L'eau bouillonnait dans la théière alors qu'Héra terminait de se préparer. Elle était bien moins en retard lorsqu'il s'agissait de recevoir quelqu'un chez elle que si elle devait le rejoindre. Cette invitation n'était – après-coup – d'ailleurs peut-être pas la meilleure des idées qu'elle ait eu. Son studio miteux n'était pas des plus agréables. Elle n'en avait jamais vraiment eu honte, déjà bien heureuse d'avoir un toit, mais ces derniers, c'était de plus en plus compliqué. Le retour de Pansy et le fait d'y convier des sorciers qui n'appartenaient pas à la classe sociale qui était désormais la sienne n'y était probablement pas pour rien. Consciemment ou non, ils lui faisaient ressentir sa médiocrité, et à travers celle de son habitat celle de son être. Moins on visitait son appartement, mieux elle se portait finalement. Néanmoins il était trop tard pour revenir en arrière. Céleste arriverait d'un instant à l'autre. Le motif de sa visite était d'ailleurs tout particulier. Elle venait quérir des informations que la journaliste avait relevées à propos de sa sœur. Celles-ci n'étaient pas avérées mais de simples hypothèses d'après ce que lui avait involontairement révélé Félix. La jeune femme s'en voulait de l'avoir utilisé de la sorte, mais jamais elle n'aurait pu obtenir quoi que ce soit autrement. Le Ministère n'allait pas révéler à la première venue qu'ils étaient incapables de contrôler et garder incarcéré les plus dangereux individus de leur pays. Parce que si ce que s'imaginait Héra se révélait être exact, c'était précisément ce qu'il était en train de se passer. C'était absolument effrayant, mais elle ne pouvait rien faire mise à part attendre et observer. Elle n'était depuis longtemps plus de ceux qui agissaient. Et ne voulait plus l'être. Désormais elle serait seul spectatrice des événements qui animeraient l'Angleterre.

On toqua tandis que l'historienne songeait à la manière dont elle annoncerait son verdict. Les phrases qu'elles formait lui paraissaient toutes inappropriées. Il n'y avait pas de bon moyen de le faire. De toutes manières le temps lui manquait. Quelques courts fermes furent porté à la porte du dehors et elle se leva pour ouvrir. Accueillant la Grym, elle l'invita à entrer. Il était temps et elle ne pourrait plus retarder l'instant.

Céleste semblait étrangement sereine. Apaisée. Son sourire chaleureux et ton presque enjoué ne purent que perturber son hôte. Comment pouvait-elle se montrer d'aussi bonne humeur alors qu'elle se rendait chez elle recueillir d'aussi terribles informations ? C'était complètement invraisemblable. Héra n'y voyait que deux potentielles explications : soit elle tentait de dissimuler son trouble et sa peur, comme le faisait la brune, soit elle s'enfonçait dans le déni le plus total. Peut-être était-il né en elle l'espoir insensé d'avoir tout imaginé. C'était après tout l'explication la plus probable, en plus d'être la plus rassurante. Malheureusement, elle était bien loin d'être celle qui s'avérait être réelle.

" - Héra ! Comment vas-tu ? J'ai cru comprendre que c'était le cas dans ton courrier. 

Étrange entrée en la matière. Céleste n'était plus la même que lorsqu'elle l'avait convoquée pour lui demander son aide. Si elle semblait plus heureuse en cet instant, la journaliste préférait pour autant celle de la dernière fois. Au moins, celle-ci ne sonnait pas fausse.

- Ça ... Va, merci, lui répondit-elle incertaine après un temps de réflexion.

Elle ne lui rendit pas la politesse de lui renvoyer sa question. Le fait était qu'elle n'avait aucune envie de savoir. Son état ne l'indifférait pas mais ne la satisferait en aucune manière. En tous les cas l'idée ne lui effleura même pas l'esprit.

- Je te sers du thé ? Lui proposa-t-elle par contre en se dirigeait jusqu'à la partie cuisine de son studio, sortant deux tasses dans lesquelles elle plaça des sachets pour les faire infuser. Tandis que l'eau bouillante diffusait leur saveur, elle se tourna vers son invitée, appuyée contre le plan de travail accolé au mur. Ses sourcils était froncés et elle avait croisé sur sa poitrine ses bras dont elle ne savait que faire.

Elle n'allait pas faire traîner ou ne parviendrait jamais à parler. Puisant dans le peu de témérité qu'il lui restait, elle ouvrit la bouche pour la refermer. Il n'y avait pas de bonne façon de le lui annoncer. Tout ce en quoi elle pouvait aider c'était l'informer au plus vite.

- J'ai pu discuter avec un auror, reprit-elle. Bien sûr, je n'ai aucune preuve concrète. Mais je suis désolée de t'apprendre que tout porte à croire que Diane s'est bel et bien échappée. "

C'était fait. Enfin, elle l'avait dit. Ce lourd secret lui pesait depuis qu'elle avait interrogé Félix, et ça lui semblait remonter à une éternité. Pourtant elle était bien loin de se sentir soulagée. Elle avait cru que c'était d'avoir à le révéler à la Grym qui la torturait tant, mais non. C'était bien toute l'horreur de la situation qui la terrifiait, et ce que cela pourrait provoquer. Il n'y avait qu'à observer le visage de la serveuse pour savoir que ça n'augurait rien de bon.

Céleste comprenait-elle ce qu'elle lui confiait ? En était-elle seulement capable ? La nouvelle qu'elle délivrait bouleverserait son univers. Il ne serait jamais plus le même maintenant qu'elle avait la confirmation que sa terrible sœur était bien en liberté. Qu'une ancienne mangemort en cavale sillonnait les rues de Londres. Que la forteresse d'Azkaban n'était plus infranchissable.

" - Comment ? 

Héra fronça les sourcils, sans saisir les tenants réels de sa question. Lui demandait-elle de répéter ? Cherchait-elle à obtenir plus d'informations ? Ou était-ce une simple phrase rhétorique qui lui permettait de repousser ce qu'elle avançait ?

- Comment tu l'as appris ? Reprécisa la blonde. Tu as demandé à la voir c'est ça ? Et ils ont refusé... elle n'est plus là-bas. 

- C'est ça.

Elle ne voyait qu'ajouter. À quoi bon développer ? Tout le reste était superflu, quelques fioritures pour enjoliver une bien sombre réalité. Inutile de se lancer dans de pompeuses explications. La serveuse était suffisamment perspicace pour comprendre qu'elle n'affirmait rien parce que c'était impossible.

Pour ne pas rester complètement désœuvrée et dissimuler son propre trouble, Héra se retourna, retirant le sachet de thé de chacune de leurs tasses. Il n'avait peut-être pas suffisamment infusé, mais qu'importe. Tendant la sienne à Céleste, elle se tut pour l'écouter.

- C'est une catastrophe Héra... 

La journaliste soupira. Elle savait qu'elle était censée réconforter son invité, mais que pouvait-elle lui dire ? Mentir ne l'aiderait pas. Asséner une vérité en laquelle elle avait désormais confiance non plus. Tout ce qu'elle pouvait lui donner, c'était peut-être un peu de courage.

- On peut le surmonter.

Y croyait-elle elle-même ? Elle n'en était pas certaine, mais elle devait se montrer convaincante. Être forte pour deux. Aider la cadette à ne pas flancher. Héra avait cette capacité à supporter tout ce qui lui arrivait, se montrant parfois même impassible, si cela pouvait préserver ceux qui l'entouraient.

- Qu'est-ce qu'on est censées faire tu crois ? 

Expiration, encore. Il n'était pas facile de répondre mais elle voulait tout de même s'y essayer.

- Déjà, nous taire. Il ne faut pas en parler à qui que ce soit pour le moment, alors que nous n'avons pas de preuve concrète. Qu'on en soit persuadées ne suffit pas … Inutile de créer la panique à cause de quelques suppositions.

Elle se cachait derrière de fausses excuses. La vérité, ce n'était pas qu'elle redoutait d'avoir tort mais que les conséquences de ces révélations ne seraient pas peu lourdes. En admettant bien évidemment qu'on les prenne au sérieux. Si c'était le cas, le Ministère serait discrédité et accablé de toutes parts. Leur système s'effondrerait et il ne pouvait faire face à une telle crise alors qu'il était déjà menacé par d'autres. Elle n'était pas prête à voir son monde changer de la sorte et conserverait égoïstement encore un peu sa vérité.

- Pour ta propre situation, tout dépend de toi et des sacrifices que tu es prête à faire. Continuer comme avant, fuir, enquêter ... C'est ton choix.

Il n'y avait aucun chemin précis qu'elle pourrait lui tracer. Ce n'était pas à elle de trancher. La Grym devrait prendre ses responsabilités, peser le pour et le contre pour définir ce qui était le plus approprié. Et surtout, ne pas se tromper. Aucun retour en arrière n'était envisageable.

- Céleste, l'interpella son hôte en la fixant, sache que quoi que tu décides, tu ne seras pas seule. Je ne t'abandonnerais pas. "

Il y avait des épreuves qui, parfois, rapprochaient les gens. Des regards. Des confidences. Des secrets. Cette enquête que partageait les sorcières faisaient partie de ceux-ci. Leur lien s'en retrouverait irrémédiablement changé. Héra avait vu Céleste déboussolée et vulnérable. Elle avait ressentie se frayeur et ses désillusions. Partagé son effroi et ses doutes. Plus jamais elle ne pourrait la considérer comme avant.

Le besoin irrépressible de la protéger s'était éveillé en elle. Comme si la préserver permettrait d'éloigner de tous toute l'horreur qu'elle craignait. Elle l'avait vu si fragile qu'elle ne pouvait que vouloir l'aider. Au-delà de ce qu'elle était capable de décider, c'était une nécessité. Elle le devait, et peu importe les sacrifices. Impossible de rester impassible devant le désespoir qui avait empli la sorcière.

Céleste sembla reprendre contenance, relevant son regard vers la brune qui tentait de visuellement lui transmettre un peu de force. Elle ne pouvait toujours pas dissimuler son effroi mais le maîtrisait un peu plus que quelques instants auparavant. Ou reprenait du moins une expression plus neutre gommant ses incertitudes. Était-ce vraiment rassurant que de s’accommoder à une telle catastrophe ? La situation était critique, et pire encore.

" - Je vais enquêter, et je ne suis pas sûre de vouloir de t'embarquer là-dedans Héra. Je suis sa sœur. S'il y a bien une personne dont c'est le devoir, c'est moi. Et même si tu dis vouloir me suivre, je comprendrais que tu veuilles arrêter. Tu en as déjà fait tellement pour moi. C'est plus que ce beaucoup auraient fait. 

Chacun des mots qu'elle prononçait étaient plus absurdes que le précédent. Pourtant, Héra ne la coupa à aucun moment. Ni pendant son discours, ni après celui-ci. Elle resta muette, incapable de répondre. Lui assurer son soutien inébranlable la démangeait, mais elle ne le pouvait encore. Il lui fallait réfléchir pour ne pas prendre de décision inconsidérée, et sa propre attitude l’écœurait.

Abandonner Céleste lui paraissait impensable et c'était pourtant ce qu'elle envisageait de faire. Elle avait prit trop de risques la dernière fois et ne s'en était toujours pas relevée. Était-elle prête à se condamner à nouveau ? Inlassablement, elle se promettait de ne plus jamais agir de la sorte en espérant s'y tenir. Si elle se montrait si obstinée c'était probablement parce qu'elle craignait – savait – qu'elle ne tiendrait pas éternellement. Ce qu'elle déciderait d'ici quelques instants le prouvait.

- Alors... je comprendrais. Je veux juste que tu le saches.

La lueur des iris de la Grym ne lui laissait pas le choix. Elle n'accepterait pas qu'elle affronte ces épreuves seule. De quel droit ? Désormais, elle était tout aussi impliquée et ne se retirerait pas. C'était elle qui avait déterré cette sombre histoire et devait l'assumer. Toutes deux y étaient liées. L'une par les liens du sang, l'autre par le secret et la dévotion.

- C'est hors de question que je te laisse.

Il n'y avait plus aucun doute dans sa voix, ni même dans son esprit. Elle était sûre d'elle et ne regretterait pas de s'être engagée. Les sorcières étaient ensembles et se soutiendraient si elles voulaient parvenir à élucider et gérer cette affaire.

- Le fait qu'il s'agisse de ta sœur ne te rend pas responsable d'elle. Tu n'as pas à te sentir coupable ou quoi que ce soit. Vous portez peut-être le même nom, mais vos actes vous appartiennent. C'est elle, la coupable, pas toi. Et tu as le droit de ne rien faire si tu le veux. T'as pas à réparer les erreurs du Ministère.

Laissant échapper un soupir, Héra but une nouvelle gorgée avant de reprendre, légèrement plus bas.

- Mais il faut tout de même qu'on s'en occupe. Je sais pas trop ce qu'on peut faire, mais on peut pas juste attendre. "

Dépassée, elle passa dans ses cheveux sa main libre. C'était insensé. Tout simplement insensé.

Céleste était résignée. Son hôte ne voyait aucun terme plus approprié pour tenter de définir son humeur. Cela faisait longtemps maintenant que la blonde pressentait ce que lui confirmait Héra, elle ne devait pas en être surprise outre-mesure. Elle avait eu le temps de s'habituer. N'est-ce pas ? C'était ainsi que la journaliste se rassurait. Si elle faisait preuve d'un sang-froid exemplaire, il n'empêchait qu'elle ne parvenait toujours pas à l'accepter. C'était encore plus dur confrontée à la Grym que seule. Face à elle, elle tentait d'ordonner ses pensées qui ne s'évadaient que plus.

" - Très bien. 

C'était acté et il en serait désormais ainsi. Cette décision prise elles pouvaient se préoccuper du reste. Et quel reste, vaste et flou, mystérieux et terrifiant. Parviendraient-elles à éclaircir ces secrets ? Le danger risquait de les atteindre, mais elles ne pouvaient qu'espérer être capables de s'en protéger. Sans s'en assurer.

Quoi qu'il en soit il était trop tard. Elles ne pouvaient pas revenir en arrière mais devaient avancer et s'investir dans leur enquête. La serveuse s'y attelait d'ailleurs, interrogeant Héra ou se questionnant elle-même.

- Si tu étais une ancienne Mangemort, récemment évadée d'Azkaban, de retour à Londres et, je ne vais pas me mentir, potentiellement timbrée. Qu'est-ce tu ferais en premier ? Tu penses qu'il faut essayer de la chercher elle ? Ou plutôt ses motivations ? Sait-on seulement si elle est encore à Londres ? 

Prenant une seconde de réflexion, la brune observa son thé, se noyant dans sa contemplation. La lente danse du liquide lui permettait de se concentrer. Elle préférait attendre d'avoir une réponse pensée que se précipiter et raconter n'importe quoi.

- Si on découvre ses motivations, on la trouvera forcément. De ce dont tu te rappelles de ta sœur, pourquoi agirait-elle ? Ça ne peut pas être par simple besoin de liberté qu'elle s'est échappée ou elle ne serait pas resté sur Londres. Quelque chose, ou quelqu'un, la retient ici. Et ce n'est pas juste toi, sinon elle aurait essayé de te contacter. "

Elle sentait qu'elles pataugeraient longtemps. D'autant plus que l'aide qu'elle lui apportait était bien maigre. C'était néanmoins tout ce qu'elle pouvait faire, elle ne connaissait pas Diane et ne pouvait essayer de rentrer dans sa tête en en sachant aussi peu sur elle.

Les mots de Céleste se répercutèrent en Héra avec plus de force qu'ils ne l'auraient dus. Sa voix fuyarde, sa personne qui s'effaçait, elle partageait sa peine et sa honte même sans le vouloir. Tout en son attitude la renvoyait à sa propre condition, son propre passé qu'elle tentait d'effacer.

- C'est une mangemort. Comme moi d'ailleurs. Sauf que contrairement à moi, elle adulait Voldemort. Elle l'adulait lui et tout ce qu'il représentait. Si elle est à Londres aujourd'hui, c'est pour servir celui qui tente de prendre sa place. 

Gustav. Le mage noir l'effrayait bien plus que son prédécesseur. Peut-être parce qu'elle était plus âgée, plus consciente, peut-être parce qu'il appartenait au présent et non pas au passé. La menace perpétuelle et à demi-tue qu'il faisait planer sur l'Angleterre ne cessait de la mortifier. Elle dû rassembler tout son sérieux pour rester concentrée et ne pas se montrer submergée.

- J'ai entendu parler du russe qui aurait des ambitions semblables. C'est sérieux ? 

- Probablement. Le Ministère a tout de même donné un banquet uniquement pour nous informer. Sans compter les nombreux articles qu'on peut voir fleurir ces derniers temps à son sujet. Démêler le vrai du faux me semble par contre compliqué.

Elle ne développa pas. De tout ce qu'elle savait, tout ce sur quoi elle enquêtait malgré elle, il fallait qu'elle compartimente selon les personnes, les sujets, les lieux. Alors elle se tût et poursuivit :

- Diane a dû le chercher. Je ne sais pas où ni comment elle a pu procéder, il faut que je me renseigne. Pour le moment tu devrais rester en dehors de ça. Je parle de tout le côté « Gustav et ses suiveurs ». De ce que j'ai pu en entendre c'est bien plus dangereux que ce que tu e peux l'imaginer et je ne voudrais pas que tu sois en danger. Comme je connais plus de monde qui puisses m'informer sur ce milieu, ce sera plus sécuritaire pour moi. Dès que j'ai du nouveau je te contacte même si ça risque de prendre un peu de temps. Je ne dois pas faire de vagues.

Elle était consciente que ça serait dur pour la blonde, mais c'était ce qu'il y avait de mieux. Patience serait reine de leurs investigations ou elles n'obtiendraient aucun résultat. Il fallait accepter certains sacrifices si elles voulaient que leurs irecherches soient concluantes.