloigner la guerre et trouver des coupables.

Eden nota méticuleusement les mots de la Greengrass dans son calepin mais sans oublier d'écouter attentivement. Elle trouva la raisonnement de sa collègue très intéressant.

- Bien sûr, c'était également à cause des atrocités qu'ils avaient pu commettre et surtout sur qui, mais ce n'était pas le corps du problème. En les accablant eux-mêmes ils se dédouanaient et punir était la parfaite solution. Ça ne pouvait ne pas avoir de conséquences. Peu importe la situation ou ce qu'a décidé la justice, c'est le comportement de nos contemporains qui a le plus d'influence sur nous et définira notre comportement. Ceux ayant choisi le « mauvais côté » se sont forcément éloignés pour se protéger et même s'ils ont pu se rapprocher par la suite, cette distance perdure. Il y a également la culpabilité à laquelle ils ont tentés – tentent – d'échapper. Enfin ça reste un sujet vaste et complexe, finit-elle.

La Taylor nota le dernier point sur sa feuille blanche et releva les yeux vers ceux de son interlocutrice. Tous les Mangemorts qu'elle avait précédemment rencontré n'avaient pas exprimé ce fait, cette exclusion volontaire dont Héra parlait. Ils s'étaient exprimés comme si c'étaient les autres qui les mettaient à l'écart, certes pas explicitement et avec des gestes discret mais puissants.

- Si je vous suis bien, les suiveurs du Mage Noir se sont volontairement exclus, ou du moins mis à l'écart à la fin de la guerre ?demanda la brune pour être sûre d'avoir tout saisi. Je n'ai jamais eu cette impression à l'issue de mes précédentes interviews mais c'est peut être qu'ils préfèrent cacher ce côté ...

Avant même que sa collègue n'ai le temps de répondre à ses interrogations Eden se pencha une nouvelle fois sur ses notes pour s'approprier de sa prochaine question.

- Passons, voici ma prochaine question, reprit-elle après s'être éclaircie la gorge. Pensez-vous que pour les élèves de Poudlard qui ont fait le choix de devenir Mangemorts le choix et les idées des parents ont pu influencer le choix de l'enfant ?

Par Héra Greengrass

Héra parut hésiter face à la question de Eden. Celle-ci se demanda si son interrogation l'avait dérangée mais elle n'eut pas le temps de s'interroger bien longtemps puisque la Greengrass répondit bien vite.

- Nécessairement. C'est vos parents ou vos tuteurs qui vous éduquent et vous transmettent leur vision du monde, par conséquent leurs convictions. Que ce soit par acte de rébellion ou pour les suivre, la manière dont vous les considérez et l'impact qu'ils ont sur vous est décisif et c'est ce qui mènera au moins temporairement votre vie. Certes, avoir vécu à Poudlard permet d'acquérir une certaine autonomie mais ce n'est pas suffisant si l'influence de vos parents est trop forte. Tout dépend de comment eux se situent vis-à-vis de leur enfant et la place qu'ils ont occupés dans sa vie.

Eden ne lâchait pas son calepin et pendant qu'elle prenait des notes, elle se dit qu'elle aimait bien la façon qu'avait sa collègue de tourner les phrases. Elle devina que son interlocutrice s'efforçait de paraître polie lorsqu'elle répondait à sa question. Il était vrai que la réponse paraissait assez évidente mais elle voulait quand même en avoir le cœur net. Héra s'arrêta pour reprendre sa respiration et réfléchir avant de continuer.

- Pour être plus concise, oui, à l'instar de tout ce qui nous entoure et plus encore parce qu'on doit supporter leur omniprésence de longues années durant, les idées et choix des parents influencent forcément ceux de l'enfant.

La Taylor sourit poliment, un peu pour la remercier et un peu parce qu'elle avait été satisfaite de cette réponse. Elle ressemblait à toutes les autres réponses qu'elle avait eu jusque là. Habituellement, à ce moment là de l'interview, elle demandait aux sorciers "si vous pouviez changer quelque chose pendant vos années à Poudlard, qu'est-ce que ça serait ?" mais elle avait bien vu que sa collègue n'aimait pas répondre d'un point de vue personnel, elle devait donc changer ses plans. Et l'improvisation n'avait jamais été son fort. Eden réfléchit quelques instants puis se lança :

- Cette question peut paraître étrange mais pensez-vous que le traumatisme de la guerre et la pression sociale subie par les anciens Mangemorts, surtout les adolescent, ont pu générer de grands changements sur leur personnalité ?

Elle avait posé cette question en pensant à Théodore Nott, qu'elle avait rencontré lors d'une précédente interview. Son changement avait été radical et Eden n'avait pas pu s'empêcher de se poser cette question.

Par exemple les renfermer plus sur eux-mêmes ou au contraire les rendre plus extravertis, continua Eden pour rendre sa question plus précise.

Par Héra Greengrass

Héra sembla se tendre imperceptiblement. Cette question n'était effectivement en rien historique mais Eden avait besoin d'avoir le point de vue de la Greengrass sur au moins une des questions. Elle voulait voir sa collègue s'ouvrir, même si très peu, sur cet argument sensible. Avec un ton des plus formels et professionnels, Héra se décida enfin à répondre.

- Chacun se protège et reconstruit comme il le peut. Enfant, adolescents, adultes, il n'y a pas une personne qui n'ai pas ne serait-ce qu'indirectement été touchée. Ça a forcément causé des changements, d'autant plus si on prend en compte le paramètre selon lequel l'adolescence est déjà en elle-même période de changement. Cet aspect n'a pu qu'être exacerbé.

Eden nota consciencieusement ces propos tout en sachant très bien que la brune face à elle ne donnait toujours pas son ressenti sur la guerre. La Taylor décida de renoncer à ce rêve qui lui semblait irréalisable et barra la dernière des questions qu'elle avait préparé. Elle avait bien compris que Héra ne répondrait jamais sincèrement à une question à orientation personnelle. Faisant tournoyer son crayon entre ses mains hâlées, Eden réfléchissait très sérieusement à sa prochaine question lorsqu'une illumination la traversa. Quoi de mieux que de finir l'interview sur une touche positive ? Elle s'éclaircit alors la gorge avant de prendre la parole.

- Très bien, commença-t-elle calmement, voilà ma dernière question. Pensez-vous, d'un point de vue historique, que la guerre aurait pu être évitée ? Et si cela avait été le cas, comment Voldemort aurait pu être vaincu ?

Et elle afficha un sourire presque amical. Elle pensait que la Greengrass aurait surement beaucoup plus apprécié cette question que la précédente qu'elle semblait avoir prit plutôt personnellement. Elle espérait que sa collègue ne lui en voudrait pas trop, elle ne s'entendait avec aucun de ses autres collègues alors elle espérait se sauver au moins avec Héra. Non pas qu'avoir des amis lui tenait tout particulièrement à cœur mais travailler avec des personnes que l'on apprécie et toujours plus agréable.

Par Héra Greengrass