Rappel du premier message :

Le plancher craquant presque sans bruit sous ses pas, Héra entra dans l’appartement de son ami. Aussi étonnant celui puisse-t-il paraître c’était la première fois qu’il l’y invitait. Malgré les rancœurs persistantes qu’elle éprouvait à son égard elle n’avait pas su refuser. Ses mots frappaient justes, et même si ça n’avait pas été le cas, le fait qu’il s’agisse de Drago aurait suffit. Elle lui en voulait, parfois même au point de vouloir le voir disparaître, mais il y avait toujours cette partie d’elle qui voulait retenir tout près d’elle chaque bribe de son être. Et elle s’en détestait.

Le lieu était à l’image de son propriétaire. Classieux, expansif, mais ne révélant rien de lui. À croire qu’il cherchait à gommer, même dans le placement d’une table, la moindre de ses pensés qu’on pourrait analyser. Cachait-il aussi ses miroir de crainte qu’on y perçoive son reflet ? De toute évidence pas puisque Héra en remarqua un. Elle se vit, habillée sobrement, maquillée sans plus d’extravagance, mais avec soin tout de même. Retrouver Drago, c’était comme revoir un ancien camarade qu’on se devait d’impressionner. C’était pourtant lui qui avait tout à prouver.

« - Tiens.

Elle lui tendit la bouteille qu’elle avait amenée, et une bonne. Son père était fin connaisseur et l’avait habituée à ne jamais s’abaisser au bas de gamme. Depuis la fin de sa scolarité elle avait dû revoir tout son confort à la baisse mais elle respectait cette seule condition, presque comme un hommage à cet homme qu’elle avait tant aimé.

- Il aura fallu que tu m’oublies pendant des mois pour enfin m’inviter chez toi. »

Son ton taquin ne trompa personne, ni même l’intensité de son regard. Elle le détourna vite pour ne pas qu’il lui pèse trop, pour ne pas assombrir le moment. Inévitablement, elle le détestait de l’avoir abandonnée et tenait à lui faire savoir. Tout aussi inévitablement, il lui avait tant manqué qu’elle ne voulait plus gaspiller un seul instant à ses côtés.

Leur baiser était différent de celui qu’ils avaient échangé plus tôt. Elle n’avait pas peur comme alors et profita pleinement de l’instant sans plus réfléchir ni évaluer quoi que ce soit. Tout ce qui comptait, c’était d’être là, avec lui, et de se sentir si proche. Loin de la repousser Drago l’accompagna et ils restèrent ainsi un moment qui lui parut trop court. Même en le voyant à peine elle ne pouvait détacher son regard de lui lorsqu’il se reposa sur l’oreiller. Elle demeurait à moitié levée, reposée sur le côté, le plus proche de lui qu’elle le pouvait dans cette position.

" - Tu ne peux pas faire ça Greengrass.

Elle cru comprendre qu’il parlait de ses changements d’humeurs incessants et leur caractère incertain. Une seconde elle disait blanc, celle d’après noir, et il aurait pu le lui reprocher. Seulement son ton ne l’accusait pas, l’ambiance ne s’y prêtait pas plus, et elle s’imagina qu’il la taquinait.

- Pourquoi ? Releva-t-elle.

Elle se pencha à nouveau vers lui, frôlant ses lèvres des siennes en un sourire une infime seconde avant de s’en écarter à peine. Leurs souffles se mêlaient toujours lorsqu’elle lui demanda :

- Sauf si ça te dérange. "

S'il lui répondait oui - mais elle n'envisageait pas cette possibilité - ce ne serait même pas la gêne qui l'envahirait mais une autre sensation qu'elle ne pouvait pas encore identifier. Elle n'était pas capable de se détacher de lui et ce constat ne lui fut même pas douloureux. Peut-être admettait-elle enfin un peu qu'il était plus que ce qu'elle avait imaginé, sans saisir l'importance qu'il prenait dans son cœur pour autant.

- Pourquoi ?

Comment ça, pourquoi ? Parce qu'il n'était pas sûr de pouvoir se contenir bien longtemps pardi ! Et voilà qu'elle se penchait à nouveau pour frôler ses lèvres, vile tentatrice !

- Sauf si ça te dérange.

A ses yeux il y avait vraiment un fossé entre la vierge effarouchée du début de soirée et cette femme qui le défiait, rendant son supplice suffisamment pénible pour manquer de dissimuler un air légèrement décontenancé. Il ne la savait pas si entreprenante, c'était une autre Héra qu'il découvrait dans ses draps ce soir. C'était à n'y rien comprendre mais il adorait ça... Alors qu'il la voyait là, penchée sur lui, il réalisa qu'il avait totalement dessoulé et qu'il s'agissait bien de Greengrass lui faisant des avances. Héra-Greengrass-lui-faisait-des-avances. Ca alors ! Il y avait comme un goût d'interdit qui rendait ses désirs de plus en plus difficiles à contrôler. Elle le provoquait clairement tout en sachant ses faiblesses, et il la jaugeait ardemment, oscillant son regard entre le sien, sa bouche, son cou, avec de plus en plus de frénésie. Ca commençait à le rendre fou alors, dans un élan incontrôlé, il arrêta de se montrer passif et se pencha vers elle pour sceller de nouveau leurs lèvres, venant la plaquer sur le matelas avec plus de passion, moins de maîtrise. Il n'y avait rien d'agressif mais il la voulait, c'était tout. Il était au dessus d'elle désormais, faisant d'elle sa douce prisonnière, et il dévia de ses lèvres pour déposer de langoureux baisers dans son cou dont le parfum l'enivrait plus que de raison. Il avait une main qu'il faisait glisser d'une lente caresse le long de ses courbes avant d'empoigner sa taille pour s'assurer qu'elle soit sienne. C'en était presque trop. Lorsqu'il revint à ses lèvres il s'empressa de les mordiller pour ponctuer cet épisode irréfléchi, et resta tout proche, le souffle brûlant et haletant.

- C'est bon ? Tu comprends ce qu'il va se passer si tu continues de me chercher ?

Le ton de sa voix était calme mais on pouvait légèrement y percevoir la torture qu'elle lui infligeait par sa seule présence ici. Il lui donnait là un avertissement, prêt à se défaire, mais si elle le retenait il ne dirait pas non.

Non sans une once de plaisir, elle sentit le regard de Drago la parcourir. Elle attendait impatiemment qu’il agisse, immobile comme si elle supportait sans mal cet instant figé. En vérité elle devait se contenir pour ne pas ciller et le masqua difficilement. Les frissons de frustration qui la parcouraient en devenaient presque visibles, elle dû user de toute sa concentration pour parvenir à les dissimuler. Enfin il s’approcha d’elle dans un élan vif, l’embrassant sans plus d’hésitation. Dans un même geste il la plaqua sur le matelas et elle agrippa sa nuque d’une de ses mains. Elle se sentait libérée comme si depuis le début de la soirée tous leurs gestes n’étaient que retenue et maîtrise et qu'enfin, ils pouvaient être eux-mêmes. Toutes les marques d’affection qu’ils avaient échangés n’étaient que des leurres pour repousser cet instant.

Depuis combien de temps refoulait-elle le désir qu'elle éprouvait pour celui, elle négligea ce détail qui perdait tout son intérêt, censé être son ami ? Toutes ces fois où ils s'étaient frôlés par inadvertance, leurs jeux inoffensifs, n'avaient-ils pas été des moyens détournés de rester aveugles face à la situation ? Celle-ci était délicate, mais pour tout avouer, ça n'avait aucune importance.

Ses doigts s’engouffrèrent dans ses cheveux lorsqu’il posa ses lèvres sur son cou en un contact brûlant, tressaillant en sentant son toucher sur sa taille. Il revint un court temps à sa bouche avant de s’écarter d’elle, allant à l’encontre de son avis muet.

" - C'est bon ? Tu comprends ce qu'il va se passer si tu continues de me chercher ?

- Et ce serait un mal ? L’interrogea-t-elle dans un souffle sans se retenir. "

Elle sentait sur elle le poids du corps svelte de Drago et se releva légèrement pour l'approcher un peu plus d'elle encore. Sa main quitta ses mèches blondes pour glisser sur sa peau jusqu'à rencontrer le col de son tee-shirt.

- Et ce serait un mal ?

Drago la regardait toujours faussement menaçant, comme s'il s'attendait à ce qu'elle prenne peur mais c'est tout l'inverse qui se produisit.

- Non, répondit-il simplement dans un souffle.

Il avait du mal à cacher sa confusion, certainement que ses sourcils devaient être légèrement froncés comme pour tenter de déceler, en vain, le mécanisme du cerveau alambiqué de la brune. Quelques heures auparavant elle était à mille lieues d'admettre ne serait-ce que l'envie d'effleurer ses lèvres, et maintenant elle l'incitait carrément au pêché. C'était à n'y rien comprendre mais ce revirement de situation le rendit presque nerveux, comme si ce moment était à marquer d'une pierre blanche, que les révélations étaient faites et qu'il n'y avait plus qu'à se lancer.

Coucher avec des filles il savait faire mais curieusement cette fois c'était différent, presque comme s'il ne savait plus comment faire. Il la regardait l'air de dire "Tu es sûre ?", se demandant où logeait le piège. Cet instant de flottement se dissipa bien vite lorsqu'elle se releva légèrement pour saisir le col de son tee-shirt, comme pour le ramener à lui et donner son top, balayant d'un geste ces doutes plus qu'inhabituels.

Leurs lèvres se rencontrèrent de nouveau et, cette fois-ci, Drago n'hésita pas à la recouvrir de tout son poids, se cimentant à son corps avec plus de franchise pour qu'elle sente tout le désir éprouvé à son contact, et il n'était pas avare. C'était tellement différent de ce qu'il avait l'habitude d'expérimenter dans ces circonstances... Il n'y avait rien de mécanique. Ses gestes étaient fluides, il n'anticipait ni ses baisers ni ses caresses parce qu'il avait une envie sincère de les savourer. L'idée de pouvoir aventurer ses mains baladeuses sur ses courbes le rendait dangereusement gourmand, et il le devenait de plus en plus. Il voulait parcourir des zones jusqu'alors inexplorées comme pour percer un mystère dont lui même ignorait en être tant intrigué. Si ses premiers gestes étaient doux, ils devenaient de plus en plus animés d'une fougue qui le contrôlait. Il goûtait sa peau avec le bout de sa langue pour lui procurer des sensations défendues, se nourrissait de ses halètements, jouait avec ses lèvres, et s'attardait de temps à autre sur la lueur de son regard comme pour y capter l'électricité de l'instant dans la pénombre. C'était un petit avant-goût et comme elle n'avait opposé aucune résistance, il se redressa à califourchon sur elle, ôta son tee-shirt pour découvrir son torse pâle et la regarda d'en haut avec ses cheveux blonds légèrement en bataille. Elle pouvait certainement lire ses intentions peu chrétiennes dans son regard et pour cause, il voulait la dévorer. Il se repencha légèrement pour la ramener délicatement à lui dans une position assise en vue de se débarrasser du tissu qu'elle portait et qui ennuyait ses projets. Toutefois avant d'agir, pour une raison obscure pour lui-même il s'arrêta un temps.

- Tu es vraiment sûre ? l'interrogea-t-il.

Par Merlin, pourquoi posait-il la question ? Normalement arrivé à ce stade il ne s'encombrait pas de ce genre de formalité, raison pour laquelle il ne saisit pas lui-même son attitude, comme s'il agissait comme un étranger. Peut-être comprenait-il tout le poids de leurs actes tout au fond de lui et qu'il voulait s'en débarrasser, qu'elle l'aide à le surmonter.

Muet, Drago revint à elle après avoir hésité trop longtemps. Il n’était plus l’heure de penser, l’attente s’était déjà éternisée et la jeune femme aurait mal supporté de retarder encore l’instant. Son esprit pratique s’endormait complètement, si bien qu’elle ne songeait à rien d’autre qu’eux. Elle avait besoin de le sentir contre elle sans plus que l’un ou l’autre n’ait le moindre doute. L’espace qui les séparait n’existait que pour être comblé, ce que fit le blond en l’embrassant encore. Leur étreinte était plus appuyée, elle le sentait de plus en plus proche, se scellant à son corps du mieux qu’elle put. Ses mains glissèrent sous le tissu pour frôler son dos, longer sa colonne vertébrale et son ossature, remonter jusqu’à ses épaules, redescendre parfois. Si elle ne parvenait jamais à lâcher prise tout devenait différent et elle ne maîtrisait plus rien.

Elle se délectait de chaque seconde qu’ils partageaient. Pudeur et gêne l’avaient abandonnée pour cette nuit, ce poids remplacé par celui de Drago au-dessus d’elle. Dans un élan frigorifiant elle le sentit se relever mais ce ne fut que pour se dénuder partiellement. Elle l’avait déjà vu si peu couvert, sur l’île, mais les conditions étaient différentes. Là elle le découvrait d’une autre manière qui lui était bien plus agréable, le regard qu’elle lui portait était autre. Sa peau découverte l’appelait intensément alors qu’elle y avait toujours été insensible.

L’alchimiste lui fit suivre son mouvement, puis s’interrompit. Il y eu comme un flottement qu’elle ne comprit pas, cherchant une explication dans son regard. Celui-ci ne trahit rien, mais ses mots lui répondirent.

" - Tu es vraiment sûre ? "

Héra faillit froncer les sourcils, ou plutôt éclater de rire. Un soupçon d’incertitude pouvait-il encore persister ? Il savait pourtant qu’elle n'avait pas peur de fuir. Dès qu’elle se sentait perdre pieds, elle partait aussi loin qu’elle le pouvait, mais là son désir lui hurlait au contraire de rester à ses côtés. Elle n’évaluait même pas ce qu’elle pourrait perdre, ne voyait que tout ce qu’elle gagnait. Était-ce sa soudaine assurance qui l’effrayait ?

Plus sûre que son partenaire, elle ne lui retourna pas sa question mais retira son tee-shirt – elle ne pouvait pas être plus claire – et se raccrocha à nouveau à lui en s’asseyant plus franchement. Elle retrouva ses lèvres dont elle avait une faim dévorante tout en découvrant ce qu’elle avait côtoyé sans jamais connaître. Son torse était ferme sous ses doigts, ils ondulèrent sur son ventre tonique, devinant ses côtes sous sa peau sans que celle-ci ne soient saillantes.

Elle était vraiment sure, pour reprendre ses termes, et la suite de la nuit le lui prouva.

Pour seule réponse elle ôta son tee-shirt, comme si elle découvrait un cadeau qu'il mourrait d'envie de déballer depuis de pénibles minutes tandis qu'il se découvrait bêtement une conscience. Sauf que Greengrass affichait sa poitrine sans pudeur, se mettant littéralement à nue face à son regard affamé. Et il la voulait comme un fou, à se demander comment il avait pu vaincre son appétence jusque là. Il voulait la toucher, la goûter, sentir ses râles et venir en elle, sans attendre, que les masques tombent pour de bon. Il allait enfin l'avoir et cette idée le rendait plus dingue encore. Quelle folie ! Il se sentait béni par les grâces de Merlin sans en saisir la malédiction. Alors il n'hésita plus une seconde, ç'aurait été trop lui en demander.

Serpentard ambitieux un jour, Serpentard ambitieux toujours; ce soir-là, il ne respecta pas sa promesse de ne pas lui sauter dessus.


Drago se réveilla sur le dos avec une saleté de barre au crâne. Il n'avait pas pris d'alco-tempérant avant de se coucher et il en faisait les frais, l'idiot ! Alors qu'il venait à peine d'ouvrir les yeux, il dû les refermer pour que le réveil fasse preuve de plus de clémence. Puis il tourna la tête et la vit, là, comme un constat inévitable. Greengrass. Avait. Passé. La. Nuit. Ici. Drago fit face au plafond un instant, faisant péniblement déglutir sa bouche sèche le temps de digérer l'information. Il sentit comme une petite tension dans sa poitrine et ne sut trop comment l'interpréter. Etait-ce du regret qui animait une angoisse ? Ou plutôt sa seule présence qui le rendait nerveux ? Alors il axa de nouveau son visage vers elle pour chercher une réponse. Les yeux de la belle étaient clos, elle semblait toujours ailleurs. Quelques mèches de cheveu tombaient en cascade sur sa joue, comme un rideau de filets de soie. Des épisodes de la veille s'imposèrent alors à lui par flash, comme des gros plans saccadés se bousculant dans sa tête pour exacerber sa confusion. Il revoyait sa peau laiteuse et en percevait encore toute la douceur, ressentait son parfum, revivait son extase. Il se souvint de ses courbes insolentes se mouvoir au-dessus de lui, qu'il s'était oublié en elle en se sentant comblé comme jamais il ne l'avait été. Alors qu'il la scrutait à moitié perdu dans ses pensées, son regard s'adoucissait sans même s'en rendre compte. Il avait envie de se foutre des baffes, de fuir, et en même temps il n'y parvenait pas. Il voulait aussi rester là, même si ça voulait dire la regarder pendant des heures et des heures. Elle avait l'air si apaisée... Lui était tiraillé. Il ne s'expliqua pas pourquoi il vint caresser sa joue du dos de sa main, très doucement, sans la brusquer, ni pourquoi il s'approcha un peu plus près comme un aimant pour la prendre dans ses bras et déposer un baiser sur son front. Comme si son élan sortait victorieux d'une lutte acharnée contre sa raison, que son corps agissait indépendamment de sa volonté. Drago ne maitrisait plus rien du tout et il ne valait mieux pas y penser.

Dans un brouillard cotonneux, Héra frémit en sentant un doux souffle sur sa joue. Elle émergeait difficilement comme pour éterniser ses songes, prolonger la soirée de la veille qui lui semblait irréelle. D’ailleurs elle était encore trop endormie pour se rappeler d’où elle était, avec qui, moins encore ce qu’ils avaient partagé. Un bras la borda et avant même que ses pensés ne s’éveillent, ses lèvres s’étirèrent en un sourire d’aise. Les souvenirs affluèrent sans brutalité tandis qu’on posa un baiser sur son front mais elle refusa d’ouvrir les paupières. Drago. Il était là, près d’elle, ne s’était pas évaporé dans la nuit. Nichée dans son cou elle retrouvait cette odeur plus agréable que toutes celles qu’elle avait déjà connue. Un doute, le premier depuis qu’elle était entrée dans sa chambre à cette heure tardive, vint perfidement s’insinuer en elle ;  il fut vite écrasé par ce qu’imposait la réalité. Le jour était levé et Drago était toujours là. Elle se trouvait dans ses bras et elle y était bien. Aucun d’eux ne s’était enfuit, elle ne serait certainement pas celle qui partirait la première.


Qu’importe qu’elle ne soit plus portée par l’effervescence nocturne, elle déposa délicatement sa bouche sur cette peau enivrante. Sans s’écarter de lui, peut-être avait-elle peur d’affronter son visage, elle murmura dans le creux de son oreille :

« - Salut. »

Contrairement à ce qu’elle aurait pu penser, les regrets ne l’assaillaient pas, la gêne moins encore. Peut-être était-ce parce qu’elle ne réalisait pas, ou peut-être était-ce parce qu’elle réalisait totalement et que cette idée lui plaisait. Loin d’elle l’envie d’oublier. Si elle avait pu retourner en arrière ses choix n’auraient été différents. Le seul intérêt qu’elle y aurait trouvé aurait été de revivre le moment. Elle préféra ne pas penser à ce que cela signifiait. Elle ne voulait rien d’autre qu’étirer cette bulle hors du temps dans laquelle elle avait enfin l’impression de vivre vraiment, sans les chaînes qu’elle s’imposait au quotidien. Lui avait su l’en défaire, l’en déshabillant comme il l’avait déshabillée de tout, l’emportant où elle n’était jamais vraiment allée. Elle revoyait son corps dans l’obscurité, le sentait tout contre elle, sa pudeur envolée pour se livrer à cette danse qui avait été leur.

- Salut, lui lança-t-elle de sa jolie petite voix du matin.

Cela rendit les choses encore plus réelles. Pourtant il ne se dégagea pas et répondit "Salut" sur le même ton apaisé. Il ne voulait pas bouger, pas penser aux corvées du jour ni même à tout ce que ceci signifiait. Mais c'était plus fort que lui, ça restait au-dessus de sa tête comme une enclume prête à l'écrabouiller. Il savait qu'il avait quelques rendez-vous importants aujourd'hui et qu'il devrait passer au labo pour peaufiner de nouvelles mixtures plus ou moins légales. Il devrait ensuite faire tester quelques échantillons avant de les envoyer en Russie. Un projet barbant qui ne l'animait pas du tout, l'arrachant brutalement à la douceur de l'instant. Son soupir vint trahir ses préoccupations un dixième de seconde mais il se reprit bien vite en sentant la brune blottie tout contre lui.

- Bien dormi ?

Lui avait eu le sommeil bien lourd, rien à voir avec sa nervosité avant qu'elle débarque dans sa chambre au beau milieu de la nuit. Il ne la lâchait toujours pas, comme pour prolonger ce moment le plus longtemps possible, comme s'il savait qu'il ne durerait pas. Il se connaissait trop bien, et tout le reste était tellement incertain.

La jeune femme aurait aimé n’avoir plus à bouger, rester ainsi pour toute son existence. Difficilement, elle se détacha de ses bras, papillonnant des yeux pour trouver quoi que ce soit qui lui indiquerait l’heure qu’il était tout en répondant à sa question. Elle n’avait envie que de s’y reloger mais parvint à lutter.

" - Tu n’imagines pas.

Héra avait l’impression que l’atmosphère particulière de la veille perdurerait jusqu’à ce que l’un d’eux la brise, alors elle fit tout pour la préserver. Seulement elle dû revenir à la réalité en trouvant une horloge. Elle mit quelques secondes pour distinguer lisiblement les aiguilles, mais lorsque ce fut fait elle se mortifia. En théorie, elle était censée être déjà au Chaudron Baveur auprès d’un homme qu’elle devait interviewer. Un juron lui échappa.

Tenant tant bien que mal le draps qui la couvrait elle chercha du regard son tee-shirt à travers la pièce. Il reposait paisiblement sur le sol, ayant voltigé bien à un mètre du lit. Le matin levé elle ne regrettait rien, mais n’avait pas envie pour autant de se promener nue. Celui de Drago avait été épargné, posé près d'elle, et elle s’en saisit :

- Je peux te le prendre ? "

Elle croisait enfin ses yeux qu’elle avait involontairement évité. En l’affrontant elle se rendit à l’évidence : elle ne voulait, moins encore qu’elle ne l’avait cru, sortir de cette chambre. Attendant sa réponse, elle se rallongea face à lui. Elle retint difficilement ses doigts voulant jouer avec quelques de ses mèches ou caresser ce bras qui la tenait un peu plus tôt.

- Tu n’imagines pas.

Un rictus lui échappa. Si, si, il imaginait très bien. C'est alors qu'il la vit concernée, alerte, comme si elle cherchait quelque chose. Lui fronçait les sourcils. Ce manque d'attention l'agaçait plus que de raison. Brisant leur étreinte, elle avait laissé échapper un juron, s'était redressée, et se saisissait de ton tee-shirt. Drago, désormais sur le côté, la tête reposant sur sa main, et en spectateur impuissant, s'en trouva fortement irrité. Comme si son côté possessif l'emportait sur les doutes qui l'assaillaient plus tôt. Il scrutait son manège, à deux doigts de la récupérer de force pour assouvir un caprice.

- Je peux te le prendre ?

Et elle se rallongea, comme si ça pouvait influencer sa réponse.

- Non, lâcha-t-il comme une sentence irrévocable.

Puis il afficha un sourire presque sadique en la défiant du regard.

- T'es au courant que j'ai déjà tout vu Greengrass ?

Son sourire devint plus évocateur.

- Vraiment tout ?

Et il n'était pas contre en revoir un peu... Il ne comprenait pas pourquoi, soudainement, elle se montrait pudique. Mais c'était mignon. Alors il leva les yeux au ciel.

- Prends-le. Toute façon je dois me lever aussi.

Il avait capitulé à contre-coeur mais c'était la vérité. Enfin... Pas tout à fait.

- ou pas, rajouta-t-il en l'empoignant par la taille pour l'approcher un peu plus près, comme pour l'emprisonner pour de bon. Puis il lui murmura quelques mots menaçants à l'oreille.

- Et on peut savoir avec qui tu as rendez-vous pour être si pressée de partir ?

Possessif avant l'heure. Rien ne justifiait une telle curiosité, ça ne le regardait pas.

Peu enclin à l’aider à s’échapper, Drago le lui refusa.

" - Non. T'es au courant que j'ai déjà tout vu Greengrass ? Vraiment tout ?

- J’en ai un vague souvenir, oui …

Ce petit "tout" lui rappela ce que ça impliquait. Elle était toujours nue et ce qu’elle cachait le plus en temps normal était désormais découvert. Cette marque qu’ils partageaient et que l’effervescence de la nuit avait révélée. À plusieurs reprises il l’avait aperçue mais elle avait toujours fini par se rappeler de la masquer. Cette fois-ci ça n’avait plus aucune importance. Il n’y avait plus rien qu’elle ne veuille partager avec lui. Pas sciemment du moins.

- Prends-le. Toute façon je dois me lever aussi.

Elle retint un soupir. C’était donc terminé, elle sortirait de son appartement, et s’en serait finit de ça, d’eux. Après tout, qu’avait-elle espéré ? Elle pouvait déjà s’estimer heureuse qu’il ne l’ait pas jetée hors de son lit en s’éveillant. Tant bien que mal elle dissimula sa déception.

- Ou pas.

Sa main sur sa taille la rapprocha de lui, loin d’aller contre la volonté de la sorcière. Son souffle caressa son oreille.

- Et on peut savoir avec qui tu as rendez-vous pour être si pressée de partir ?

Sa question la fit sourire, et elle réalisa qu’elle avait complètement oublié son nom. Là, toute proche de lui, se sentait-elle capable de s’en aller ? Elle aurait tout donné pour rester avec son blond. Peut-être même le temps qu’elle devait accorder à un autre … Un article ne rivalisait décidément pas. Elle ressentirait une pointe de culpabilité pour celui qu’elle s’apprêtait à abandonner, seul, devant sa table à l’attendre, mais si Drago laissait entendre qu’elle pouvait rester avec lui, elle n’hésiterait pas.

- Personne qui n’en vaille la peine, répondit-elle en réduisant encore l’espace qui les séparait, d’ailleurs je ne suis plus si pressée que ça.

Son visage s’écarta légèrement pour qu’elle puisse le regarder tandis que ses doigts replacèrent une mèche derrière son oreille, restant à cette place. Elle ne put s’empêcher d’observer sa bouche, luttant pour ne pas l’embrasser à nouveau.

- Et toi, qu’est-ce que tu as de si important à faire ? "

Rien, espérait-elle l’entendre dire, ou rien qui ne le soit plus que ce qu’ils partageaient.

- Personne qui n’en vaille la peine.

Il ne put s'abstenir de sourire, satisfait.

- Et toi, qu’est-ce que tu as de si important à faire ?

Tout un tas de choses à vrai dire... Il resta contemplatif le temps de formuler ses impératifs mais rien ne vint, jusqu'à se montrer docile et la laisser replacer une mèche rebelle derrière son oreille. Il ne l'avait jamais vue comme ça, Greengrass. Elle était d'une beauté à couper le souffle, même au réveil, encore plus aujourd'hui, et elle était extrêmement mignonne quand elle se laissait cueillir. Il en était attendri sans pouvoir se l'expliquer. Et leur nuit, sans penser à son caractère incongru, lui laissait un délicieux goût en bouche. Drago ne s'était sans doute jamais senti aussi proche de quelqu'un que ce soir-là. Il se souviendrait longtemps de cette fougue entre eux deux épisodiquement rythmée par des accès de tendresse salvateurs. Comme lorsqu'il avait caressé sa marque avant d'y déposer un baiser, comme pour la panser pour de bon de ses maux. Ce qu'ils avaient partagé cette nuit-là, c'était assurément plus que physique. Il y avait clairement autre chose, mais quoi ? Telle était la question et à vrai dire il l'évitait avec soin. Il se contentait de la regarder un peu songeur.

- Je sais plus, murmura-t-il presque. J'ai envie de t'embrasser.

Il aurait été bien en peine de l'avouer mais à cet instant précis, il ne pouvait être plus sincère, vulnérable et démuni. Alors sans attendre son consentement, il prit son visage entre ses mains et ferma doucement les yeux avant d'honorer sa parole.

Après ce délectable moment, il retrouva ses esprits pour se soucier de leur estomac.

- Manger, c'est un truc important à faire pour commencer. Tu as faim ?

Peut être que ça l'aiderait à y voir un peu plus clair pour organiser sa journée correctement.

Ce qu’il lui répondit la contenta plus encore que ce qu’elle avait envisagé. La satisfaction qu'elle éprouvait était d'ailleurs étonnante mais elle ne s'en préoccupa pas.

" - Je sais plus. J'ai envie de t'embrasser.

Elle n’attendait rien d’autre pour céder mais il le fit le premier. Ses lèvres n’avaient pas moins bon goût que la veille, et elle ne sentait pas plus de distance entre eux. Trop vite à son goût il interrompit leur baiser qu’elle aurait voir durer encore. Elle fit tout pour maintenir le plus de contact entre eux, promenant ses doigts sur ses bras dont les mains encadraient son visage.

- Manger, c'est un truc important à faire pour commencer.

Autre que lui ?

- Tu as faim ?

Hésitante, elle prit une seconde pour réfléchir. Pour tout avouer, oui, mais elle n’avait aucune envie de quitter cette pièce. Songeant au fait que s’il l’interrogeait ça devait être parce qu’il voulait la voir obtempérer, elle acquiesça. Elle voulut attraper le tee-shirt de son amant d’un soir mais se rappela qu’il le lui avait refusé. Même s’il n’avait pas paru sérieux, elle le prit au mot et resserra le draps contre sa poitrine en s’approchant du sien gisant toujours sans se préoccuper du fait de découvrir Drago. Peut-être était-ce même un acte délibéré.

- Oups, désolée, s’excusa-t-elle faussement dans un sourire qui ne mentait pas.

Elle se rhabilla enfin – ce qui lui fit comprendre qu’elle était aussi bien nue – et s’approcha de la porte :

- Alors, tu viens ?

Sans attendre qu'il réagisse, elle se dirigea jusqu'à la cuisine. La pièce était spacieuse (à l'instar de tout l'appartement), d'une propreté éclatante. Reposait seulement sur la gazinière ce qui devait être le plat réservé à leur dîner de la veille. Elle n'osa même pas en ouvrir le couvercle.

- J'espère que ça se passera mieux que la dernière fois qu'on a préparé quelque chose ensembles. "

Elle faisait référence à ce jour où il était venu l'aider à faire cette fameuse compote de pomme. Cet après-midi lui laissait des souvenirs impérissables ...

Elle entreprit d'atteindre son tee-shirt comme pour acquiescer, sauf qu'elle le dénuda quelque peu dans son mouvement...

- Oups, désolée, émit-elle taquine.

Drago n'avait pas sursauté, pas bougé d'un cil même. Ca ne le dérangeait pas qu'elle puisse le voir. A la limite il préférait qu'elle intègre bien cette image pour qu'elle ne puisse nier y avoir été confrontée.

- Si tu voulais revoir mon corps de rêve tu n'avais qu'à demander tu sais, pouffa-t-il, reposant ses mains derrière sa tête pour l'admirer plus confortablement, bien loin de se dérober.

Il s'attarda un instant sur la brune qui se rhabillait. A son grand désespoir il ne pouvait pas voir grand chose comme elle était dos à lui. Alors, à défaut d'être intrusif, il l'imita. En cette saison bien fraîche, il opta naturellement pour un jean noir et un col roulé noir, tout en noir pour faire ressortir sa pâleur.

- Alors, tu viens ? dit-elle vêtue la première.

Lorsqu'ils arrivèrent dans la cuisine, Drago parut décontenancé par le désordre de la veille et ne chercha pas à le dissimuler. Ca faisait à peine vingt secondes qu'ils étaient sortis de cette chambre, de cette bulle, qu'il apparaissait déjà plus bougon.

- J'espère que ça se passera mieux que la dernière fois qu'on a préparé quelque chose ensemble, dit la brune prête à mettre la main à la pâte.

Cette réflexion eut le mérite de lui redonner le sourire.

- En même temps ça serait plus cohérent si ma cuisine était aussi bordélique que le salon.

Parce qu'il se souvenait parfaitement que leur expérience passée n'aurait pas comblé un maniaque de la propreté.

Il se mit à ouvrir les placards en réfléchissant à ce qu'ils pourraient bien déguster de bon. Drago n'avait pas été très présent dernièrement et ses stocks étaient considérablement limités, comme s'il n'était qu'un fantôme de passage qui n'a guère besoin de se sustenter. Il avait oublié de demander à Tinnie, son elfe à temps partiel, de faire des courses et de lui préparer quelques plats d'avance. Tiens, quand même ! Il avait de la farine, du lait, des oeufs, du beurre, du sucre, et d'autres petites choses... L'ennui c'est qu'il ne savait littéralement rien faire. Il ne touchait jamais à ces choses-là.

- Tu sais faire des crêpes ? demanda-t-il toujours le nez dans son placard.

Il espérait que oui, sinon ils resteraient affamés.

Lorsque Drago lui demanda si elle savait faire des crêpes, elle haussa les sourcils. Elle n’aurait pourtant pas dû être étonnée mais cette question lui semblait tellement déconnectée de la réalité. Après, il ne tenait qu’à elle de combler cette lacune. Un sourire lui échappa – encore un. Avant de vivre seule, elle n'avait elle non plus jamais cuisiné. Les elfes avaient été là pour ça, après tout, et cette habitude de les laisser faire toutes les tâches ne l'avait pas dérangée outre mesure. Le contraste entre les différentes vies qu'elle avait eu était frappant même si elle y songeait rarement.

« - Je vais essayer de t’apprendre, mais je ne te promets rien.

Prenant les devants, elle sortit des placards qu’il venait d’inspecter des œufs et de la farine puis s’approcha du frigo pour se saisir d'une brique de lait. Elle posa le tout sur l’îlot placé au centre de la pièce. Trouver un saladier fut un peu plus long mais elle y parvint aussi. Se tournant vers l’alchimiste elle s’interrompit un court instant. L’avoir vu nu ne l’empêchait pas de remarquer sa beauté même alors qu’il portait ce col roulé, celui-ci moulant tout de même son torse. Cette réflexion qu’elle se fit la ramena à la veille. Une seconde elle se demanda comment, pourquoi, ils en étaient arrivé là. Elle faillit s’échapper par l’entrée qui n’était plus si loin, mais elle n’en avait aucune envie. Peu importait qu’il n’y ait ni logique ni explication rationnelle à donner. Tout ce qu’elle savait c’était qu’elle voulait que tout continue ainsi. Précisons aussi que sa tenue n'était pas assez décente pour rejoindre la rue.

- La première étape, ce sera de casser les œufs. Après tu rajoutes du lait, puis la farine. "

N’ayant aucune intention de l’aider elle s’assit sur le plan de travail pour le regarder faire. Un Malefoy mettant la main à l'ouvrage, voilà qui serait amusant ...

- Je vais essayer de t’apprendre, mais je ne te promets rien.

Voilà qu'elle prenait les devants en farfouillant elle-même dans ses placards. La voir s'activer ainsi l'obligea à plisser ses lèvres en un mince sourire. Une présence féminine pour s'occuper de ces choses-là, comme on prend soin d'un gamin un peu gauche, le ramenait presque à son adolescence, au manoir. Tout était réuni sur l'îlot central, il n'y avait plus qu'à s'activer.

- La première étape, ce sera de casser les œufs. Après tu rajoutes du lait, puis la farine, dit-elle avant de s'asseoir sur le plan de travail comme si elle avait fait sa part.

Drago était outré. Il arborait un masque glacial, mais factice, histoire de la remuer un peu.

- Tu me donnes des ordres Greengrass ? T'es devenue folle ?

Il cligna des yeux, impassible.

- Et t'as cru que j'allais faire tout le boulot ?

Hors de question. Elle prenait un peu trop ses aises ! Alors il s'approcha d'elle tout en l'accablant de son regard accusateur et posa ses mains sur sa taille pour la soulever et la faire atterrir devant les ustensiles à sa place. Il était derrière elle, prêt à l'encadrer de ses gestes, et fit migrer l'une de ses mains vers la sienne pour y insérer un oeuf. Puis il entreprit de la faire bouger comme sa poupée, sa marionette, de sorte à ce qu'elle casse l'oeuf quand c'était ses mains qui la dirigeaient. Il l'encerclait totalement en opérant ces manoeuvres et la journaliste devait probablement sentir son souffle sur sa nuque. Il y avait une proximité troublante et pourtant, il n'en était pas moins sérieux, tachant de bien exécuter ses mouvements en zyeutant de toute sa concentration par dessus son épaule.

- On en casse combien ?

Alors qu’elle avait gentiment expliqué à Drago les étapes à suivre, celui-ci ne s’en contenta pas pour préparer leur petit-déjeuner. Loin d’être docile il se montra au contraire réfractaire. Le petit prince qu'il était ne capitulerait pas si facilement ...

" - Tu me donnes des ordres Greengrass ? T'es devenue folle ?

Qu’il ait une autre réaction aurait étonnée la brune. Il avait un don pour attaquer lorsqu’il voulait éviter un sujet, ou dans ce cas d’avoir à travailler. Seulement il savait être subtil, c’était là plus une bonne excuse pour la taquiner. Et ça ne la dérangeait absolument pas.

- Je voulais juste t’aider, répondit-elle sur un ton innocent.

- Et t'as cru que j'allais faire tout le boulot ?

Elle n’eut le temps de réagir puisqu’il s’approcha, saisissant sa taille pour la faire descendre de son perchoir. Dos à lui, il la plaça face à l’îlot, mais ne s’éloigna pas beaucoup. Elle sentait sa présence, d’autant plus lorsqu’il saisit ses mains pour casser un œuf. Chaque fois qu’il s’approchait d’elle, elle sentait une douce chaleur s’emparait d’elle, tout comme une tension la rendant plus alerte. Elle ne voulait pas qu'il s'éloigne, ni maintenant, ni jamais.

- On en casse combien ?

Sans le repousser elle redevint maître de ses mouvements pour en ajouter un.

- Ça devrait suffire.

Puis, suivant sa recette, elle saisit la brique de lait et se tourna vers lui, réalisant à quelle point ils étaient proches. Dissimulant son trouble – elle était censée commencer à s’habituer – elle sourit en le regardant et secouant le contenant.

- Tu penses que tu peux le verser toi-même, ou tu vas avoir besoin de mon aide ? "

Peut-être le provoquait-elle légèrement ...

- Ça devrait suffire, dit-elle avant de se retourner pour lui remuer une brique de lait à la figure. Tu penses que tu peux le verser toi-même, ou tu vas avoir besoin de mon aide ?

Sauf que là ils étaient vraiment très proches et que face à cette provocation il ne vit qu'une possibilité: l'emprisonner davantage en sandwiche, entre son corps et l'îlot. Alors il avança ses bras pour les appuyer contre le meuble, l'encadrant toute entière et la faisant légèrement pencher en arrière. Il resta quelques secondes à la fixer comme si elle allait passer un sale quart d'heure puis, finalement, il roula ses yeux vers le ciel et lui arracha la brique des mains.

- Tu me prends pour un demeuré ou quoi ? dit-il en la poussant un peu pour prendre sa place.

Son tempérament naturel revenait au galop. Il n'était pas sérieusement irrité mais tout de même... Le fait étrange, en revanche, c'est qu'en dépit de son caractère inné, il ne cessait de se rapprocher d'Héra épisodiquement, comme s'il parvenait à concilier les deux en toute sobriété.

- Qu'est-ce que tu me fais pas faire franchement, râla-t-il en versant le lait dans le saladier.

Il bougonnait ostensiblement, peut-être pour l'embêter... Se montrait-il trop généreux avec le lait ? Il y allait sans mesurer quoi que ce soit, à l'oeil, et il ne s'arrêtait pas...

Les sorciers étaient déjà excessivement proches, ce qui n’empêcha pas Drago d’avancer encore, la bloquant de son corps. Cette prison ne fut pas pour lui déplaire et elle ne chercha pas à s’en échapper. Le temps qu’ils restèrent ainsi elle se demanda ce qu’il prévoyait mais il finit par s’écarter en saisissant la brique qu’elle tenait toujours, sans rien d'autre.

" - Tu me prends pour un demeuré ou quoi ? 

Demeuré peut-être pas, mais n’était-ce pas lui qui venait de lui demander la recette de simples crêpes ? Héra ne s’en formalisa pas, pas plus qu’elle ne prit la peine de répondre. Chassez le naturel, il revient au galop …

- Qu'est-ce que tu me fais pas faire franchement.

Elle faillit se moquer de lui, sourire au lèvres, mais son regard dériva vers le saladier qui se remplissait de lait, plus qu’il ne le fallait. Posant prestement sa main sur celle de son hôte elle fit cesser le flux avant qu’il ne déborde de lait.

- Tu comptes nourrir tout le Ministère ?

Échangeant le contenant contre un paquet de farine elle voulut en verser une partie dans leur préparation. Ils ne l’avaient même pas encore mélangée et les jaunes d’œufs flottaient dans le liquide blanc. Ce ne fut pas ce qui l’empêcha d'y ajouter leur dernier ingrédient en ce qui lui semblait être des proportions raisonnables. Tant pis pour les grumeaux …

- Tu vois, je t’aide. "

Elle se retourna vers le blond qu’elle avait négligé un court instant et remarqua que son col roulé, d’un noir absolu, était maculé de poudre blanche s’étanet échappé du sachet lorsqu’elle l’avait ouvert. Même elle était parvenue à se salir sans s’en rendre compte.

- Tu comptes nourrir tout le Ministère ?

- Te nourrir toi ça revient pas au même ? Grosse vache, répondit-il du tac au tac pour la remuer un peu.

C'est alors qu'elle entreprit de rajouter de la farine au bazar alors que rien n'était mélangé. Drago n'était pas un as en cuisine mais il savait que ce n'était pas correct.

- Tu vois, je t’aide.

Il arquait un sourcil en regardant la pseudo "pro" en foutre partout. Un nuage poudreux s'était dégagé du sachet pour venir épouser son col, et accessoirement sa joue aussi. Drago était outré. Ou plutôt totalement blasé. Il souffla sur lui-même pour tenter de rattraper les dégâts mais c'était vain.

La brune reporta son attention sur lui et sembla se rendre compte de sa bourde. Il nota qu'elle même n'en était pas sortie indemne... Alors il la toisa, lasse.

- En fait t'as menti, t'es aussi nulle que moi en cuisine Greengrass. Tu comptes faire quoi pour rattraper ça ? Il coûte cher ce col roulé. Je pense pas que t'as les moyens de le remplacer.

Il avait l'air très sérieux mais ses intentions étaient toutes autres. Il balança sa tête de gauche à droite l'air de dire qu'elle était un cas désespéré et lui confisqua le sachet. Il fixait le sol, un peu décontenancé, puis d'un coup d'un seul, l'accabla de son regard sadique et étira ses lèvres en un sourire diabolique.

- Tiens ma douce, lâcha-t-il comme une sentence en lui étalant langoureusement une poignée de farine, qu'il avait secrètement dissimulée dans sa main, sur son beau visage et sa chevelure désormais poivre et sel.

Intransigeant, Drago profita de son erreur pour vilement l’accabler.

" - En fait t'as menti, t'es aussi nulle que moi en cuisine Greengrass.

Ce n’était pas tant ses capacités que sa concentration qui était à remettre en cause, mais elle préféra s’abstenir de le préciser.

- Tu comptes faire quoi pour rattraper ça ? Il coûte cher ce col roulé. Je pense pas que t'as les moyens de le remplacer.

Au fond d’elle, Héra fut agacée par sa dernière phrase. Elle ne s’en rendit même pas compte mais se sentit dénigrée. C’était absurde dans la mesure où elle était la première à avoir plaisanté sur la faiblesse de ses moyens, mais un sentiment d’infériorité s’emparait d’elle ces derniers temps. Ça n’avait rien à voir avec le Malefoy, elle ne le fréquentait même plus ces dernièrement. Même si elle avait soudainement l’impression que l’avenir leur ferait rattraper le temps perdu ...

- Tiens ma douce.

Joignant le geste à la parole, il étala sur son visage comme sur ses cheveux de la farine qu’il avait discrètement prit en poignée. Héra tiqua moins de son geste que de ses mots. Ma douce ? Ce qu’on disait pouvait être plus révélateur que ce qu’on faisait, et heureusement la matière blanche masqua ses joues rougissantes. Elle tenta de masquer son trouble mais celui-ci la trahit légèrement.

- Me rattraper ? Je crois que tu as fait pire que moi.

L’imitant sans s’en cacher, elle le recouvrit plus encore qu’elle ne l’était, attardant inutilement ses doigts dans ses cheveux.

- J’espère que tu ne m’en voudras pas, Dragounet, le provoqua-t-elle avec une pointe d'insolence. "

Elle reprenait ce surnom par lequel elle l’avait appelé devant Amanda, la fiancée de son ex William, lorsqu’il l’avait présentée comme sa fiancée. Tentative comme une autre de reprendre le contrôle de la situation. La dernière fois il n'avait pas vraiment apprécié, à voir comment il réagirait désormais. Elle observa sa face plus pâle encore qu'à l'habitude. Heureusement qu'ils cuisinaient peu ensembles, sinon ils ne mangeraient pas beaucoup.

- Me rattraper ? Je crois que tu as fait pire que moi.

Et comment ! Il n'allait pas se priver. Mince quoi, son col roulé d'un noir intense était complètement foutu ! Il fallait bien qu'il se venge. Pourtant ce fut elle qui riposta sans lui laisser le temps d'aggraver son cas. Elle lui étala une bonne quantité de poudre sur la figure, condamnant son fameux col roulé à une mort lente et douloureuse. Elle avait toutefois de la veine. Parce qu'il sentait ses doigts déambuler gracieusement dans sa chevelure, il ne lui tint pas trop rigueur de son erreur, jusqu'à ce que...

- J’espère que tu ne m’en voudras pas, Dragounet.

Le choc. Comment osait-elle l'infantiliser de la sorte ? Sa mine était faussement outrée. Il l'arborait comme si elle avait dépassé l'entendement. Il s'était stoppé net.

- Je vois, je vois. Tu vas prendre très cher Greengrass, dit-il en la retournant contre lui dans une clef de bras ferme mais douce afin de la neutraliser totalement.

Voilà qu'elle était prisonnière et il en profita pour lui déverser le contenu du sachet au-dessus de sa tête, salissant tout le périmètre environnant et lui avec, pouffant sans retenu pour la narguer un peu plus.

Et il riait, il riait comme il n'avait pas ri depuis longtemps... La brune n'était plus brune, elle ressemblait au baron sanglant ! Qu'est-ce qu'il riait ! Puis il s'arrêta, lui susurrant quelques mots à l'oreille en lui époussetant légèrement la joue.

- Tu vas devoir prendre une douche, que c'est malheureux...

La mine outrée de Drago la conforta dans le choix de ce surnom qu’elle jugeait on ne peut plus approprié. Cependant, elle savait qu’il faudrait en user avec parcimonie, le préservant pour les grandes occasions, si elle ne voulait pas entacher son efficacité. Il devrait se contenter de son prénom la majorité du temps … Ou peut-être en trouverait-elle un autre mais elle n'en voyait pas encore l'intérêt.

" - Je vois, je vois. Tu vas prendre très cher Greengrass.

Il la retourna pour qu’elle se trouve dos à lui, et sans qu’elle n’eut le temps de comprendre ce qu’il lui arrivait elle sentit une matière poudreuse dévaler ses cheveux, son visage, recouvrant jusqu'à ses épaules et le tee-shirt qu’elle portait. Même le sol était tapi de farine. Son esprit songeait déjà sa vengeance mais fut interrompu par le rire clair du blond. En l’entendant un sentiment d’aise qu’elle n’expliqua pas l’emplie, mais elle se recentra.

- Tu vas devoir prendre une douche, que c'est malheureux …

Désormais libre de ses gestes elle plongea sa main dans la mixture pour l’étaler, encore, sur le visage de son adversaire. Là il ne pourrait pas se contenter de l’épousseter pour retrouver une allure respectable. Prenant compte de ses précédentes remarques elle prit garde à ne pas salir son vêtement.

- On dirait que toi aussi. C’est fou ce que je suis maladroite.

La voilà qui feignait les innocentes, mais ni son ton ni son expression ne mentaient. Se ressaisissant, elle rougit légèrement en remettant l'une de ses mèches derrière son oreille dans une nuée blanche.

- Tu penses que tu réussiras à nous trouver quelque chose à manger le temps que je me lave ? "

Relâcher son étreinte était sans doute une mauvaise idée. Ni une ni deux elle lui avait rendu la pareille, le barbouillant généreusement d'une poudre qui ne semblait jamais s'épuiser. Mais curieusement, il ne chercha pas à se débattre, comme pour la laisser gagner. Il se contentait de crisper son visage en une grimace qui plissait ses yeux clos comme pour induire un aveu pacifiste, tel un vaillant soldat qui subit les plaintes du général.

- On dirait que toi aussi. C’est fou ce que je suis maladroite.

Il rouvrit ses yeux lasses mais doux tandis qu'elle se dégageait.

- Tu penses que tu réussiras à nous trouver quelque chose à manger le temps que je me lave ?

Mais lui aussi il fallait qu'il se lave ! Et il aurait bien plongé avec elle d'abord ! Il allait promptement défendre sa cause quand, malgré lui, quelque chose l'arrêta. L'orgueil peut-être... A la place, il pinça ses lèvres pour masquer sa frustration, tel un gamin capricieux qui se contient.

- Hm, marmonna-t-il un peu orageux. Tinnie saura quoi faire.

De toute façon il fallait qu'il l'appelle, ne serait-ce que pour régler le problème poudreux de cette cuisine ou du salon sans dessus-dessous. Il aurait besoin d'un coup de main et son elfe était toujours partante pour ça. Il épousseta sèchement ses cheveux pour en dégager le plus gros et une avalanche de pellicules obéit à ses anticipations.

- Il y a des serviettes et tout ce qu'il faut dans la salle de bain, différents shampooings et savons, bref tu te sers comme tu veux, tu fais comme chez toi, lâcha-t-il grand Prince. Deuxième porte sur ta gauche.

Un vrai maître d'hôtel. Avant de sonner Tinnie, il jouirait d'un peu d'intimité et se poserait un instant pour digérer la dernière bataille. Ou peut-être un peu plus que ça...

Suivant les indications du maître des lieux, Héra passa par la chambre dans laquelle elle aurait dû dormir pour récupérer ses vêtements de la veille et se rendit dans la salle de bain. En retirant son tee-shirt elle se rappela de la dernière fois qu’elle l’avait fait, dans ce lit, près de Drago. Depuis qu’elle s’était éveillée elle repoussait au mieux les images de cette nuit sans pouvoir les oublier. Elle sentait encore ses caresses, ses baisers, chacun de ses touchers que même l’eau brûlante ne sut rendre moins vifs. Comme pour se laver de ses souvenirs elle se savonna avec application mais ils étaient plus inscrits dans son esprit que dans son corps. Et ce dernier n’avait aucune envie de négliger ne serait-ce qu’une seule des secondes qu’ils avaient partagées.

Elle ne regrettait rien et ne sut qu’en penser. Auprès du sorcier elle s’était évertuée à repousser cet instant, mais elle était désormais seule. Tandis qu’elle éliminait difficilement toute trace de farine de ses cheveux, elle réfléchissait. Elle n’était pas de celles qui couchaient avec leurs amis. À vrai dire les hommes avec lesquels elle entretenait des relations se séparaient en deux catégories bien distinctes : ceux qu’elle comptait ne jamais revoir, et ceux avec lesquels elle était. Drago ne se classait ni dans l’une, ni dans l’autre. Son cas était définitivement unique. En ne le rangeant nul part, en ne définissant pas la nature de leur relation, elle perdait tout contrôle et cette situation n’était pas pour lui plaire. Elle serait esclave des évènements en n'en étant pas décisionnaire.

Elle était agacée en sortant de la douche. Rien n’était réglé. Au contraire, elle était plus perdue encore et ne pouvait retourner auprès de l’alchimiste sans avoir prit de décision. Pourtant elle en était incapable et n’allait pas rester enfermée dans cette pièce indéfiniment. Elle se fit violence, mais une certaine angoisse s’empara d’elle en traversant le couloir qui lui parut interminable. Son anxiété disparut à l’instant où elle aperçut Drago, debout devant l’îlot dans son accoutrement ridicule. Pour une raison qui lui échappait ce tableau l’attendrie et elle l’observa en silence. Forcée, elle admit que tout ça n’avait finalement aucune importance. Il était là, elle aussi, et cette simple idée la rendait heureuse.

Repoussant sa crinière humide, elle s’approcha et remarqua l’elfe avec lequel il parlait. Elle n’y accordait pas grand intérêt mais lui dispensa tout de même un bonjour poli. Sa présence lui déplût mais elle qu'importe, c'était comme s'il n'était pas là.

" - Mais qu’est-ce que c’est que cette tenue ? Demanda-t-elle pour signifier sa présence. Je t’ai connu moins négligé. "

Elle avança vers lui pour réduire le trop grand espace qui les séparait.