Allongée sur le flan, vêtue seulement d’un draps fin qui la couvrait à peine, Héra regardait avec tendresse le sorcier reposant auprès d’elle. Leurs vêtements éparpillés au sol étaient les témoins muets des instants privilégiés qu’ils avaient partagés. Du Ministère jusqu’à l’appartement de Drago qu’elle commençait à connaître et d’autant plus apprécier, elle avait contenu un désir qui n’avait fait que croître alors qu’ils fuyaient comme des enfants amusés par leur bêtise. Elle n’avait pas attendu qu’ils atteignent la chambre pour retrouver ses lèvres et toutes leurs promesses, se nourrissant avec avidité de leur goût. Assez longtemps elle avait joué les poupées suivant les danses dans lesquelles il l’entraînait. Désormais elle se sentait prête à partager sa place, la lui voler peut-être. Elle n’était plus capable d’attendre qu’il flanche pour le toucher, le sentir tout contre elle, au-delà même de la barrière de leurs habits.

Leur nuit n’avait encore été chassée par le jour et était pourtant déjà plus belle que la précédente. L’urgence de leurs incertitudes avait été remplacée par une ardeur plus pure, un sentiment rassurant dû à leurs aveux qui n’avaient qu’exacerbés leur passion. Elle s’était perdue dans ses gestes et ses caresses, les avaient approfondies, s’était blottie plus près, se délectant de ses mains sur sa peau, parcourant son corps en tous endroits, surtout ceux qui lui avaient été interdits. Leurs baisers étaient devenus plus pressants et profonds, plus éparses, plus sauvages comme plus doux. Elle sentait toujours son poids sur elle et se rappelait l’avoir enlacé pour qu’il ne s’éloigne jamais. Sur chaque parcelle de son être était imprégnée l’empreinte de son amant et le délice de leur étreinte.

Ses doigts effleuraient avec délicatesse le bras du blond tandis qu’elle ne pouvait détacher ses yeux des siens. Dans la lueur nocturne elle percevait l’esquisse de son visage et ses reliefs, mais surtout ses prunelles grises qui brillaient d’une lueur qu’elle leur avait rarement vu, mais peut-être n’était-ce que le reflet des siennes.

" - Je n’avais aucune envie d’aller à cette fête stupide, murmura Héra en brisant le silence, mais je ne regrette pas s’il le fallait pour te retrouver.

Elle se sentait libre d’être et de parler. La bulle cotonneuse qui la préservait lorsqu’elle était avec le Malefoy lui donnait l’impression d’être dans un univers qui ne connaissait ni conséquence, ni lendemain. Pour la première fois ce fut ce qui l’effraya.

- Promets moi que demain, tout ne changera pas. Je ne veux plus avoir à passer deux mois en te croisant à peine pour que tu finisses par escorter une de mes collègues à la prochaine soirée du Ministère et que je doive vous espionner en me demandant pourquoi ce n’était pas moi. "

Elle était plus honnête qu’elle ne l’avait prémédité et malgré sa quiétude, une pointe d’appréhension naquit au fond d’elle. Malgré toute la confiance qu’elle lui vouait elle craignait que ce rêve irréaliste ne se brise, qu’il la laisse et s’en aille, ou qu’il mente pour ne pas la froisser. Ses angoisses étaient sévères mais pour lui, elle se sentait prête à les dépasser.

Ses mots étaient plus doux encore que ses gestes.

" - Héra, franchement, je n'ai aucune envie d'être loin de toi. J'aimerais qu'on ne sorte jamais de cette pièce si tu veux tout savoir.

Elle n’irait pas le contredire. Cependant elle espérait plus, l’avoir tout à elle où qu’elle soit, qu’ils soient enfermés ou face à la foule, tous les deux quoi qu’il advienne. Une autre part l’affrontait en préférant que leur relation, quelle que soit sa nature, reste secrète et protégée. Une pensé perfide lui susurrait qu’elle n’était qu’un énième cliché à avoir succombé au charme du célèbre héritier Malefoy. Elle se sentait pareille à toutes les autres et craignait que, si leur idylle devenait de notoriété publique, elle soit catégorisée comme une idiote croyant à tort l’avoir changé. Pourtant elle savait qu’elle était bel et bien différente, mais rien n’y faisait. Elle n’était pas prête et se détestait d’accorder de l’importance à un détail comme celui-ci.

- Je n'ai aucune envie d'escorter quelqu'un d'autre que toi. Et tant qu'on y est je n'ai pas envie de te voir avec Hotwood ou n'importe qui d'autre. Je veux être ton premier choix Héra.

Son sourire s’étira tandis qu’il caressait sa joue. Il l’était, aucun autre d’admissible n’existait. Qu’il partage son sentiment la rassura. Elle avait l’impression que des certitudes s’éveillaient, que tout ce qui était désordonné depuis des mois, des années, peut-être même toujours, trouvait enfin sa place. Et c’était lui qui après l’avoir compliquée d’autant plus avait retiré le voile qui obscurcissait la situation.

- Je suis étonné que ça ne soit pas déjà évident.

Ces derniers mots éveillèrent des idées controversées chez Héra ; malgré tout ce qu’elle voyait, tout ce qu’elle vivait, certains doutes persistaient. Elle ne pouvait s’empêcher de se dire que tout était peut-être issu de son imagination, qu’elle exagérait leur histoire, lui donnait plus d’importance. Les preuves jouaient contre elle mais elle était particulièrement ingénieuse lorsqu’il s’agissait de les détourner. Comme pour s’apaiser, elle revint de se blottir dans les bras de Drago.

- Comme si c’était si simple.

Elle aurait aimé lui répondre que c’était clair, limpide, et que croire le contraire serait preuve d’une stupidité sans faille. Cachant son nez dans son cou elle retint ses lèvres d’embrasser cette odeur délicieusement évocatrice. Avorter la discussion, c’était fuir, et elle s’était promis d’arrêter. C’était sa bonne résolution qu’elle devait respecter.

- On est tellement allé en avant pour revenir en arrière que rien ne me semble sûr.

Les rares fois où elle avait cru leur relation acquise, amicale comme tout autre, elle avait basculé en un instant par la froideur, l’absence, un instant la sienne et l’autre celle de Drago. Elle ne supportait plus d’espérer, d’autant plus qu’elle en était désormais consciente. Cependant tout n’était pas aussi incertain qu’elle le prétendait.

- Ou plutôt ça l’est pour moi, rectifia-t-elle, mais ça ne fait pas tout. "

Elle avait besoin de plus que leurs sous-entendus, aussi explicites soient-ils. Cette nuit leur lien paraissait éternel, mais qu'en serait-il lorsqu'ils sortiraient de cette chambre comme l'avait évoqué l'alchimiste ? Elle redoutait de l'ennuyer en insistant, mais elle refusait de s'endormir en ayant peur que tout soit différent à son réveil.

Son silence l’aurait tendue en d’autres circonstances, mais le contact de ses doigts sur sa peau la calma. Jamais quelques mois plus tôt elle n’aurait pensé que la prison de ses bras puisse avoir un tel effet. Elle se revit en une autre époque l’attendre pour l’interviewer, échouer lamentablement et abandonner tout professionnalisme, s’agacer de perdre une précieuse occasion d’écrire un article inédit qui présenterait Drago Malefoy comme on ne l’avait jamais deviné. À l’époque il avait été un objet d’étude épineux. Désormais, il était tout.

" - Alors dis-moi. Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?

Elle qui s’imaginait particulièrement sereine soupira pour tuer la peur qu’elle sentait naître. Certains sujets étaient définitivement angoissants, d’autant plus lorsque la réponse qu’on attendait pouvait faire basculer notre vie. C’était ainsi qu’elle le considérait. Jusqu’à ce qu’il le lui demande, elle n’avait pas réalisé ce qu’elle attendait de lui, mais cette évidence la frappa sans la surprendre. Elle voulait être avec lui. Pas comme une amie, ni même une amie privilégiée. Qu’ils soient ensembles, qu’elle ait cette certitude que les autres ne comptaient plus, que cette place serait éternellement sienne. Elle s’était longtemps battue contre ses sentiments parce qu’elle savait tout au fond d’elle qu’aucun retour en arrière ne serait possible dès qu’elle en aurait prit conscience. Le manque qu’il créerait en s’éloignant d’elle ne s’estomperait pas.

Elle se sentait comme une gamine découvrant qu’on pouvait aimer, mais la situation était particulière. Drago n’était pas le premier homme auquel elle s’attachait, mais il était le premier qu’elle ne s’imaginait plus, pas même dans quinze ans, laisser partir. C’était la première fois qu’elle éprouvait le besoin que l’un de ses amants fasse partie intégrante de son existence jusqu’à son terme. Même avec William, malgré la solidité apparente de leur histoire, elle avait su dès le début que leur idylle aurait une fin. Elle n’admettait pas cette hypothèse avec le blond.

- Tu es sûr que je dois te le dire ? Peut-être que ça risquerait de te faire fuir.

À regrets elle s’éloigna légèrement de lui, une froideur désagréable la parcourant, et s’appuya sur un de ses avant-bras. Elle avait l’impression de devoir se confronter à son regard pour oser poursuivre.

-  Je ne pense pas qu’on puisse encore dire qu’on soit amis, mais qu’est-ce que ça fait de nous ? Je sais ce dont j’ai envie, mais il n’y a pas que moi. "

Elle avait peur de prononcer certains mots, émettre certaines idées, et espérait qu’elle était assez claire. Si ça devait l’effrayer, elle espérait au contraire ne l’être pas assez.

Drago semblait refuser de faire face à la conversation qu’elle leur imposait et elle se demanda s’il était trop tôt, si elle n’avait pas tout gâché en la précipitant. D’un autre côté il ne prit pas la fuite, pas plus qu’il ne laissa paraître un ennui quelconque.

" - Pour l'instant tout ce que je sais c'est que t'es vraiment belle quand t'as les cheveux en bataille Greengrass.

Il parvint à lui arracher un sourire tandis qu’elle tenta distraitement de remettre quelques mèches à leur place. C’était scandaleux comme un pauvre compliment pouvait lui faire plaisir. Elle eut envie d’abandonner, de ne plus essayer de comprendre et juste retourner auprès de lui, le plus possible. Difficilement elle se contint.

- Non, on n'est pas amis. Je te l'ai déjà dit, je couche rarement avec mes amis. Tu te souviens ? Ca ne date pas d'hier. Quant à ce que ça fait de nous... 

Le silence s’éternisa. La sorcière ne savait absolument pas quels étaient ses débats intérieurs, et pour un peu elle avait usé de ses dons de légilimancie. Qu’il puisse y résister n’était pas une raison pour ne pas essayer.

- Héra, dis-moi juste ce que tu veux.

- Je veux qu’on soit ensembles. Pour de vrai. Parce que …

Elle ne parvint à terminer sa phrase. Parce que quoi ? Malgré l’aisance qu’elle avait à dépasser son obscurantisme habituel, elle n’avait toujours pas éclairci certaines zones d’ombres. De nombreux détails restaient flous, elle-même refusant de les admettre. Alors qu’elle croyait avoir tout découvert de nouveaux éléments se distinguaient dans l’océan confus de la situation. Elle avait déjà été meilleure investigatrice.

- Je ne t’impose rien, corrigea-t-elle vivement, mais je ne voyais pas comment mieux te répondre. "

Elle avait peur de l’effrayer, qu’en essayant de tout avoir, il ne lui reste plus rien. S’il refusait qu’ils soient ensembles, elle savait qu’elle souffrirait de leur relation mais refusait qu’il ne fasse plus partie de sa vie. En se détestant d’être si faible elle avait conscience d’être prête à accepter n’importe quelle place qu’il lui laisserait. Elle refoulerait sa jalousie et ses envies jusqu’à ce que la situation lui soit plus insupportable que l’idée de le perdre. Mais cela adviendrait-il seulement un jour ?

Fuyant son regard elle s’écarta inconsciemment un peu plus. Elle craignait qu’il la rejette alors que ce n’était nul autre que ses propres pensés qui émettaient cette idée. Le comportement de Drago les faisait mentir, mais il pouvait jouer sur cette ambiguïté pour profiter de leurs moments en ne les salissant qu’au réveil. Il avait prétendu le contraire mais elle avait besoin d’encore un peu plus.

Comme si elle allait fuir de l’autre côté de l’appartement, Drago la retint en posant une main sur son bras. Son geste la rassura un peu sans lui rendre toute sa sérénité. Elle était mise à nu, mais il ne s’agissait plus que de son corps. Était-ce pour se protéger un peu qu’elle tenait le draps avec fermeté sur sa poitrine ?

" - Hé, t'éloignes pas trop non plus.

Ses mots l’encouragèrent, cependant, il ne s’agissait toujours pas de ceux qu’elle attendait. Elle pouvait lire dans ses yeux à quel point la décision semblait compliquée ce qui ranima son inquiétude. Pourquoi fallait-il qu’il hésite autant ? Elle était sûre d’elle et aurait voulu que ce sentiment soit partagé. Réalisait-il à quel point l’attente qu’il lui imposait était dure à supporter ? La tension qui émanait d’elle était presque palpable.

- D'accord.

C’était lui concéder tout et rien. Allait-il dans son sens ? Ou signifiait-il juste qu’il l’avait entendu ? Qu’il comprenait, mais rien d’autre ?

- Je veux qu'on essaye.

Ne dissimulant pas sa surprise, elle écarquilla les yeux. Elle comprit qu’elle avait cessé d’y croire avant même que tout ne commence, que ses doutes avaient condamné leur histoire, mais sa voix, ses mains sur son visage, ses lèvres heurtant les siennes, terrassèrent ses hésitations.

- Héra je sais pas si c'est une bonne idée que ça se sache je…  J'ai des mauvaises fréquentations, je sais que tu t'en doutes mais on en a jamais parlé. J'ai juste peur que... S'ils connaissent mes faiblesses ils les retourneront contre moi.

Emportée par toute l’effervescence qui avait habitée l’Angleterre, elle avait presque oublié la position délicate de Drago. Ils avaient tous dû faire un choix, et même s’abstenir en était un, mais sa place était toujours particulière. Surtout, il était inutile de l’ignorer, l’expérience avait prouvé qu’il était faible confronté à des dilemmes comme ceux-ci. Le temps était passé sans l’endurcir d’après ce que laissait penser l’apparition nouvelle de ces "mauvaises fréquentations". Elle n’avait jamais osé le questionner à ce sujet de crainte qu’il ne se braque mais elle entrapercevait une brèche dans l’obscurité.

- Héra tu es clairement ma faiblesse.

Cet aveux la transperça. Malgré leur gravité elle ne put s’empêcher de se sentir spéciale. Elle n’était pas une mais sa faiblesse. L’importance qu’il lui donnait l’emplit d’admiration autant que d’un plaisir qu’elle ne put contrôler. Seule une pointe d'appréhension l’empêcha de le manifester.

- Je ne sais pas si tu es maline en voulant traîner avec moi.

- Ça m’est égal, répondit-elle sans réfléchir, ça ne compte pas.

Et c’était vrai. Tout ce qui avait eu de l’importance avant paraissait dénué d’intérêt, comme si le monde s’était troublé d’un voile fade et qu’il était le seul à pouvoir le retirer. La rationalité dont il usait n’avait plus de sens dans cet univers neuf qu’elle rencontrait.

- Je te l’ai dit, je veux être avec toi. Le reste ça m’est égal. Même si c'est prendre des risques.

Elle retira ses mains pour les emprisonner des siennes.

- Mais je suis d’accord. Pour ça et d’autres raisons il vaut mieux que ça reste entre nous. Même si ça va être difficile de supporter l’idée de voir toutes ces filles continuer à graviter autour de toi, admit-elle dans un sourire en se penchant vers lui.

Elle avait affreusement envie de l'embrasser, mais elle se retint pour ne pas interrompre leur conversation. Le sujet qu'elle aborda était épineux et elle devait rester précautionneuse. Il devait savoir qu'il n'avait pas à la protéger, qu'au contraire il pouvait compter sur elle, qu'elle l'épaulerait quoi qu'il arrive. Si les apparences avaient parfois montré le contraire elle ne l'avait jamais jugé et ne souhaitait que l'aider. Elle avait peur de ce qu'il s'imposait et des conséquences de ses mauvaises chemins qu'il suivait.

- Drago, tu sais que tu peux me faire confiance ? Il y a des poids que tu n'as pas à porter seul. "

Le regard de Drago abritait tout un orage. L’obscurité qui l’assombrissait parfois semblait l’envahir, combattant la lumière acharnée qui persistaient tout au fond de ses pupilles. S’éternisant, le silence ne masquait pas l’importance de son dilemme. La jeune femme ignorait ce qu’elle avait provoqué ; elle avait voulu qu’il se confie sans deviner l’ampleur des ténèbres qu’il taisait.

" - J'ai... Je suis un de ses disciples Héra.

Sans préambule, il le lui révéla comme un secret trop bien gardé. Son honnêteté la surprit plus que ce qu’il venait de lui avouer. Elle se doutait qu’il avait choisit un camps, le mauvais évidement, comme si l’implacable roue du destin s’amuser à châtier ses victimes en leur rappelant leurs propres erreurs. Ce qui l’étonna ce fut qu’il le lui livre d’une manière si directe. Elle ne sut qu’en penser. Une pointe de déception peut-être, ou plutôt l’impression d’avoir admit sa défaite avant même d’avoir livré bataille. Elle voyait que ce choix n’était pas celui du cœur et elle aurait voulu, pour une fois, qu’il soit en accord avec les décisions qu’il prenait. Celle-ci ne lui paraissait pour autant pas totalement absurde. Par souci de tranquillité elle aurait presque été prête à le suivre … Et hésitait encore.

- Je dois lui obéir quand il a besoin de moi. Le plus souvent il me demande de faire des potions dangereuses, j'imagine que certaines servent à faire des attentats à l'étranger, je ne suis pas vraiment au courant des plans en amont mais je sais que j'en suis acteur. Mais ce n'est pas ça, le pire. Quand j'étais aux U.S.A avec mon père et ma mère j'ai…

Elle ne savait même pas qu’il avait été en Amérique, mes ses mensonges passés ne comptaient plus. Avec toute l’attention qu’il méritait elle l’écoutait pour saisir toutes les subtilités de sa situation, mais aussi celle de toute l’Angleterre.

- J'ai vu de quoi il est véritablement capable. Héra, il est pire que V.. Voldemort, je crois. Je crois qu'il est encore plus sadique... Il... Il ne fait pas que tuer, il soumet, utilise, il.. Il a brûlé des gens devant moi, les a traînés en laisse, il... Ce qu'il compte faire ici, ce n'est pas de la gentille politique, tu comprends ?

Là non plus il ne remettait pas son monde en question même s’il le noircissait nettement. Héra n’était pas de ceux qui laissaient le bénéfice du doute à G. ou buvaient ses belles paroles. Pourtant elle l’avait jugé moins cruel que ne le dépeignait le blond et ne remettait pas sa parole en doute. Soudainement elle eut peur, autant que lors de sa prise de pouvoir. Ces dernières semaines ce sentiment s’était doucement transformé en appréhension, on s’habituait à tout et ne pouvait être alerte éternellement, mais il l’avait réveillé de quelques mots. Paradoxalement en cet instant ce n’était pas ce qui l’inquiétait le plus. Elle ne se que préoccupait que de Drago et de ce qu’il vivait sans considérer sa position ou responsabilité dans l’atrocité de la H.O.R.D.E.

- Il a des moyens de pression sur moi. Ma mère pourrait être en danger si je n'obtempère pas. Imagine si on t'utilise, toi, pour me faire chanter ? Imagine…

Elle aurait voulu le rassurer, lui dire que tout allait bien, mais elle refusait de lui mentir. Alors elle se contenta de le prendre dans ses bras pour l’y serrer fort, se réconfortant autant que lui de leur étreinte. Son mutisme perdura plusieurs minutes jusqu’à ce qu’elle le brise.

- Je serais toujours là tant que tu auras besoin de moi. Peu importe ce que tu décides de faire, d’accord ?

La sorcière était elle-même tellement perdue qu’elle ne savait pas comment l’aider autrement qu’avec sa présence. Elle aurait pu lui conseiller de cacher sa mère, mais il était suffisamment intelligent pour y avoir songé. S’il ne l’avait pas fait il y avait forcément une raison. Elle n’avait aucune solution à lui proposer qu’il n’aurait pu trouver seul. Alors, faute de pouvoir l’aiguiller, elle essaya de le soulager un peu :

- Je ne sais pas depuis combien de temps ça dure, ni tout ce que tu as vécu ou comment ça a pu être difficile. Mais je te promets qu’on va trouver comment arrêter tout ça.

Elle se détacha légèrement pour d’une main orienter son visage vers elle, plongeant ses yeux dans les siens pour qu’il y capte sa sincérité.

- Ce ne sont pas des paroles en l’air. Je te jure que je ferai tout ce que je peux pour te sortir de là. »

À l’entendre, on aurait pu croire qu’elle avait la naïveté de se comporter comme si tout était simple. Ce n’était pas le cas. Elle savait comme la tâche qu’elle s’imposait serait ardue mais, comme tout le reste, ça n’avait pas d’importance. Que la Grande-Bretagne et le monde se déchirent, elle était prête à observer le conflit sans y participer s’il ne touchait pas les gens qu’elle aimait. Tout changeait dès lors que Drago était aussi directement menacé. Elle savait aux expressions qu’il utilisait qu’il se détestait d’agir ainsi et elle refusait qu’il se fasse tant souffrir.

Les émotions de Drago transperçaient sa voix. La brune voulait le serrer plus fort encore mais maintint leur position pour ne pas quitter ses yeux. Elle s’y accrochait comme à une bouée pour ne pas se noyer dans le flot de ses révélations. Finalement il la soutenait lui aussi, sans le moindre geste, sans le moindre mot. Malgré ce qu’elle s’imaginait d’autres aveux vinrent encore, et pas des moindres. Ils pouvaient paraître dérisoires mais avaient leur importance pour Héra.

" - Est-ce qu'au moins ça t'aide un peu mieux à comprendre pourquoi je me suis parfois tenu éloigné ou pourquoi j'étais évasif ?

- C’était pour ça ?

Elle avait cru être la victime, qu’il avait agit égoïstement sans se soucier d’elle. Jamais elle n’avait envisagé l’hypothèse qu’il n’avait pas eu le choix. Une vague de culpabilité l’envahit, la confrontant au fait que ses reproches immérités avaient dû lui imposer de porter un poids supplémentaire. Elle n’avait cessé de l’accuser de l'avoir rejetée alors qu’il luttait juste pour survivre et protéger ses proches. Malgré son comportement, sa dureté et son injustice, il était encore là. Il avait persévéré, était revenu vers elle, avait pardonné son ignorance. Elle s’était sentie abandonnée et comprenait enfin que ça avait été tout le contraire.

- Je suis désolée, si j’avais su je n’aurais pas … J’ai été injuste avec toi.

Comme pour la dernière guerre sorcière, tout avait commencé plus tôt pour les Malefoy que pour les autres. Il n’avait pas attendu l’ouragan pour que son monde s’effondre. À l’entendre, depuis des mois – au moins – il subissait cette pression que tous ignoraient. La menace de G. existait en Grande-Bretagne comme une musique de fond qu’on parvenait à oublier. Pour l’ancien serpentard ça avait été différent. Il avait dû subir et se taire, agir et obéir. La sorcière avait douté à une époque de son repentit sans envisager un instant qu’il soit aussi impliqué, surtout depuis si longtemps. Elle refusait que cette boucle l’emporte à nouveau.

- Ne recommence pas. Ne m’éloignes plus, peu importe la raison que tu y trouves. "

Elle n’osait lui demander ce qu’il avait vu et vécu. Autant qu’elle voulait qu’il parle pour se libérer, c’était aussi sa curiosité qui l’animait, ou plutôt son instinct de survie. À travers lui elle espérait deviner quel serait leur futur, comment leur Ministre bouleverserait l’Angleterre. Pourtant elle refoula son interrogatoire pour ne pas le bousculer. Il était plus important que quelques questions.

Les paupières d’Héra s’ouvrirent péniblement. Sa nuit avait été agitée, elle avait dormi d’un sommeil peu profond, voguant entre songes et réalité. Elle n’avait cessé d’être interrompue par des cauchemars absurdes comme réalistes nés pour la plupart des confessions de Drago. Inévitablement, elle avait peur pour pour lui, mais aussi pour elle, l’Angleterre, le monde tout entier. Seul ses bras la bordant l’avait rassurée un peu, réconfort irrationnel. Ils étaient les témoins de sa présence à ses côtés.

Éveillée, elle sentit son souffle sur ses cheveux. Elle profita de ces minutes solitaires pour repenser à tout ce qui avait changé depuis la veille à peine. Accompagnée par Liam, la simple vue du sorcier blond l’avait bouleversée. Son cavalier avait perdu tout intérêt, elle avait été obnubilée par cet autre escortant l’une de ses amies. Elle n’avait plus pensé qu’à ça, d’autant plus lorsqu’ils s’étaient confrontés l’un à l’autre. De dispute en aveux leurs joutes s’étaient succédé jusqu’à ce qu’ils se retrouvent enfin derrière un rideau abritant leurs retrouvailles. La soirée n’était allé qu’en s’améliorant pour qu’à son terme, Drago se livre à elle en lui confiant des secrets qu’elle n’avait pas soupçonnés.

Elle se retourna pour l’observer, détaillant son visage comme s’il allait lui confirmer que tout avait été réel. Héra ne doutait plus. Elle avait passé des mois à hésiter et se faire souffrir en voulant simplement se protéger. C’était terminé. En l’admirant elle ne pouvait plus se poser de question tant il répondait à toutes. N’y résistant pas, elle vint le prendre dans ses bras en se logeant dans le creux de son cou. Elle le sentit frémir et devina qu’il se réveillait lui aussi, peut-être à cause d'elle mais elle ne culpabilisa pas trop.

" - Salut, murmura-t-elle en s’écartant un peu pour le regarder, bienvenue en 2007. "

Sans même s’en rendre compte elle souriait, simplement parce qu’il était là auprès d’elle, parce qu’ils étaient si près l’un de l’autre, que ce premier jour était leur. Elle n’avait besoin de rien d’autre pour être heureuse et ses angoisses s’effaçaient. Doucement elle posa ses lèvres sur les siennes avec tendresse pour essayer d’exprimer ce qu’elle n’avait pas besoin de dire.

Drago s’en alla avec précipitation, la prévenant à peine. En un instant elle se trouva seule dans la chambre comme abandonnée. Elle aurait préféré que leur réveil s’éternise, qu’ils passent de longues minutes, peut-être des heures, enlacés dans les draps. Son absence soudaine l’ennuya, elle se sentait désœuvrée. Chaque détail de la pièce était désormais imprégné dans son esprit tant elle l’observa pour calmer son impatience – tentative infructueuse. Plus le temps passait plus elle se demandait ce qui pouvait bien l’occuper ainsi. Elle faillit vérifier qu’il était toujours dans l’appartement et n’avait pas fuit, mais la porte se rouvrit à cet instant.

Il entra en tenant un plateau sur lequel étaient présentés jus d’orange et croissants, ainsi qu’un journal. Celle qui avait écrit pour l’un d’eux à l’époque ne devina pas duquel il s’agissait mais savait qu’elle ne l’apprécierait pas. La presse anglaise n’avait pas une très haute place dans son estime depuis qu’elle l’avait quittée. Elle la lisait à peine pour suivre l’actualité sans lui accorder beaucoup de crédit, ne sachant que trop quel gouffre il pouvait y avoir entre ses articles et la réalité.

" - Tu as faim ? L’interrogea son hôte en s’asseyant près d’elle.

La sorcière se décala pour attraper ce qui s’avéra être le Gazette tout en lui répondant :

- Comment refu …

Elle s’interrompit lorsqu’elle aperçut le couple exposé tout au centre de la première page. Drago et Eden, rayonnants dans leurs tenues de soirées, chacun plus beau que l'autre. Même elle ne pouvait nier qu’ils s’accordaient (trop à son goût) et formaient un couple charismatique. L’aveu de Drago sur le baiser qu’ils avaient échangé lui revint et elle masqua difficilement une jalousie refusant de s’effacer. Au lieu de quoi elle afficha un sourire faussement narquois en le tendant à Drago.

- Regarde qui fait encore la une. "

Il n’était coupable de rien, elle se le répétait comme pour s’en persuader, et refusait de lui faire le moindre reproche. À travers sa moue elle craignait qu’il comprenne quels sentiments l’habitaient et s’en agace. En aucun cas il ne devait se lasser d’elle ou sa possessivité, il fuirait s’il la sentait trop pressante. Elle préférait s’en amuser pour ne pas être pesante malgré son irration.

Sans y accorder d’intérêt, le jeune homme repoussa le journal en l’ayant à peine survolé. Héra fut presque déçue de sa réaction. Intimement elle aurait voulu qu’il la rassure sans rien en laisser paraître. N’aurait-il pas pu embrasser une inconnue qu’elle aurait eu toute liberté de détester plutôt que l’une de ses amies ? Difficile de reporter la faute sur elle dans ces circonstances.

Elle n’eut le temps d’y songer plus longtemps, son attention accaparée par les mouvements de Drago. Son tee-shirt ne le couvrant plus avait été lâchement abandonné à son plus grand plaisir, et il vint tout contre elle l’empêcher de s’échapper. Il aurait été à l’autre bout de la pièce qu’elle n’aurait pas plus bougé, ou seulement pour le rejoindre.

" - Je ne comprends pas comment tu as pu bosser pour ce torchon.

Elle non plus, mais pour l’instant, elle ne s’en préoccupait pas. Les lèvres du Malefoy posées sur son cou, sa menton, les siennes, occupaient tout son esprit.

- Tu veux que je les poursuive pour diffamation ?

Un sourire lui échappa, et elle hésita entre répondre sur le même ton ou ne plus rien dire du tout. Étrangement les mots qu’elle aimait tant lui semblaient assez surfaits. Elle approcha un peu plus sa bouche, ne laissant qu’un espace infime, presque imperceptible entre eux.

- Diffamation pour ? Elle est plutôt flatteuse cette photo.

Elle aurait aimé entendre sa réponse mais l’embrassa avant qu’il ne réagisse. Plaquant un peu plus son corps au sien elle passa sa main dans sa nuque puis ses cheveux et joua avec ses mèches. Elle ne s’était pas rhabillée et c’était à peine si le draps la couvrait. Le contact de leurs peaux la ravissait autant que la veille, elle n’avait pas l’impression de pouvoir s’en lasser un jour.

Elle interrompit à regret leur baiser pour venir chuchoter à son oreille :

- Qu’est-ce qui t’as prit tout ce temps ? Tu discutais encore avec ton elfe ? "

Était-ce de la curiosité qu’elle dissimulait difficilement ? Peut-être. Après tout il était parti longtemps, trop longtemps, ce qui lui avait parut être une éternité.

Un sourire vague aux lèvres, Héra attendait patiemment que la sorcier se décide à répondre, se perdant dans ses yeux. Son humeur était l’inverse de celle de la veille et une douce chaleur la parcourut. Elle savait que l’ombre n’avait pas disparue, mais elle considérait que l’éloigner momentanément était déjà une victoire. Insuffisante mais bien réelle.

" - J'avais pas envie d'appeler Tinnie, je me suis un peu débattu avec les pépins.

Elle ne retint pas un rire de surprise, sa main posée sur la nuque du blond accompagnant son geste. Le célèbre aristocrate que la moindre besogne rebutait avait pressé de lui-même du jus d’orange ? Pour ce simple geste elle se sentie flattée. Ça avait déjà été adorable de le voir entrer dans la chambre avec son petit plateau, mais si en plus on ajoutait le fait qu’il soit son œuvre … C’était sans regret qu’Héra se sentait privilégiée.

- Greengrasss. Je fais jamais ces trucs-là tout seul, vas-y fiche-toi de moi.

Qu’il appuie sur le caractère exceptionnel de son effort ne lui fit que plus plaisir, ce qu’elle ne cacha pas.

- Jamais je n’oserais. Merci d’ailleurs …

Elle voulut l’embrasser mais il l’en empêcha en redessinant ses lèvres de son doigts. Comme prisonnière de l’instant elle n’osait plus bouger, respectueuse du silence qu’il leur imposait. Aussi longtemps qu’il se tut elle profita de sentir son toucher délicat.

- Tu sais que si je revois Hotwood dans tes pattes je ne vais pas aimer ça du tout ?

Est-ce qu’il jouait les jaloux ? Liam s’était contenté de l’accompagner, il n’y avait rien d’autre que du vide entre eux, elle l’avait presque ignoré toute la soirée tant elle s’était concentrée sur Drago. On ne pouvait en dire autant de lui et Eden qui, la Gazette ne le lui rappelait que trop bien, avaient été beaucoup plus intimes. Une paire d’heure à peine avant qu’il ne s’évade avec la brune qui plus est. Elle aurait pu le rassurer mais prit une autre direction.

- C’est dommage, j’avais justement prévu de le revoir …

Elle laissa sa phrase en suspend en détournant le regard avant de vite le ramener à lui.

- Après tout, il me doit un baiser, non ? J’ai cru comprendre que ça fonctionnait comme ça avec nos cavaliers … "

Son ton était taquin mais elle n’essayait pas juste de se moquer gentiment de lui. Cette histoire avec son ancienne collègue la perturbait plus que de raison même si elle refusait de s’y confronter. Peut-être  réagirait-il si elle le présentait sous cet angle ? Pour appuyer ses propos elle ramena nonchalamment le journal entre eux.

Une tension nouvelle emplit la pièce. La brune n’avait absolument pas conscience de ce qu’elle avait provoqué dans la tête de l'alchimiste, ni les conséquence qu'elle entraîna.

" - Héra ? Je te conseille de pas déconner.

À sa voix elle comprit qu’il ne plaisantait pas. Son changement d’humeur soudain la glaça, tout lui échappait. Leurs plaisanteries légères avaient été troquées contre un ton dur et une menace. Elle ne la prit pas au sérieux, mais une lueur dans son regard sous-entendait qu’il ne mentait pas. S’était-il imaginé qu’elle comptait vraiment embrasser Liam ? Que ça avait été plus qu’une taquinerie ? Ça n’avait pas de sens.

- Tu ne crois pas que si je l'ai repoussée c'est parce que j'avais autre chose en tête ? Et elle aussi elle s'en fout, t'as qu'à lui demander, c'est comme si il s'était rien passé. Tu cherches quoi là ? A trouver une raison de revoir Hotwood ou juste me faire chier ?

Elle hésitait entre rire de son ridicule et s’agacer autant que lui. Sa réaction paraissait irrationnelle tant elle était excessive. Pourtant elle n’avait pas envie de se lancer dans cette compétition stupide duquel lâcherait en premier. Son comportement était forcément justifié par une raison qui lui échappait.

- Drago, demanda-t-elle d’une voix douce, qu’est-ce qu’il t’arrive exactement ? Si je voulais revoir Liam je n’aurais absolument pas besoin de raison, je serais avec lui. Ce n’est pas le cas.

Sa voix se raffermit un peu, devenant plus sûre sans être désagréable.

- Ne me conseille rien du tout, et ne me parle pas comme ça non plus. Tu m’en veux pourquoi quoi exactement, avoir eu un cavalier ? C’était ton cas aussi, et repoussé ou pas tu l’as embrassée. Je n’ai rien à dire mais si tu n’as pas de reproche à te faire alors moi encore moins. Je serais curieuse de savoir ce que tu dirais si c’était nous qui avions été en première page.

Ce n’était pas juste et il le savait. Elle espérait qu’il se calme en faisant face à l’absurdité de la situation. Se rapprochant imperceptiblement, sans même le contrôler, elle poursuivit :

- Tu n’as quand même pas peur que je veuille retourner vers Liam ? Parce que dans ce cas l’ignorer toute la soirée pour t’espionner et l’abandonner à peine avant minuit c’était peut-être pas le meilleur plan. "

Elle ponctua sa phrase d’un rire bref et peu assuré. Contrairement à lui, forcé par d’autres ou pas, elle avait été irréprochable. Même si ça n’avait pas été le cas, tout était différent hier, leurs blâmes n’avaient pas lieu d’être. Le passé ne changeait jamais.

Lorsque Drago s’était écarté d’elle, elle s’était sentie déshabillée. Leur situation, au-delà de la gêner, la touchait. Rien n’était pire que sa froideur indifférente. Elle le sentait loin d’elle soudainement et un arrière-goût désagréable se diffusa dans le fond de sa bouche. Elle voulait le prendre dans ses bras et le ramener tout près, l’empêcher de fuir, lui dire que ce n’était pas important. Seulement tout n’était pas si simple et elle affronta ses reproches.

" - Je t'en veux de rien. Mais tu fais ça à chaque fois. Me reprocher des trucs sans le dire clairement, réveiller les insécurités des autres pour mieux masquer les tiennes. Tu crois que j'ai pas capté ce que t'insinuais en me remuant la une de la Gazette sous le nez tout à l'heure ? Et maintenant ça ? JE ne l'ai pas "embrassée", c'est elle qui s'est approchée de moi et je l'ai rapidement éloignée. Si tu veux jouer avec les mots, déformer la réalité pour la tourner à ton avantage et l'utiliser pour me provoquer, et ensuite dire que tu ne fais que plaisanter, très bien Greengrass. Pas de problème. Mais franchement, non, je n'ai aucun reproche à me faire. Je peux me reprocher beaucoup de choses mais pas ça.

Comme s’il n’y avait pas assez de distance entre eux il se rassit pour remettre son tee-shirt, barrière textile les espaçant encore. L’inconfort de la brune s’accentua par ce geste d’apparence anodine mais malheureusement significatif. Ce n’était pourtant qu’un détail qu’elle distingua à travers le flot de ces mots. Elle ne le trouvait pas juste ; personne ne lui avait dit que le baiser avait été initié par Eden, et elle n’avait pas non plus l’impression d’utiliser ses insécurités. Cependant elle restait hésitante sur ce dernier point, consciente que certains de ses comportements lui échappaient parfois.

- Et je m'en tape d'Hotwood. Tu fais ce que tu veux.

Héra pinça les lèvres face à cette mauvaise foi évidente. Il n’aurait jamais réagit ainsi s’il y portait si peu d’intérêt. Tout ça l’agaçait et elle faillit s’emporter pour se défendre. Seulement ce sentiment n’était pas celui qui prédominait : elle repensait à leurs retrouvailles et la nuit qu’ils avaient partagée, il lui semblait tellement lointain, tellement inaccessible. Cette idée lui paraissait insupportable. Alors, plutôt que de s’énerver pour détourner ce qu’elle pensait vraiment, elle suivit sa ligne directrice nouvelle : être honnête.

- Moi pas, et c’était pour ça mes réflexions. C’était peut-être injustifié ou maladroit mais je ne sais pas comment gérer, j’ai rarement été jalouse. Je te jure que j’essaie de le refouler.

Elle joua avec ses ongles, se perdant dans leur contemplation pour éviter son regard. Ses efforts lui demandaient déjà beaucoup de concentration et elle était plus à l’aise en essayant désespérément d’oublier qu’il la jugeait.

- Et si tu t’en tapes autant, continua-t-elle d’une voix presque faible, je ne vois pas pourquoi tu réagis comme ça. "

Cette affirmation était contradictoires avec ce qu’il avait pu dire à peine avant. Elle n’essayait pas de relever ses incohérences ou d’être désagréable, au contraire. Son but à l’inverse était plutôt d’apaiser le climat désagréable. Elle retint ses grands discours pour se concentrer sur l’essentiel.