Ce n’était plus une fête, seulement une torture. Alors qu’elle l’appréciait Héra ne parvenait pas à supporter la présence de son cavalier. Auprès de lui elle avait l’impression de jouer faux, de tout contrôler, de devenir artificielle. Elle n’était qu’une poupée que son esprit domptait de l’extérieur pour la faire paraître la plus crédible possible. Aussi bien qu’elle le pouvait elle dissimulait la seule envie qui l’animait vraiment : rejoindre Drago, peut-être même lui demander des explications. Son regard le cherchait sans cesse, la blessant lorsqu’il le trouvait, transperçant de jalousie en remarquant inévitablement la journaliste à ses côtés. Si Liam sentit la distance qu’elle instaurait entre eux il ne le releva pas. Au contraire, il fit tout pour la détendre et elle regretta de ne pas y être plus réceptive.

Alors qu’elle scrutait la foule une énième fois son cœur eu un sursaut en réalisant que celui qu’elle évitait autant qu’elle l’espionnait se tenait seul devant le bar. Dans la noirceur de la foule elle ne voyait que lui. Toutes les tenues extravagantes de couleurs étaient ternes et seul lui brillait de lumière. Un diamant au milieu du charbon. Elle profita de l’absence éphémère d’Eden pour le rejoindre, modulant son pas pour dissimuler sa hâte, s’excusant à peine auprès de Liam. Dans sa précipitation elle n’avait même pas songé à ce qu’elle pourrait lui dire. Son comportement l’avait blessée, même si le simple fait qu’il se montre si proche d’une autre avait suffit, mais une fois n'est pas coutume sa colère ne dominait pas sa peine. Elle acceptait d’avoir mal, peut-être parce qu’elle le ressentait avec trop de force pour le nier.

" - Salut, l’interpella-t-elle d’une voix plus douce qu’elle l'avait souhaité.

Elle n’avait pas la force d’être rude et était fatiguée de tous ces faux-semblants. Ce n’était pas pour autant qu’elle ne masquait pas la tempête qui la traversait, elle devait presque avoir l’air apaisée, comme si la force de son contraste la préservait. Ses émotions s’affrontaient. L’une ne voulait que profiter de sa présence, l’autre se souvenait de sa froideur, sa proximité avec Eden, ses mots et attitudes qu’elle avait trouvés assassins. Seulement il n’était pas responsable de ce qu’elle pouvait éprouver et elle en était consciente.

- Tu passes une bonne soirée ? "

On ne s’est pas beaucoup vu ces derniers temps, je suis contente de te voir, tu m’as manqué, tous ces mots cognaient contre ses lèvres sans qu’elle n’accepte de les prononcer. Pourtant ils étaient tout ce qu’elle voulait lui confier et l’entendre dire. Par n’importe quel moyen elle désespérait de le retrouver alors que lui montrait tout l’inverse.

Le comportement de Drago eu le don de l’agacer plus que de la gêner. Alors qu’elle faisait un pas vers lui il l’ignorait, non pas comme s’il ne l’avait pas vu, plutôt comme s’il ne voulait pas la voir. Il répondait sans juger utile de lui accorder le moindre regard. L’une des plus grandes passions de la brune était de se perdre dans la foule pour s’anonymiser mais ce qui la rassurait en d’autres occasions la frigorifia dans celle-ci. Elle aurait tout fait pour qu’il la remarque, même piquer une crise au beau milieu de la réception. S’il le fallait pour qu’il porte sur elle le même œil que sur Eden elle aurait fendu sa jupe ou décousu son haut. La hargne de ses émotions l’effraya mais elle savait qu’il était le seul à pouvoir chasser l’amertume qui s’était installée dans sa bouche. Pour ce elle devait rompre son indifférence sans savoir comment.

" - Merveilleuse. Et toi ?

Son sarcasme ne lui échappa pas. Espérait-il la faire fuir ? Elle était décidée à comprendre sans oser demander. Après tout jusqu’à récemment elle était journaliste, n’avait-ce pas été son travail d’enquêter ? C’était ainsi qu’elle avait rencontré Drago d'ailleurs et elle pouvait renouer avec ses vieux démons. Elle aurait pu du moins, ne s’en sentant ni l’envie ni la force.

- Pas vraiment, non.

Sa propre sincérité l’étonna mais le Malefoy avait été une des seules personnes avec lesquelles elle avait été plutôt honnête et elle ne pourrait espérer retrouver cet aspect de leur relation sans un effort. Si elle l’imitait et jouait ce théâtre ridicule dans lequel ils n'étaient rien (sauf si c'était désormais ce qu'elle représentait pour lui) l'un pour l'autre, comment pouvait-elle espérer que son comportement change ?

- Excusez-moi, demanda-t-elle au barmaid, est-ce que je pourrais avoir un verre ? Peu importe de quoi. "

Pour noyer sa peine et son anxiété elle avait l’impression de devoir plonger toute entière dans l’alcool.

Enfin, il se tourna vers elle après avoir lui aussi commandé un verre, mais elle sentit à peine son regard, occupée à gratter une tâche qui n’existait pas sur le comptoir immaculé. Ses pensées s’affrontaient, pareilles et incohérentes, se rejoignant pour mieux se battre. Elle n’arrivait à s’arrêter sur aucune d’entre elles et ne sentait que leur chaos l’emplir. La jalousie, la colère, l’anxiété ou la peine dominaient tour à tour sans parvenir à conserver leur trône.

" - Monsieur mâchoire carrée t'a plantée et tu viens te noyer dans l'alcool ?

Elle aurait presque eu l’impression de le retrouver si elle ne l’avait pas sentit toujours aussi froid et distant. Ses efforts étaient inefficaces ; elle était venue, seule et parée d’honnêteté, mais rien ne lui suffisait. Elle voulut le frapper pour briser sa carapace de glace mais savait que s’il l’avait revêtue c’était précisément dans le but d’éloigner ceux qu’il voulait garder à distance. En l’occurrence, elle. Pourquoi ne trouvait-elle pas la force de partir ? Attendre sa boisson n’était pas une excuse suffisante.

- Heureusement qu’on ne me laisse pas tomber tous les ans, répliqua-t-elle sans masquer l’acidité de ses mots. Et toi, où est Eden ? J’ai été très surprise de vous voir ensembles. D’après certains vous faites un très beau couple. "

L’amertume de sa dernière phrase était si prononcée que palpable. Elle ne mentait même pas. Combien de fois l’avait-elle entendu au cours d’une conversation ou flottant autour d’elle, comme lorsqu’on était atteint par tout ce qu’on cherchait à chasser. Peut-être en disait-on de même de Liam et elle mais ça l’indifférait complètement. Ce n’était pas son cavalier qui importait mais la sienne, plus encore ce qu’elle représentait. Elle aurait préférée être aveugle et s’être trompée en les trouvant si bien assortis, mais sa vue était toujours aussi bonne, pour son plus grand déplaisir.

Le serveur disposa leurs deux verres face à eux, ayant aligné leurs commandes, et Héra se jeta immédiatement sur le sien. Elle ne put retenir une moue de dégoût en sentant le whisky qu’elle détestait agresser son palais, mais elle était prête à quelques concessions pour se sentir un peu mieux, dont celui-ci. Au moins faute d’être heureuse elle serait trop soûle pour être triste.

" - Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a de surprenant.

Qu’elle connaissait Eden, ne l’avait jamais entendue parler de Drago, et parce que toute cette histoire la touchait plus qu’elle ne l’admettait. Plus que la logique ne l’acceptait surtout. Elle n’imaginait même pas ce qu’elle lirait dans la chronique de Rita le lendemain. Pensait-il qu’elle ne les avait pas vu, outrageusement proches l’un de l’autre, à poser pour les photographes ? Question stupide. S’en préoccupait-il après tout, de ce qu’elle aurait pu voir ou non.

- Pourquoi Greengrass, tu es jalouse ?

Alors qu’elle l’évitait soigneusement, imitant sans intention un comportement qu’elle avait déploré, elle reporta son regard brun sur lui et le détailla. Comment faisait-il pour être le même en semblant si différent ? Elle s’arrêta sur ses mèches blondes dans lesquelles elle avait enfoui ses mains, ses yeux qui renfermaient tout ce qu’il était, ses lèvres qu’elle avait embrassées. Ces deux longs mois, elle ne savait par quel miracle elle avait survécu sans lui, mais elle réalisait ne plus en être capable. Elle avait besoin de lui et elle eut plus mal encore en y étant confrontée parce qu’elle ignorait par quel moyen le retenir.

Elle était restée muette trop longtemps pour éluder, moins encore mentir. Son esprit lui hurlait de se détourner vers la foule et chercher en celle-ci un ancrage, Liam censé la soutenir, mais pour rien au monde elle n’aurait bougé d’un millimètre. Sans l'observer, elle reprit sa boissons en un geste et s’y cramponna comme à une bouée sans en boire une gorgée.

- Tu voudrais que je te répondes oui ? Murmura-t-elle .

Elle trichait, mais son attitude parlait pour elle. L’importance de ses mots était toute relative quand le langage du corps s’exprimait avec tant de clarté. Rougissant à peine elle essaya de s'extraire de cette situation délicate dans laquelle elle s'était précipitée:

- Qu'importe. Qu'est-ce que ça pourrait changer de toutes manières. "

Sa voix était plus ferme, la protégeant de barrières inutiles. Il avait déjà dépassé les fortifications et si elle relevait le pont-levis elle ne ferait qu'enfermer son ennemi tout près d'elle.

Il évita sa question plus encore qu’elle ne l’avait fait, creusant sa déception en une fosse immense dans laquelle on aurait pu enterrer toute la Grande-Bretagne. Sans même qu’elle ne le réalise leur éloignement semblait autant s’être amoindri que s’être agrandi encore. Le retrouvait-elle ? Elle avait l’impression que chacun de ses mots, chacun de ses actes, avait plus d’importance que jamais. L’un d’eux pouvait lui faire perdre définitivement Drago comme lui permettre de le retrouver.

" - Qu'est-ce que t'as. Pourquoi tu tires cette tête.

Qu’il la relance la surprit, elle avait presque abandonné l’idée qu’il lui réponde, de quelle manière plus encore. Il avait eu raison en lui reprochant de se défiler. Comme des balles elle lui renvoyait ses mots pour échapper à une vérité qu’elle n’osait pas prononcer. Piégée, elle sut qu’elle ne pouvait plus slalomer, que si elle voulait qu’il soit honnête, elle devait l’être aussi sans plus user de chemins détournés.

Elle l'ignora soigneusement pour puiser en son absence un peu de courage. Comment faisaient-ils, ces autres qui parlaient sans gêne, n’avaient pas peur de leurs émotions (même en son esprit elle refusait de formuler sentiments) et ce qu’elle signifiaient ? Les acceptaient-ils comme des amies, et non une punition ? Pour elle ils n'étaient que des démons contre lesquels se battre.

- Parce que ce n'est pas ce que j'avais envie d'entendre. Enfin, il n'y a pas que ça. Est-ce que tu m'as évitée pendant ces deux mois ?

S’il éludait, elle comprendrait qu’elle se battait seule, qu’il n’avait que la politesse de lui faire la conversation. Détruite mais déterminée elle retournerait auprès de Liam et chercherait peut-être même auprès de lui un peu de réconfort. Elle tairait son cœur aussi longtemps qu’elle en serait capable, anesthésiant ses sens, et redeviendrait la parfaite actrice qu’elle avait su être plusieurs années auparavant. Elle comblerait cette part d’elle qui avait disparue en entretenant son souvenir mourant.

- Je sais que c'est une question, ajouta-t-elle avant qu'il ne le lui reproche, mais ça a du sens. Et ne m'explique pas que la situation était compliquée, je le sais très bien. Je veux savoir si malgré ça, tu m'as évitée. "

D’un mouvement brusque, elle le devina bouger à côté d’elle alors qu’elle se perdait dans la contemplation de son verre. C’était un comble qu’elle l’ait espionné toute la soirée pour l’évite dès l’instant où l’ait rejoint. Elle n’avait plus besoin de le scruter pour savoir ce qu’il faisait, ou était-ce plutôt sa peur de rencontrer ses yeux qui avaient un effet de veritaserum sur elle qui la figeait ? Dans un cas comme dans l’autre, elle demeurait fixe, appréhendant d’avoir à se tourner vers lui.

" - Si tu veux dire que je n'ai rien fait pour te contacter ou pour te voir, alors oui je t'ai évitée. Exactement de la même façon que tu m'as évité il semblerait.

Touchée. La principale différence entre leurs deux situations était qu’elle savait pourquoi elle avait agit ainsi mais ignorait les motivations du sorcier. Était-ce de la gêne, de l’indifférence, du dégoût ? Elle ne pouvait qu’accumuler des théories qu’elle consolidait ou démontait seule. Ignorant laquelle choisir, elle préférait toujours la pire de toutes, dans le doute. Ses angoisses feignaient de la protéger des déconvenues sans cesser d’obscurcir son monde de leurs regards viciés.

- On est d'accord là-dessus Greengrass ?

Comment aurait elle pu nier ? Elle aurait été la pire des menteuses, déjà à cause de sa fausseté, mais aussi en étant la plus mauvaise. Impossible de se battre contre les faits ou redessiner le passé. Confrontée à ses actes elle ne pouvait que se confesser.

- Oui, et ne pense pas que je ne m’en veuille pas. Ceci-dit je n’ai pas l’impression de t’avoir beaucoup manqué. Je me trompe ? "

Encore une fois, elle s'était voulue neutre mais elle s'adoucit, sa voix se brisant presque, trahissant qu'elle était plus touchée qu'on ne le devinait. Pour ne rien arranger elle s'était tournée vers lui, comme pour l'encourager. Elle l’invitait à se livrer un peu, la rassurer peut-être, sans en espérer beaucoup en priant pour qu'il le lise dans son regard.

" - Tu voudrais que je te réponde oui ?

L’imitant, elle sourit légèrement, et elle n’aurait pas pensé être aussi soulagée par si peu. La glace qui les entourait fondait peu à peu et si ce n’était qu’une illusion pour une fois elle accepterait de se bercer de mensonges. Ceux-ci en valait la peine. D’autant plus qu’elle voulait effectivement qu’il lui réponde oui.

- Une fois n'est pas coutume Greengrass. N'ignore pas mes questions si tu cherches mes réponses. Tu es jalouse ? 

Elle avait eu l’impression d’avoir été très limpide, même si ça n’avait pas été avec ses mots. Pour justifier sa lâcheté elle misait sur un comportement flou qui n’aidait en vérité pas grand monde. Elle savait mieux que personne quelle interprétation on pouvait faire, soit toutes en trouvant les bon arguments, et qu’on pouvait se conforter dans celles-ci. Pour inventer des situations qui lui déplaisaient elle était la reine et reprochait presque à son interlocuteur de l’imiter, dans une moindre mesure. Ce qu’il devinait, ou imaginait, était prisonnier de son esprit mais biaisé par sa vision. C’était injuste de compter sur sa clairvoyance.

- Pourquoi, tu veux flatter ton ego ? Répliqua-t-elle se la défensive avant de se raviser pour éviter une énième question – c’était fou comme il avait raison à ce sujet. Ce n’est pas si simple de répondre.

Pendant la trop longue seconde de silence qu’elle imposa elle se joua avec ses ongles d’anxiété. Elle était à nouveau incapable de le regarder et cette volonté fluctuante l’agaça. Se concentrer sur ce détail en accentuant son importance la calma d’apparence sans l’apaiser.

- Si je te dis peut-être, je suppose que tu feras de même. Alors … J’ai l’impression que oui. "

Sa respiration restait égale mais elle avait l’impression que sa cage thoracique s’était bloquée. Pour se protéger elle essaya d’oublier le monde qui l’entourait, aussi et surtout Drago, sans y parvenir. La musique qu’on jouait et les discussions les entourant s’affirmèrent, elle avait l’impression que les danseurs tournaient tous autour d’elle, que le Ministère s’effondrait une fois encore. Sa conscience qui maintenant ses deux pieds par terre et sa tête à sa place persuadaient ses sens que le décor était immobile mais une étrange impression lui hurlait le contraire.

Dire la vérité était plus facile qu’elle ne l’aurait cru. Ses confessions qu’elle enfouissait tout au d’elle n’y reposaient pas sans turbulence mais la rongeaient comme une gangrène invisible et elle commençait à peine à comprendre l’importance de la maladie. Que cachait-elle encore, derrière ses façades et ses secrets ?  

" - Alors ça t'a écorché la bouche ? 

Ce n’était pas le terme, mais elle devait avouer que se persuader de l’ouvrir avait rarement été aussi compliqué. Il pouvait s’estimer heureux qu’elle ait fini par parler ou alors c’était elle d’avoir su le convaincre de rester. Sa maigre réaction ne lui suffit pas. Il lui semblait qu’à son tour il l’évitait et même s’amusait de sa fragilité passagère. Mais qu’aurait-elle voulu lui entendre dire d’autre ?

- Je ne comprends pas comment tu peux te poser la question ou si tu fais semblant de ne pas connaître la réponse Greengrass. Ta naïveté m'épatera toujours.

Ce n’était pas de la naïveté mais une peur étouffante qu’elle ne contrôlait pas. Pensait-il que si elle se comportait si mal et doutait tant, c’était par plaisir rigide de l’éprouver ? Elle avait besoin de réponses, plus encore de preuves, pour éveiller un soupçon de certitude. Plus elle voulait croire et plus elle s’en empêchait. C’était ce à quoi elle tenait qu’elle remettait le plus en question et peut-être que rien ne comptait plus que lui. C’était ses craintes qui empoisonnaient les vraies relations qu’elle entretenait, toujours elles qui préféraient l’enfermer dans des liaisons superficielles qui l’indifféraient. Elle se sentait prête à les combattre mais pas sans armes.

- Je préfère te savoir dans le coin, oui. Ce n'est pas parce que je ne t'ai pas vue que je n'ai pas pensé à toi, souvent.

Le poids qui l’oppressaient depuis des mois, plus lourd encore en cette affreuse soirée, la quittait enfin. En quelques mots il l’avait rassurée. Elle se détestait encore plus pour ce temps qu’ils avaient perdu mais son aveu était si doux qu’elle l’oublia. Ce petit « souvent » prenait toute son importance. Il n’était pas nécessaire mais s’était glissé là, comme pour appuyer ses propos, leur donner plus de force. Elle aussi avait pensé à lui, souvent, chaque jour.  

- Ma réponse te satisfait-elle ? 

- Bien plus que si tu m’avait dit que tu ne voulais plus me voir.

Un pauvre oui n’aurait pas suffit. Elle eut la sensation qu’il méritait plus, ou alors elle se cachait derrière cette excuse pour poursuivre. Pour une raison qui lui échappait elle n’arrivait plus à se taire. Trop longtemps elle avait enfermé ces vérités qui se libéraient.

- Je regrette de n’avoir pas fait plus d’effort, je t’ai reproché de m’avoir laissée tomber mais c’est comme si j’avais fait la même chose. C’est comme ça que je le ressens en tous cas.

Elle se tourna vers lui en sachant qu’elle ne pourrait plus s’en détourner. L’ère de sa fuite était révolue.

- J’avais l’impression que tu préférais qu’on laisse cette distance entre nous alors je l’ai juste respecté ... Ou peut-être que c'était plus simple pour moi aussi. "

Il lui jeta à peine un regard tandis qu’elle ne se détournait pas. Pendant deux mois elle l’avait assez ignoré, c’était terminé. Elle s’imprégnait de ses traits comme si elle avait craint de les oublier. Leur dessin s’ancrait même en se serait jamais estompés.

« - Et si tu ne t'étais pas souciée de ton impression, t'aurais fait quoi ?

Il s’amusait à repousser ses limites en les ayant déjà dépassées. Ces frontières invisibles devenaient plus flexibles, ondulant selon les circonstances. Leur relativité étonnait d’ailleurs Héra qui pensant n’être pas capable de plus se surprenait. Ce qui était peu pour d’autres représentait beaucoup pour elle, mais elle réalisait l’injustice de la situation confrontée aux reproches de celui qui n’était, hélas, pas son cavalier. Elle prit pour elle.

- Tout le contraire. J’aurais prit des nouvelles, essayé de te contacter, qu’on ait l’occasion de se voir ...

Elle mentait sans même s’en rendre compte mais s’interrompît en le réalisant. Pour être honnête elle n’aurait rien fait de tout ça. Après un court suspend elle soupira et prit une gorgée, infecte encore, et se rétracta :

- C’est faux. Ça ne m’a pas plu qu’on ne se voit pas, mais c’était plus facile. »

Elle ne savait plus comment se comporter en sa présence. La preuve elle enchaînait les erreurs, les manquements, mais surtout les sauts d’humeurs. Sans cohérence elle passait de l’une à l’autre. En les enchaînant si vite elle ne se concentrait sur aucune.

Sa réponse dévia complètement la conversation.

" - On s'est embrassés.

La sorcière fronça les sourcils. Évidemment, elle avait été là aussi. Surtout qu’il ne s’étaient pas contentés de chastes baisers. Pourquoi évoquait-il cet épisode sans préambule ? Il l’éclaircît en ajoutant un nom qu’elle avait apprécié et qui la figeait désormais.

- avec Taylor.

Quelque chose se brisa en Héra. Une certitude, une envie, un espoir qu’elle dut enterrer. Elle se sentit trahit, consciente pourtant de ne pas en avoir le droit. Cette jalousie qui l’avait rongée se ravivait, plus corrosive encore. Leurs scènes n’avaient rien de spectacle ; elles n’étaient qu’une réalité frappante qui la heurtait violemment. Alors qu’elle avait essayé de se convaincre que ses doutes étaient infondés il lui confirmait le contraire.

Son regard vacilla et le masque qu’elle portait sans cesse se fissura. Qu’il remarque ou pas ce qui l’habitait lui importait peu. Elle ne songeait même plus à plaquer un beau sourire sur son visage ni même amoindrir son trouble. Ironiquement, celle qui refoulait ses sentiments en les dissimulant se laissait submerger. Ses yeux se plongèrent dans ceux de Drago pour y chercher une étincelle à laquelle se raccrocher. Une seule vague révélant qu’il mentait, qu’il allait rire et se reprendre en expliquant que ce n’était qu’une plaisanterie sur ce qu’elle lui avait confié plus tôt. Et lui, que lisait-il en elle ? Voyait-il comme elle avait mal ? Comme ce simple aveu la détruisait ? Même le coup d’état de Gustav ne l’avait pas tant bouleversée. Là au moins elle avait su garder la face.

Une éternité s’étendît avant qu’elle ne parvienne à réagir. Elle ne retrouvait pas convenance mais ses allures l’indifféraient. C’était trop tard et elle avait l’impression de n’avoir plus rien à perdre. Tout s’effaçait déjà.

- Très bien, répondit-elle d’une voix sèche en se durcissant. Excuse-moi d’avoir abusé de ton temps, tu dois vouloir retourner auprès d’elle. 

Elle se retourna vivement et s’éloigna avant que les larmes qu’elle n’avait même pas sentie troubler sa vue ne coulent sur ses joues. Tous les efforts qu'elle pouvait fournir se concentrèrent pour les retenir. Après seulement deux pas elle fit demi-tour pour retourner au bar récupérer son verre, une excuse comme une autre, et en profita pour s'arrêter face à Drago.

- Juste, le temps que tu es encore ici ... Est-ce que vous êtes ensembles ? "

Drago semblait perdu lui aussi, ce qu’elle n’avait pas prévu. Tout ce qu’elle s’attendait à voir c’était de la lassitude ou du désintérêt mais il n’y avait rien de ça. Les émotions qui l’habitaient paraissaient confuses et elle ne les comprit pas. Les siennes étaient assez compliquées pour qu’elle ne puisse jouer les psychologues pour deux. Déjà n’en était-elle pas capable pour une ... Essayant d’y voir plus clair elle finit son verre d’un trait sans même plisser les lèvres.

" - Non, bien-sûr que non. Ca a duré à peine deux secondes, j'ai un peu écourté la chose…

Ses yeux s’écarquillèrent. Eden était magnifique et moins stupide que d’autres. Lorsque l’héritier Malefoy choisissait une femme pour parer son bras ce n’était jamais sans minutie. Depuis quand ne profitait-il plus des beautés qui s’offraient à lui ? Ce soupçon d’espoir qu’elle avait cherché si longuement dans son regard, il le lui donnait avec ses mots.

- Ca ne voulait rien dire du tout.

Rassurée, elle ne retint pas un léger souffle significatif.

- C'était pas pour te faire du mal Héra.

Elle retint le "c’est pourtant réussit" ou "il aurait encore fallu que j’importe pour ça" qui auraient été injustes. Depuis trop longtemps elle se servait du blond pour refouler les sentiments qu’elle se portait en les transposant sur lui. Elle savait qu’on se comportait toujours plus mal avec les gens qui nous aimaient parce qu’on ne risquait pas de les voir partir. Tout au fond, pensait-elle que Drago tenait un peu à elle ? Était-ce pas peur de l’admettre qu’elle remettait tant en question le lien qui les unissait, appuyant sur une fragilité factice ?

- Je sais, je n’aurais pas dû être aussi agressive. Ce n’est pas contre toi que je suis en colère. C’est ma faute et je m’en veux parce que je suis la seule responsable de cette situation.

Pas dans le sens où elle avait embrassé Eden, pas plus qu’elle ne les avait poussés l’un contre l’autre, mais parce qu’elle n’avait rien fait pour empêcher cette scène. L’un comme l’autre étaient libres comme l’air et elle était escortée par Liam autant que lui accompagnait la Taylor. Ils n’avaient pas été si proches, certes, mais ils auraient pu bien avant que minuit ne sonne.

- Alors que je n’avais aucune envie qu’elle arrive, ponctua-t-elle d'une voix nettement moins assurée dans un désir de clarté. Et je ne parle pas de cette conversation mais de votre baiser. Tu ne m'as pas fait du mal, j'y suis arrivée toute seule. Et j'ai du mal à l'accepter parce que ...

Elle se sentait affreusement vulnérable mais ne supportait plus cette tension froide qui les unissait. S'ils s'étaient évités, c'était pour ne pas avoir cette discussion. Et si leur lâcheté devait les éloigner alors elle était prête à abandonner la sienne.

- Parce que ce que ça implique est compliqué. Je t'ai dis que j'étais jalouse mais je n'ai pas le droit. Je ne devrais même pas l'être. Mais c'est le cas et ça ne sert plus à rien de le nier. "

Elle était anxieuse et paradoxalement apaisée. Si elle avait osé se confesser, c’était parce qu’elle se rappelait qu’elle lui faisait confiance malgré les incidents qui avaient ternis leur relation. Ces derniers temps ils s’étaient amusés à la gâcher, à croire qu’enlaidir sa façade souillerait aussi ce qui les unissait. Elle l’avait cru à tort elle-même et reconnaissait à quel point elle s’était trompée.

" - Héra franchement je ne suis pas mieux. Je suis jaloux de ton clown de cavalier...

Qu’il l’avoue à son tour lui fit étrangement plaisir, surtout qu'il n'avait pas dit j'étais mais je suis. Ce n’était peut-être pas très sain mais pour l’heure ça lui était égal. Drago Malefoy était jaloux de la voir auprès de Liam, elle ne releva pas le terme « clown » qui l’indifférait, peut-être avait-il était animé de la même hargne qu’elle. Le comportement désagréable qu’il avait adopté en les saluant pouvait n’être que le reflet de ses ressentiments de la même manière qu’elle avait trouvé un échappatoire en fuyant.

- Je t'ai regardée toute la soirée, je suis surpris que tu m'aies pas grillé.

Plus légère elle étouffa un rire.

- Étonnant que nos regards ne se soient pas croisés.

Le sien n’avait été dirigé que sur lui. Parfois elle était parvenue à le concentrer sur son cavalier, mais il était plus passé du blond au brun que le contraire. Elle avait détaillé chacun de leurs faits et gestes et paniquait presque lorsqu’elle perdait sa cible. Malgré tout elle avait réussit l’exploit de manquer leur baiser ce qui au fond n’était pas un mal. Mieux avait-il valu qu’elle l’apprenne par Drago.

- Je suis sûre que je peux retracer toute ta soirée depuis que je suis arrivée. "

Et elle exagérait à peine ...