Réveil traumatique. En sueur, Baylee avait le souffle court. Les cauchemars ne cessaient de la poursuivre dans son sommeil. C'était surtout lors de la nuit qu'elle vivait sa peur. La journée, elle n'y pensait pas. C'était juste la nuit que tout revenait. Ah ce qu'elle aurait aimé de pouvoir dormir tranquillement. Pendant un temps, elle buvait des potions de sommeil sans rêve. Mais ces potions avaient fini par ne plus être efficaces. L'inconvénient d'une médication répétée.
D'un coup de pied, elle rejeta ses couvertures humides. Pour une nuit en Septembre, l'air était affreusement lourd et moite. La sorcière trouvait l'air étouffant. Ou peut-être était-ce simplement le mauvais rêve qui l'accablait encore. Baylee revoyait encore le sourire radieux de Tom. D'une certaine manière, le voir dans ses nuits était rassurant. Mais en même temps, c'était trop dur.
Elle se reprochait sa mort. Enfin non. Ce qu'elle se reprochait, c'était de ne plus lui avoir adressé la parole durant toutes ces années précédant sa mort. Ca allait faire dix ans que Tom n'était plus de ce monde. La lionne était bloquée dans le passé, et n'arrivait pas à avancer. Elle se le refusait. Elle avait trop à perdre. A commencer par elle-même. C'était triste et affligeant, Baylee s'en rendait compte.
Elle se leva et se dirigea vers la cuisine pour se servir un verre d'eau. Son appartement n'était pas immense, mais il était plus grand que beaucoup de studios dans le coin. Elle avait magouillé l'achat de cet appartement, le prix défiait toute concurrence. En même temps, il fallait avouer que personne ne voulait loger dans les recoins les plus sombres de Londres.
D'un geste las, la main encore légèrement tremblante, elle se remit les cheveux en place. Cela faisait quelques temps qu'elle vivait ici. Elle s'était habituée aux voisins qui s'hurlaient dessus, elle s'était habituée aux ivrognes maladroits qui passaient sous sa fenêtre, elle s'était habituée aux malfrats qui se battaient, aux criminels qui harcelaient une âme perdue, à toutes ces choses qui en des temps normaux auraient été insupportables.
Avait-elle fait le bon choix ? Rejoindre Gustav était-ce la meilleure chose ? Margaret lui avait promis que oui. Qu'elle ne regretterait rien. Si Baylee n'avait pas décidé de prendre ce parti, aujourd'hui elle pourrait vivre à Pré-au-Lard, pourrait travailler Aux Trois Balais, pourrait se faire de nouveaux amis et repartir de zéro. L'image de Tom s'imposa à son esprit. Gustav lui avait promis qu'elle pourrait aider Tom à reposer en paix.
Elle ferma les yeux. Non, ce choix était le bon. C'était pour le plus grand bien, comme Gustav l'avait si bien dit. L'égalité pour tous, pour qu'il n'y ait pas de nouveau Tom. C'était pour ça qu'elle le faisait. Elle avait compris qu'il fallait anéantir le pouvoir actuel. Gustav n'avait pas eu à lui expliquer deux fois. Et surtout, il a su la comprendre et il a su trouver des solutions. Enfin la grande solution. Elle soupira de soulagement.
La sorcière n'avait pas été abandonnée de tous. Finalement Margaret avait toujours eu raison. Elle repensa à toutes les lettres que son amie lui avait envoyé. Elle repensa au temps qu'il lui avait fallu pour être convaincue. Ce n'était pas son genre d'être aussi sceptique, mais c'était si nouveau, si inespéré. C'était une main tendue qu'il lui était dur d'accepter, parce que le seul qui l'avait jamais aidé, c'était Tom.
Elle posa son verre sur la petite table au milieu de sa cuisine. Elle le nettoierait demain. Après avoir autant pensé, la fatigue la regagnait déjà. Elle ne dormirait sans doute pas très bien, mais ça irait. Elle aura des cernes sous ses yeux, mais ça ne changerait pas des autres jours. A nouveau dans son lit, Baylee fixa le plafond pendant de longues minutes. Finalement, elle se laissa bercer par les disputes incessantes de ses voisins. Le chaos ambiant était devenu sa berceuse habituelle...