Enfin ! C'était la fin de durs labeurs et l'accomplissement d'un travail rondement mené. J'avais été studieuse, du moins dans les matières théoriques et politiques, et mon bulletin pouvait en témoigner. J'étais une sorcière de l'esprit plus que de la baguette, mais ça rentrait parfaitement dans mes plans. Il fallait bien rendre fiers papa / maman qui avaient misé sur mon ambition en mettant une généreuse somme de gallions de côté depuis ma naissance, tout ça pour pouvoir m'offrir le luxe de cette école réputée ! Or, j'avais parfaitement conscience des notions alimentaires et fondamentales comme l'argent, de tous les efforts qu'ils avaient mis en oeuvre pour rendre cela possible, et je n'avais pas l'intention de gaspiller cette chance. Après tout, je voulais travailler dans la politique. Je ne pouvais décemment pas suivre un cursus médiocre ! Le C.A.R.I.B.O.U étant de renommée mondiale dans le milieu, ça faisait sens de migrer au Canada le temps de mes études, quitte à buter sur les matières pratiques et me focaliser sur les théoriques. Du reste, même si mes rares amies disaient de moi que j'étais un peu trop éparpillée ou distraite pour tenir un discours politisé plus de 5 minutes, je ne lâchais rien de mes objectifs. Moi, j'étais motivée et ça me suffisait. En plus je n'avais plus qu'une année à tirer, je voyais enfin le bout du tunnel !

Ce qui me plaisait là-dedans, c'était la possibilité de changer le monde et de copiner avec nos voisins moldus. Leur monde me fascinait depuis toute petite déjà et j'avais toujours été frustrée par cette barrière quasi invisible qui nous séparait. Qu'à cela ne tienne, j'allais faire en sorte de changer ça en commençant par suivre une formation de premier choix à la WPSM !

Je me souviens encore de ma réception d'affectation il y a cinq ans (ça passe tellement vite !!). J'étais anxieuse mais curieuse et excitée comme un pinson cracheur de feu d'Amazonie ! En découvrant les locaux, j'avais été émerveillée. C'était si vaste, si vert, si... fréquenté ! Ca me changeait de mon petit village de Flagley-Le-Haut, dans la vieille Angleterre. Des tonnes d'élèves aux origines diverses se bousculaient pour voir les nouveaux venus dont je faisais partie, et quand je suis passée devant l'horloge parlante je ne fus pas surprise de son verdict. Sparkoflynx, la division des sportifs, des aventuriers, des rêveurs, des idéalistes... Je n'étais pas spécialement portée sur le Karpitch sur tapis volant mais pour le reste, j'aimais penser que j'y correspondais. A vrai dire j'aurais tout aussi bien pu intégrer les Beaverdust étant de nature plutôt joyeuse, mais il est vrai que je n'étais pas du tout de type casanier... Alors Sparkoflynx ce fut et je n'en étais pas peu fière !

J'avais passé ma première année plongée dans les livres, m'arrachant les cheveux pour réaliser des sortilèges offensifs qui me dépassaient complètement. Grande pacifiste dans l'âme, je préférais retourner aux bouquins jusqu'à ce que l'appel de l'oisiveté ne s'empare de moi... C'est comme ça que je me mis à tester énormément de clubs farfelus qui, curieusement, attiraient peu d'élèves. Moi je m'y sentais bien et ça me permettait de remonter ma moyenne générale par le simple fait d'y participer. Une bonne technique pour parer à mes lacunes éventuelles ! C'est ainsi que je me vouai une passion pour la couture de chapeaux pointus en moustaches de troll. J'adorais ça ! Je pouvais y passer des heures, tissant mon accessoire en y rajoutant des fleurs, des formes géométriques, des résidus de poussière de fée... Ca me permettait de m'évader et de laisser voguer ma créativité. Vraiment sympa ! C'est dans cet atelier que je rencontrai une élève de la division des Moosurricane et qu'elle devint ma seule amie pour le restant de ma scolarité.

J'allais difficilement vers les autres, non pas que j'étais timide ou hautaine, juste que je n'y prêtais pas grande attention. Légèrement handicapée par les rapports humains, je ne savais pas comment faire. Ca allait probablement poser problème en politique, il fallait y remédier de toute urgence mais je laissais traîner, par facilité. Comme une imbécile heureuse émerveillée par son environnement, je me contentais de marcher, parler avec les brins d'herbe, râler sur mes feuilles froissées, entre autres choses qui, pour une raison que j'ignore toujours, me vouaient de curieux regards dans les couloirs de l'école. Cela ne m'a jamais vraiment affectée, tout simplement parce que je ne m'en rendais pas compte. Je vivotais, tout comme lors de cette fête de fin d'année.

La mise en place était tout bonnement splendide ! Des confettis flottaient, comme figés dans  le temps et l'espace, et les activités ne manquaient pas. Le fait d'être la seule déguisée ne me gêna pas outre-mesure. Ah oui, comment en étais-je arrivée là ? Une fille d'Erminflake avait jugé bon de me prévenir d'un changement de dernière minute dans l'organisation de la petite sauterie. Apparemment, il fallait venir déguisé en mage historiquement connu. Je lui fis naturellement confiance puisqu'elle était déléguée aux événements de l'école à son bon loisir et assistait les professeurs pour la mise en place de ce genre de fêtes intramuros. Pourtant, j'étais la seule avec une longue barbe grise, un chapeau pointu (de ma confection s'il vous plait !) et une cape moyenâgeuse. S'était-elle moquée de moi ? Eh bien, au moins, je suscitais la curiosité de mes pairs !

- HEY ROSEBURY, t'as sorti la tenue de soirée ? C'est les barbes qui t'excitent ? me lança un élève alors que je savourais un caramel mou en fixant le bleu du ciel.

- Oh ! répondis-je sans prendre conscience du caractère moqueur de son intervention. Oui, les barbes peuvent faire de beaux chapeaux tu sais ! En fait, j'ai même réutilisé quelques poils de celle-ci pour faire le miens, à la place des moustaches de troll. C'est plutôt réussi, non ? Qu'est-ce que tu en penses ?

Le garçon me dévisagea comme si j'étais un cas désespéré et décampa sans considération. Surprise par ce départ anticipé, je haussai les épaule et revint à ma dégustation, toujours dans la lune. Pour l'instant, c'était une jolie fête !

Mais pourquoi ça n'arrive qu'à moi ? Je cours dans les couloirs sous le tic-tac magique de l'horlogequi se répète inlassablement. Ah, quand l'horloge ne nous répartit pas, on a le droit à son tic-tac hyper stressant. Je suis déjà anxieux de base, je crois, mais quand en plus ce bruit ressemble à la faucheuse qui veut vous exécuter. J'exagère ? Oh à peine. Je suis juste en retard à la plus grande fête de l'année qui clos le C.A.R.I.B.O.U.

Tout ça parce que j'ai aidé Archie à choisir sa paire de chaussettes à pompoms qui changent de couleur... Il pouvait la choisir plus tôt ? Je suis certain qu'au moins la moitié des Beaverdust sont comme lui, un peu bizarres ou ayant des goûts douteux tout du moins. Sur ces pensées, je me retrouve à courir comme un dératé, Archie derrière moi, beaucoup plus serein. Je lui en voudrais d'avoir raté la moitié de la soirée. Heureusement, ce n'est pas le cas.

Quand j'arrive, une chanson de Garou bat son plein, chanté par le groupe musical tendance du moment : les Mangemorts. Il paraît que c'est un super chanteur moldu. Charlene l'adore. Mais moi j'ai pas entendu une seule de ses chansons... Enfin maintenant si. Au loin, je repère des bonbons... Oh des bonbons... Charlene m'interdit d'en manger en temps normal. Il paraît que c'est très mauvais pour la santé. Mais Charlene n'est pas là pour me l'interdire... Donc j'ai le droit non ?

Ni une ni deux, je commence à m'empiffrer de bonbons. D'autres me regardent, mais ils ne connaissent pas cette sensation d'être privé d'une chose aussi exquise ! Je ne veux pas entendre une seule personne m'en parler. Pas même la directrice, miss Ravensborough. Après une bonne... centaine ? Millier même. Après un bon millier de bonbons, je ne me sens pas très bien...

Mon estomac commence à faire des siennes. Les retours gastriques sont dérangeants... Je sens que ça remonte... Je devrais courir maintenant. D'un pas précipité, j'essaye d'aller aux toilettes, mais me trouve être bloqué par deux élèves, une Erminflake qui harcelait une Sparkoflynx. J'essaye de leur faire comprendre de dégager le passage, mais trop tard...

Je rends le millier de bonbons ingurgités sur l'élève d'Erminflake.

- Je, je suis désolé !!

Oups, elle est plus âgée que moi et est dans la même maison que moi... Ca craint vachement ça Bentley...

Il faisait très beau, ce jour-là. Un vent léger charriait jusqu’à Mitsuhane les odeurs envoûtantes des désirames dont le club de botanique vantait les nombreux mérites : il était vrai qu’une fleur dont le parfum changeait selon qui le sentait – puanteur sans nom en cas de danger, ivresse odorante rappelant à chacun son effluve préférée lorsqu’elle cherchait à déposer son pollen – ne pouvait qu’être un apport précieux pour la parfumerie magique. S’éloignant des arômes tentateurs, la jeune fille prit néanmoins soin de rester dans l’ombre des arbres, sa peau pâle craignant le soleil. Devant elle, un groupe d’élèves plus âgés – des Beaverdust, si elle voyait bien le castor clignotant sur leur robe – s’embrassaient et se félicitaient respectivement pour l’obtention de leur C.A.R.I.B.O.U. , sous une pluie de confettis multicolores ; un jour, ce serait son tour. Mais si elle voulait malgré tout profiter de la journée qui s’offrait à elle, Mitsuhane avait grand intérêt à le faire de sitôt car sitôt la réception d’affectation achevée, il y aurait bien plus de monde dans les parages. En songeant à la sienne, la jeune fille avait senti une excitation inhabituelle monter en elle : où finirait-elle donc par être envoyée ? Hormis son amour du sport, peu de chose pouvait la désigner comme appartenant aux Sparkoflynx. Erminflake lui correspondait davantage et, sans surprise, ce fut là qu’elle se trouva envoyée et était encore à ce jour. Se plaisait-elle dans sa maison ? Au moins ne s’y déplaisait-elle pas, aussi estimait-elle que l’horloge parlante ne s’était pas trompée à son égard. Elle s’était liée d’amitié avec une petite brunette aux dents longues et aux épaisses boucles répondant au doux nom d’Harmony. Intelligente, studieuse et déterminée, cette fille de moldus aux yeux verts avait été considérée par beaucoup comme trop hautaine et « mademoiselle je-sais-tout » était en vérité aussi gentille que pleine de ressources, sa maladresse mise à part. Peut-être sa situation y était pour quelque chose : immigrée congolaise, elle était sans-papier à son arrivée dans le pays, seule son intelligence et son goût de l'apprentissage l'avait emmené entre ces murs de la célèbre école. Une de ces nombreux enfants pauvres sauvés par le tic-tac de l'horloge magique... Néanmoins, Mitsuhane était certaine de ne pas la trouver aujourd’hui : elle avait déjà été prévenue par son amie que celle-ci tenterait de chercher des partisans dans son opposition à la couture de chapeaux pointus en moustaches de trolls qu’elle estimait responsable du déclin de l’espèce. Qu’importait, elle-même trouverait fort bien de quoi se divertir seule. Entre les bonbons (elle voyait quelques élèves se goinfrer de sucreries de toutes formes et couleurs), les hurlements provenant du train fantôme et les duels de sorts les plus amusants, elle aurait probablement de quoi faire dans cette ambiance festive. Apercevant au loin la silhouette fluette de la directrice, miss Ravensborough, elle prit toutefois soin de se diriger à l’opposé, préférant éviter sa voix criarde et ses yeux acérés. En apercevant le terrain de Karpitch sur tapis volant, un large sourire s’afficha sur son jeune visage. Une partie, voilà ce qui lui fallait ! Empruntant un tapis en libre-service, elle se glissa dans l’une des équipes et quelques instants plus tard, s’envolait vers les nuées bleues. Le plus difficile ? Eviter la tête réduite enchantée qui s’agrippaient aux vêtements sitôt qu’elle s’était trouvée une proie !