Sur le quai se pressaient les sorciers impatients de fuir la chaleur de cette chaude journée de Juillet, soleil et poussière troublant la pureté de l’air ambiant. Quelque part sur la voie qui continuait sans cesse de se remplir, un enfant se mit à pleurer, provoquant les hululements indignés d’une chouette à qui déplut cette agression sonore. Les yeux obstinément fixés sur le mur de briques qui lui faisait face, Mitsuhane supportait en silence la moiteur des lieux autant que le brouhaha ambiant. Le Japon l’avait depuis longtemps habituée à une proximité récurrente avec les autres voyageurs, quels qu’ils soient, aussi demeurait-elle droite et coite, faisant abstraction des quelques regards curieux, surtout enfantin, qui s’attardaient parfois quelques secondes sur son visage fin et ses yeux étroits avant de se détourner vers leurs propres occupations.
L’heure du départ était passée, pourtant le train n’était pas encore entré en gare. Elle tourna la tête à droite, à gauche, cherchant à apercevoir le reflet même lointain de la locomotive. Rien de tel n’entra dans son champ de vision mais il lui sembla en revanche reconnaitre un visage dessous une éclatante chevelure blonde argentée. Avant qu’elle n’ait pu associer un nom à ce joli minois, la cible de son attention se détourna, quelques voyageurs se mirent entre elles et Mitsuhane abandonna ; cette fois, un éclat dans l’horizon signalait l’approche du convoi.

Quelques instant plus tard, elle montait enfin dans le wagon dont le numéro figurait sur son billet, rangeant rapidement son sac pour s’asseoir près d’une fenêtre. Elle espérait arriver rapidement à Montrose, découvrir la maison secondaire dont elle avait récemment fait l’acquisition, de même qu’elle avait espoir que ce trajet se passe tranquillement. Les deux précédents n’ayant guère été propices à faire du train son moyen de locomotion favori, elle avait même hésité à s’y rendre en volant avant de se faire violence pour laisser une autre chance au Home Express de lui prouver de ce qu’il valait. L’attrapeuse se plaisait à pouvoir faire autre chose le temps du trajet. Bien installée, elle sortit son livre avant même que tous les passagers ne soient montés, se moquant de leur brouhaha. Du moins essaya-t-elle. Bien vite, elle perçut des murmures plus appuyés que d’ordinaire ; relevant la tête avec une pointe d’agacement à l’égard de ces bruyants voyageurs, elle put sans mal découvrir la source de ces discussions. Tous les regards convergeaient vers une magnifique jeune femme au charme indéniable, les hommes semblant subjugués par la vision qu’elle leur offrait. C’était la demoiselle aperçue un peu plus tôt et à laquelle la japonaise était toujours incapable de définir comment elle la connaissait. Estimant sans plus d’intérêt la situation et puisque sa mémoire n’était pour l’heure pas opérationnelle, Mitsuhane se replongea dans son ouvrage jusqu’à ce que le convoi ne se mette enfin en branle, comprenant simplement à une mèche pâle voletant vers elle que sa voisine était l’inconnue dont elle cherchait tant l’identité. Quelques minutes passèrent donc, seulement troublées par les voix basses de quelques bavards, sans que l’attrapeuse ne s’interrompt dans sa lecture. Jusqu’à ce que… « … tandis que la serveuse leur apportait leurs plats, ils discutèrent stratégie et… ». Voilà donc la réponse. Amy lui avait pourtant plusieurs fois parlé de sa collègue, elle-même l’avait également croisée à maintes occasions. Relevant les yeux de son livre à cette soudaine révélation, elle les tourna vers la jeune femme assise à ses côtés, décidée à confirmer ses soupçons une fois pour toute. Attendant patiemment que l’autre ne fasse de même, afin de ne pas la déranger impoliment, elle s’enquit finalement d’une voix douce :

- Excusez-moi… êtes-vous Céleste, l’une des collègues de Lockwood Amelia ?  

Dérangeait-elle ? Mitsuhane n’en était pas certaine. La jeune femme blonde était plongée dans sa lecture, ne semblant pas même avoir conscience des discrets regards admiratifs que lui adressaient le voyageur qui lui faisait face, aussi la japonaise avait-elle sincèrement hésité à l’importuner de la sorte quand bien même n’était-ce que pour un instant. Sa curiosité se disputait férocement avec sa bonne éducation, jusqu’à ce que la première ne gagne ce duel de peu et qu'elle ne prenne sur elle pour venir troubler la tranquillité de sa voisine. Sa crainte ne semblait toutefois guère fondée puisque ce fut avec amabilité que son interlocutrice lui répondit, ne s'offusquant pas d’être interpellée de la sorte.

- Bonjour, oui, c'est bien moi. Et vous vous êtes...

Elle avait donc raison. Satisfaite de cette constatation, Mitsuhane ne prit pas ombrage de n’être pas reconnue par la serveuse ; si elle faisait de réguliers séjours au Chaudron Baveur, elle ne le fréquentait malgré tout pas suffisamment pour que les employés la reconnaissent dans les transports en commun. Céleste se montrant, de plus, davantage amicale qu’elle ne l’aurait imaginé, l’attrapeuse se sentit moins coupable de l’avoir privée de la tranquillité dans laquelle elle était plongée quelques instants plus tôt. Quoi que surprise face à la main tendue, elle la serra un instant avant de la relâcher en se présentant :

-Je suis Akiyama Mitsuhane, une amie d’Amélia.

Était-ce une bonne ou mauvaise idée ? Sitôt ces paroles prononcées, la jeune femme regretta de n’avoir pas davantage pris le temps de se souvenir des relations de son amie avec ses collègues de travail. Il lui semblait néanmoins que la blonde au doux prénom n’était pas mal vue de la brunette aux propos acides ; le seul nom qu’elle connaissait avec certitude était celui d’Adélia, jeune serveuse dont la bêtise et la frivolité ne lui avaient été que trop souvent rapportées. Quelle était donc la part de vérité dans ces racontars suintant le mépris ? La japonaise n'était pas certaine de pouvoir la définir, car elle savait son amie peu avare d'exagération si celle-ci avait pour objet la description de son ennemie préférée. Peut-être ce trajet serait-il l'occasion de pouvoir se faire sa propre opinion des collègues d'Amy, en commençant par Céleste.

-Je suis navrée de vous avoir dérangée dans votre lecture, il me semblait simplement vous avoir déjà rencontrée et la curiosité fut la plus forte… Veuillez m'excuser.

Elle réprima de justesse une légère inclination du buste, ainsi que feu sa mère lui avait appris à le faire lorsqu'elle devait présenter des excuses à une étrangère. Ne désirant malgré tout pas demeurer sur un malaise, elle reprit, le visage toujours aussi peu expressif mais dans d'agréables dispositions à l'égard de Céleste. Avec une pointe d'amusement qu'elle ne chercha pas à dissimuler, elle décida de jouer franc-jeu, testant en même temps les réactions de son interlocutrice :

-Amy m'a déjà parlé de ses collègues mais je n'ai jamais eu l'occasion de savoir ce que ses descriptions valaient.

Tout en écoutant Céleste parler, Mitsuhane chercha rapidement dans sa mémoire quelques bribes de conversation qu'elle aurait pu avoir avec Amélia. Il était vrai que celle-ci ne se montrait pas avare de détails lorsqu'il s'agissait de ses collègues, mais la japonaise avait toujours estimé que si elle en parlait tant, c'était peut-être aussi parce qu'elle refusait d'admettre que son quotidien serait bien triste sans ses collègues tant maudites. Cela étant, les racontars sur la blonde étaient relativement peu nombreux comparés à ceux visant Adélia, s'étant même fort taris au fil des semaines ; ce petit conflit avait-il pris définitivement fin ? Son interlocutrice se fit un plaisir de lui offrir un panel de proposition et la japonaise ne put retenir un rire étouffé en les entendant.

-Peut-être tout cela, oui. Mais quelle amie serais-je, si je venais à tout rapporter aux victimes de ses anecdotes ?

Très mauvaise, certainement. Néanmoins, le franc parlé de la brunette travaillant au Chaudron était probablement aussi connu que sa capacité à se montrer langue de vipère, sa collègue ne le savait probablement que trop bien. Elle la savait aussi trop intelligente pour croire ses propres inventions, ne prenant qu'un plaisir malicieux de se rire de ceux qu'elle n'appréciait pas – et les dieux seuls savaient combien ils étaient nombreux.

-J'ai en effet assez bien en mémoire quelques propos sur votre relation particulièrement proche avec l'une de vos collègues du Chaudron Baveur, mais celle-ci, je crains qu'Amy n'en est pas été la créatrice. Du moins l'entendais-je il y a quelques mois, quand certains de vos clients ne venaient que dans l'espoir d'en apprendre plus sur ces on-dit. J'espère que vous avez toutes deux retrouvé un peu d'intimité à présent...

Une conclusion à double sens, qui l'amusait elle-même. Son interlocutrice paraissait aimer rire d'elle-même et des autres, et Mitsuhane s'interrogea sur ce qui avait pu amener Amy à ne pas apprécier Céleste. Elle-même avait noué une surprenante amitié avec la brune, qui avait été en vérité son premier contact amical dans cette ville inconnue. Elle avait entendu bien souvent des remarques acerbes à l'intention de la serveuse au fort caractère, mais sous la surface brute et les mots se dissimulaient plus que ne sauraient le soupçonner ceux qui ne s'intéressaient pas à elle. Elle avait des défauts certes, mais aussi de grandes qualités. Sans doute Céleste avait-elle également par s'en apercevoir a minima et leur relation entre collègues s'était-elle améliorée, puisque les commentaires sur la belle blonde s'étaient considérablement taris.

-C'est essentiellement d'Adélia qu'elle m'a parlé, mais je crois que son travail perdrait de sa saveur sans leur rivalité. Ont-elles toujours été ainsi ?

L'arrivée de la japonaise étant somme toute récente, elle ne s'était jamais vraiment interrogée sur ces chamailleries entre les deux serveuses aux prénoms si proches. Mais découvrir une tierce personne portant un regard autre sur ces relations difficiles était somme toute assez plaisant, et elle sentait sa curiosité infernale la titiller désormais sur ce sujet.

Si Mitsuhane ignorait à quel point Amélia pouvait se rendre détestable auprès de ses pairs, notamment ses collègues de travail, converser avec Céleste lui en apprenait un peu plus sur ce point. Pour que la belle blonde mette en doute avec autant d’aplomb la certitude de la brune, laquelle était pourtant plus proche de la jeune femme actuellement sujet de leur conversation, c’était qu’elle avait à son égard bien peu d’estime.

-Et je crois que vous surestimez sa malice… ou sous-estimez celle d’autrui. Même si je ne vous cache pas que cette rumeur l’a beaucoup divertie.

Ce n'était qu'un racontar enfantin, qui se riait des affections et des amours présumés de deux jeunes serveuses, pourtant il y avait une certaine dimension cruelle à s'amuser ainsi de la vie privée d'autrui. Mal à l'aise, Mitsuhane l'avait été à l'époque où elle avait appris ces rumeurs ; elle s'en trouvaient toujours gênées aujourd'hui, quand bien même l'une des victimes semblait-elle en rire. Parfois, elle ne comprenait pas sa brunette d'amie, pas plus qu'elle ne comprenait sa relation avec sa chère collègue haïe. L'explication de Céleste, au moins, apporta quelques lueurs à sa lanterne. La raison de leur inimitié la désola néanmoins quelque peu : pour une telle bêtise, elles s'injuriaient et se calomniaient l'une l'autre avec véhémence.

-Je vois.

Mais n'en demeurait pas moins perplexe, d'autant que supporter le conflit des deux serveuses devait parfois, pour ne pas dire souvent, être pesant pour leurs collègues. En sus des clients, parfois pénibles, ceux-ci devaient supporter Amy et Adélia s'envoyant des piques. A dire vrai, la japonaise estimait même que les deux jeunes femmes avaient de la chance de ne pas s'être faites renvoyées – que ce soit du fait de leur manque de bonne volonté ou leur comportement enfantin – ou au moins sévèrement réprimandées, suffisamment pour cesser leur querelle ridicule.

-Et vous alors, comment avez-vous rencontré Amy ?

Ne s'attendant pas à ce que Céleste reprenne la parole, et alors qu'elle-même avait enfin réponse au mystère de la relation entre sa plus proche amie anglaise, Mitsuhane ramena sur son interlocutrice les yeux qu'elle avait laissé se perdre vers la rangée opposée, sans même qu'elle n'y prenne garde. Ah, sa rencontre avec Amy... Elle n'était pas certaine que la blonde la croit, en apprenant que la jeune femme s'était montrée aimable avec elle dès le début. Nul n'avait que de mauvais côtés.

-Aussi étonnant que cela puisse vous paraître, Amélia a été la première personne chaleureuse quand je suis arrivée à Londres, en février dernier. J'étais au Chaudron Baveur, l'un des clients, un peu éméché, avait décidé de rappeler aux autres sa pénibilité... Elle est venue m'aider à m'en débarrasser. Après cela, on a sympathiser, elle m'a fait découvrir la ville. Cela peut sembler loin de l'opinion que vous pouvez avoir d'elle au travail, mais elle a rendu le mal du pays plus supportable.

Quelle que fut l'opinion d'autrui sur l'explosive Lockwood, Mitsuhane avait appris à voir derrière ses frasques sa loyauté et ses grandes qualités. Restait à savoir si Céleste accepterait d'en faire autant.

Acceptant d’un léger signe de tête les aimables excuses de la sorcière aux yeux clairs, surprise qu’il lui en soit faite, Mitsuhane songea écouta courtoisement la remise en question de son interlocutrice. Que celle-ci admette son erreur aussi calmement témoignait déjà d’une agréable humilité et d’un esprit suffisamment réfléchi pour être capable de prendre du recul sur son propre comportement et ses convictions. Ressentant un peu plus de sympathie pour Céleste – non pas qu’elle ne l’apprécia pas initialement, mais son avis était plutôt neutre faute d’avoir déjà eu des contacts avec elle – elle fut tout de même surprise de la violence de ses mots. « Plus ennemie », avait dit l’autre. Se détestaient-elles dont tant pour que ce terme soit celui employé ? Rivale, certes, mais ennemie… ce terme sous-entendait une certaine brutalité dans la relation qui ne pouvait exister entre deux citoyennes lambdas, une hargne, extériorisée ou non, qui ne pouvait trouver lieu que dans un combat. En plaisantant, certes, mais avec cette mine si sérieuse… peut-être accordait-elle trop d’importance au sens et aux connotations des mots, plus que le faisaient les natifs anglophones.
Un peu perplexe, la brune ne sut que répondre et préféra donc garder le silence. En revanche, la proposition de sa voisine attisa encore davantage sa surprise, quoi que de façon bien agréable cette fois-ci. Etait-elle vraiment sincère ou n’était-ce que politesse ? Non, rien ne l’obligeait à se montrer prévenante.

-C’est bien aimable à vous, je vous remercie. J’ai pris mes marques à présent, je présume qu’un temps d’adaptation est toujours nécessaire et d’autant plus lorsque les cultures sont si distinctes. Je suis japonaise, précisa-t-elle pour répondre à la jeune curieuse, je suis venue seule ici. Peut-être y êtes-vous déjà allée ?

Cela lui rappela la discussion qu’elle avait eu avec Rosalind ; était-elle vouée à discuter de ses origines avec ses voisines de train ? Tant que celles-ci se montraient aussi courtoises et aimables que les deux sorcières l’avaient été tour à tour, cela ne la gênerait pas, mais la coïncidence l’amusait. Ne sachant qu’ajouter, elle se demanda s’il fallait arrêter là toute discussion puis estima que l’autre s’étant montrée suffisamment amicale pour poursuivre et se permettre de s’intéresser à elle, Mitsuhane reprit :

-Et vous, si je puis me permettre, vous plaisez-vous au Chaudron ? Je sais qu’Amy ne cesse de me parler de vouloir le quitter, est-ce votre cas ? Vous semblez en tout cas apprécier vos clients, aussi insupportables soient-il.

Ce n’était nullement une critique, plutôt une constatation prononcée avec humour sur la fin ; il avait été difficile de ne pas noter le ton bienveillant de la belle blonde lorsqu’elle avait elle-même reconnu idéaliser les consommateurs. Et pour ce qu’elle en savait, l’endroit avait semblé avoir une plutôt bonne ambiance, suffisante sans doute pour s’y plaire malgré les commérages et les petites mesquineries entre collègues. Enfin, pour quiconque aimait le contact avec le public, cela allait de soi. Pour sa part, l’attrapeuse préférait cent fois la compagnie de son balai et des quelques joueurs de son équipes plutôt que des clients parfois capricieux à contenter.

Du courage ? C'était plus probablement parce qu'elle n'en avait pas que Mitsuhane avait quitté le Japon. Sans quoi elle serait restée avec ses proches, elle aurait choisi de faire face plutôt que cette fuite lâche et égoïste. Avec un léger malaise, elle songea à sa sœur qu'elle avait laissée derrière elle sans se retourner, à sa tante et son oncle – presque de véritables parents – et elle se sentit culpabiliser de s'entendre ainsi louée pour une qualité et un mérite qu'elle ne possédait nullement. Elle aurait été plus courageuse en demeurant sur place plutôt qu’en venant en Angleterre – quoi que celle-ci paraisse devenir de plus en plus périlleuse – mais par fierté ou pudeur, ou les deux peut être, elle n’en dit rien à Céleste.

-Qui sait, peut-être aurons-nous un jour l’occasion de nous y retrouver.

Elle en doutait fort, mais le destin était bien souvent capricieux autant qu’imprévisible. Il pouvait surprendre même le plus désabusé des êtres, pour le meilleur comme pour le pire. Même provoqué, il s’arrangeait bien souvent pour ne jamais répondre aux attentes et trouver à surprendre par d’étonnantes coïncidences. D’aucuns ne croyaient pas en son existence, lui préférant le hasard de la vie ; mais quelle importance, le nom attribué ? Mitsuhane ignorait s’il y avait réellement une force indomptable qui régissait la Vie, s’il s’agissait d’une forme de magie encore inconnue ou de l’intervention d’un être suprême (ou d’êtres suprêmes) ; elle savait simplement ne pas pouvoir en découvrir la vérité et préférait ne pas se tourmenter sur le sujet. Ca existait, tout simplement, avec ou sans son accord et quelle que soit son opinion dessus ; des lors, la sagesse voulait qu’il faille tout simplement s’en accommoder puisqu’aucun contrôle dessus n’était possible.

-Oui, je m'y plais, contrairement à Amélia. Sans doute le quitterai-je un jour mais pour le moment... non. Certains clients sont parfois compliqués à supporter je l'admets, mais d'autres sont de véritables rayons de soleil. J'aime être au contact des gens, j'aime aussi les aider et je suis bien trop maladroite pour être médicomage. Au Chaudron Baveur, j'écoute ceux qui en ont besoin et je leur sers de quoi oublier leurs problèmes quelques instants. C'est peu, mais c'est tout ce que j'ai trouvé.

A ces mots, la joueuse sourcilla, s’interrogeant mentalement : son interlocutrice était véritablement humble ou jouait-elle de son image d’innocence pour le paraitre simplement ? Ses propos semblaient n’être qu’une mise en valeur discrète de sa personne, tranquillement atténuée par un peu de modestie, mais était-ce seulement volontaire ? Agacée par sa propre méfiance, Mitsuhane décida d’accorder à l’autre le bénéfice du doute, ignorant dans un premier temps les questions de la belle blonde.

-Peu ? Cela me semble beaucoup, pourtant. Vous aidez les autres tout en vous rendant vous-même heureuse, cela me semble assez rare pour être souligné. Si nous en faisions tous de même, le monde serait plus paisible. Je ne peux pas même en dire autant de moi-même. Aussi pour vous répondre : je suis sportive professionnelle, travail qui est bien à l’origine de ma présence en vos jolies contrées.

Elle resta pensive un instant, repensant de nouveau au Japon et sa famille ; elle avait pensé ne pas avoir à songer de nouveau aux raisons de son exil, mais elle avait de toute évidence sous-estimé l’intérêt de la serveuse du Chaudron Baveur sur le sujet. Or plus l’autre en parlait, moins elle-même se sentait à l’aise, lui donnant l’envie de contacter au plus vite Hoshiyo. S’excuser, l’écouter, et lui parler, tout simplement. Leurs longues discussions, personnelles ou intellectuelles, lui manquaient cruellement. Il y avait des choses auxquelles il était impossible de s’habituer, et l’absence d’un être particulièrement cher au cœur en faisait partie. Préférant donc ne pas s’attarder sur le sujet, elle reprit :

-Je n’ai toutefois pas encore eu le temps de vraiment visiter, mais je compte bien y remédier, en commençant par l’Ecosse et ses cotes sauvages.  

Et Montrose, surtout. Connaitre la ville, son histoire, sa géographie, ses traditions et ses habitants lui permettraient aussi de mieux comprendre la mentalité de l’équipe qu’elle avait intégré quelques mois plus tôt. Elle n’avait plus qu’à espérer que l’achat de sa petite résidence secondaire ne serait pas source de déconvenues.