Le soleil se levait lorsque ses premiers cris résonnèrent dans la chambre blanche de la clinique privée. Les rayons d’or et de sang qui se déversaient lentement dans la petite pièce aseptisée lui conféraient une dimension chaleureuse inattendue, caressant doucement la tête humide du nouveau-né en une muette bénédiction.
Sans doute cela fut-il efficace, puisque Trystan eut une enfance dorée, aussi éclatante que le furent les premiers doigts dorés du jour le jour de sa naissance. Enfant unique d’un couple aisé, il fut d’autant plus couvé que ses parents avaient tous deux eu l’espoir d’enfanter de nouveau avant qu’ils n’apprennent que la nature leur avait repris ce pouvoir. Il grandit donc convaincu qu’il n’y avait rien au monde qu’il ne puisse obtenir, car c’était alors vrai. Dans ses grands yeux bleus se lisaient ses rêves et ses envies, emprisonnant dans leur éclat azuré quiconque les croisait pour s’assurer de leur soumission ; si d’aucuns venaient à lui résister, sa moue boudeuse savait réduire à néant la volonté de ces quelques coriaces adversaires. A peine était-il conscient de cette manipulation : il ne faisait qu’exprimer ses émotions sur son visage par trop expressif, et aussitôt ses volontés se trouvaient comblées. A ses yeux d’enfant choyé, il était donc normal d’obtenir ce à quoi il aspirait sitôt après avoir réclamé et il se trouvait plongé dans la plus sincère incompréhension en comprenant que certaines de ses volontés ne pouvait être comblées. L’univers ne tournait-il pas autour de ses désirs ? C’était là une pensée qu’il estimait pourtant tout à fait logique, un fonctionnement juste et cohérent du monde dans lequel il n’existait ni frustration ni refus, aucune haine et point de colère. Souvent, il s’en allait voir ses aïeux lorsque ses géniteurs − l’un précepteur, l’autre guérisseuse − étaient trop pris par leur travail et que lui trouvait longues ses semaines de vacances. Il passait alors ses plaisantes journées d’été à déguster les merveilles culinaires qui lui étaient tout spécialement préparées, à écouter avec envie les récits de l’Italie enchanteresse dont ils étaient issus ou encore à faire toutes sortes de bêtises sans cesse pardonnées. Pourquoi donc se priver, quand le monde à ses pieds s’inclinait ? Né dans une famille de sorciers, il trouva parfaitement normal de recevoir sa lettre pour Poudlard ; à son arrivée, le choc fut néanmoins plus rude qu’il ne l’avait jamais imaginé.

Son entrée à Poudlard lui permis, certes, de découvrir un monde nouveau qui s’ouvrait à lui mais le confronta également à d’autres caractères forts qui ne se laissaient pas toujours attendrir par ses mimiques aguicheuses. Professeurs sévères et camarades vicieux, il se sentit profondément perturbée par tant de différence de traitement, comprenant bien vite que ses caprices n’étaient plus satisfaits sitôt formulés. Au moins son charmant minois lui permit-il rapidement d’acquérir une certaine reconnaissance auprès de ses pairs, qu’ils fussent de la gente féminine ou masculine. Il n’avait toutefois pas une âme de meneur, n’était pas non plus un enfant charismatique comme pouvaient l’être certains. Son arrogance vite douchée par certains de ses camarades davantage habitués au contact d’enfants de leur âge, il lui fallut attendre la deuxième année pour reprendre son assurance. S’integrant alors dans un petit groupe d’élèves – au comportement relativement stupide – de son groupe, il suivit leur exemple, bien que celui-ci soit le plus souvent mauvais, d’autant plus que la plupart d’entre eux admiraient et tentaient d’imiter Drago Malefoy.

Le temps passant, faisant mûrir les enfants cruels et espiègles, Trystan découvrit combien les groupes populaires, ou qui se croient l’être, ne sont liés que par l’envie de s’afficher ensemble, dans une relation aussi sincère que superficielle mêlant compétition, affection et jalousie. Il se détacha peu à peu d’eux, jusqu’à ce que l’arrivée d’Ombrage ne l’éloigne définitivement de ses camarades. Conscient de la fragilité de l’autorité, qui pouvait fort bien rechanger aussi vite qu’elle venait de le faire, mais surtout n’approuvant pas cette autorité décidée à l’empêcher de profiter à sa guise de sa scolarité, il provoqua un schisme de la petite bande entre les soutiens de la directrice en place et les autres. N’ayant toutefois aucune envie de rejoindre l’armée de Dumbledore – dont il apprit relativement tard la création – qui l’aurait obligé à côtoyer nombre d’élèves qu’il n’appréciait pas – ou était parti du principe qu’il ne les apprécierait pas – il se montra relativement calme et discret cette année-là. Et se félicita de sa décision celle qui suivit.

Mais lorsqu’il rentra chez lui l’été suivant la mort de Dumbledore, ses buses en poche, il découvrit qu’une autre scission s’était produite : le couple tant uni de ses parents, si amoureux, ce duo qui à ses yeux incarnait l’Amour même, s’était déchiré. Tandis que sa mère appelait à un prudent exil, ne désirant pas prendre parti mais surtout cherchant à les protéger tous, son père tenté par quelques promesses maintenait qu’œuvrer pour Lord Voldemort était le meilleur choix à faire. Finalement envoyé dans sa famille maternelle italienne, Trystan savoura sa liberté retrouvée et, profitant de quelques soirées auprès de voisins aisés – durant lesquels il eut par ailleurs l’occasion de croiser Gemma Landre – il se lia avec un jeune homme à peine plus âgé, fervent adepte de magie noire et de toutes sortes de produits illicites. Partageant très vite sa fascination, le gallois apprit auprès de ce nouveau mentor, issu d’une famille de sang-pur tout comme les Roccaï l’étaient eux-mêmes, plus qu’il n’aurait jamais rêvé de savoir. Rituels, sortilèges, instruments aux noms douteux… Ses grands-parents, simplement heureux de le voir sortir et s’amuser, ne se préoccupèrent guère de ses fréquentations et sa mère était plus préoccupée par tenter de renouer avec ses anciens amis – désormais séparée de son conjoint sang-mêlé, elle espérait se faire pardonner ce mariage non-conventionnel et pouvoir réintégrer le cercle fermé des sang-pur – que par son fils unique et presque adulte. Bien vite, les relations de celui-ci s’inscrivirent plus profondément dans le domaine étroit de la criminalité et il put approcher quelques membres importants de réseaux trafiquant toutes sortes de produits illégaux.

Revenu en Angleterre à la fin de la guerre et suite au décès de sa grand-mère, Trystan, aidé par quelques contacts italiens et anglais, s’installa à Londres avec un objectif : se servir de ses nouvelles et nombreuses connaissances pour établir un commerce florissant.