Plus l’aiguille s’approchait de minuit plus les secondes s’éternisaient. Depuis que Drago s’était précipitamment échappé elle n’attendait que de le retrouver. En fuyant il l’avait invitée à le rejoindre derrière un rideau peu avant que les douze coups ne sonnent et il était inimaginable qu’elle refuse. La menace qu’il lui avait faite était empli de délicieuses promesses. Comment 2007 pouvait-il mieux commencer que tout près de celui qui n’était définitivement pas son ami, d’autant plus de cette manière ?

Elle s’impatientait et le temps passé auprès de Liam paraissait interminable. Alors qu’elle venait à peine de quitter le blond il l’avait rattrapée et elle ne l’avait pas repoussé. Elle instaurait pourtant une distance avec lui, peut-être parce qu’elle n’avait pas envie qu’ils se croient trop proches, peut-être parce que Drago lui avait avoué être jaloux et qu’elle ne voulait pas en jouer. Une part d’elle se demandait s’il était avec Eden et comment cela se passait entre eux mais elle taisait cette voix vicieuse qui tentait de gâcher ces instants.

Hotwood enchaînait les efforts sans qu’aucun ne soit probant. Malgré la politesse froide de sa cavalière il restait courtois et chaleureux, jusqu’à ce qu’elle essaie de s’échapper. Cinq minutes avant l’heure fatidique.

" - Liam je suis désolée mais il faut absolument que j’y aille.

- Je t’accompagne.

Le sorcier approcha leurs mains avec douceur pour entrelacer leurs doigts mais elle s’écarta, gênée.

- Non, j’y vais seule. Mais je te remercie.

Elle se retourna et entreprit de s’éloigner mais il la retint par le poignet. Une vague d’angoisse l’emplie. Que se passerait-il si elle était en retard ? Une urgence de plus en plus pressante la gagnait.

- Héra, attend juste encore un peu, il est presque minuit ...

En tentant de se défaire de lui elle insista :

- Je suis vraiment désolée.

Quelques invités s’étaient arrêtés pour les observer, comme s’ils devinaient la tension dans la voix de la jeune femme. Elle savait que son comportement n’avait rien de malveillant mais il commençait à l’agacer.

- Lâche-moi, insista-t-elle d’un ton ferme avec un mouvement brusque du bras pour l’obliger à obéir. "

Comme s’il avait réalisé que son comportement était inapproprié, il obtempéra en une vitesse surprenante. La serveuse ne chercha pas à comprendre et lui jeta à peine un regard d’incompréhension en faisant volte face. Plus qu’une minute. Elle se précipita en traversant la salle, s’empêchant à peine de courir. Au passage elle récupéra deux coupes de champagne pour qu’ils puissent trinquer, fêter dignement la fin de cette soirée ...

Et s’il n’était pas là ? Il pouvait s’être ravisé, avoir préféré la compagnie d’Eden. Elle refusait d’y penser et repoussa le tissus devant lequel elle se tenait enfin. Face à elle, Drago. C’était fou comme il était beau, c’était fou comme elle était heureuse de l’y voir. Toutes ses craintes s’envolèrent.

10, entendit-elle de l’extérieur, 9 ...

" - Tu ne comptes pas ? Chuchota-t-elle en lui tendant un verre.

5 ... 4 ... 3 ...

- 2, 1 ... Murmura-t-elle en se mettant sur la pointe des pieds.

Bonne année ! Elle posa avec ardeur ses lèvres sur les siennes. Ils ne volaient pas ce moment, n’avaient pas l’excuse de l’alcool, l’avaient même prémédité. Son bras enserrait son cou et elle ne put empêcher sa boisson de se renverser autant sur son costume que sur sa robe. Sa coupe lui glissa des doigts qu’elle enfoui dans ses cheveux et son autre main vint se poser sur sa joue pour toucher autant de lui qu’elle le pouvait. Même lorsqu’elle avait passé la nuit à son appartement elle ne s’était pas sentie si légère. Tous les drames de la réception avaient perdu leur importance. Seul lui comptait et le fait que pour cet instant privilégié elle le sente sienne.

- Bonne année, lui souhaita-t-elle sans réussir à longtemps rester éloignée de lui. Puisses-tu la passer le plus près possible de moi ... "

Sa bouche avait toujours ce goût qui, loin de la rassasier, la rendait insatiable.

La douce caresse de Drago sur sa joue la fit frissonner, marquant un contraste d’autant plus agréable entre l’ardeur de leur étreinte et la délicatesse de son geste. Ses yeux étaient plongés dans ceux du blond au pouvoir attractif plus prononcé que jamais. Rien ne concordait : ils n’étaient pas venus à la soirée ensembles, lui avait d’ailleurs embrassé sa cavalière, elle avait du fuir le sien précipitamment pour rejoindre celui avec lequel elle voulait être. Pourtant, tout lui semblait parfait.

" - Si tu pars pas en courant.

Il avorta le rire léger qu’elle faillit laisser échapper en l’embrassant encore, ce contre quoi elle ne se battit absolument pas. Chaque instant qu’elle passait avec lui lui paraissait privilégié, peut-être parce qu’elle l’avait à peine vu ces deux derniers mois, peut-être parce que leur relation avait changée et que cet aspect nouveau lui était précieux. À peine éloignés l’un de l’autre, Héra profita du souffle qui les séparait pour répondre. Ils se frôlèrent lorsqu’elle parla :

- Ce sera ma bonne résolution.

Et c’était vrai. Elle avait assez fuit, ayant dessiné une barrière invisible entre eux pour s’assurer qu’ils restent bien distinctement chacun de leur côté. À plusieurs reprisent ils l’avaient éprouvée et si elle avait faillit la sorcière avait prit garde à la rebâtir plus solide encore. C’était terminé. Désormais elle ne se battrait plus contre mais pour eux.

Une infime seconde elle rapprocha leurs bouches pour l’embrasser à peine et s’écarta à regret pour mieux l’admirer. En l’observant elle espérait éclaircir ses idées. Malgré les preuves accablantes qu’en donnait son comportement elle n’avait mit aucun mot sur ce qu’elle ressentait pour lui. Ce n’était même plus de l’hypocrisie à ce stade tant elle se voilait la face en n’assumant rien. Pourtant elle ne pouvait plus continuer à se mentir alors qu’elle était confrontée à tout ce qu’elle éprouvait. Elle passa son doigt avec tendresse sur sa pommette, descendit le long de son nez, de ses lèvres, s’y arrêtant comme pour combler le vide que laissait les siennes.

- Et les tiennes ? "

Elle avait autant envie d’écouter le son de sa voix qui lui avait tant manqué que de l’empêcher de parler. Dissimulé du monde par un simple rideau, elle avait l’impression que le temps s’était arrêté, et que cette bulle éternelle qui ne protégeait qu’eux leur permettrait de rattraper tout ce qu’ils avaient gâché.

Essayer de tenir un semblant de discussion était de plus en plus compliqué. À peine avait-elle parlé qu’Héra oubliait de quoi il était question, concentrée non plus sur les mots du blond mais un tout autre aspect de sa personne qui lui semblait de plus en plus intéressant. Elle avait presque l’impression d’être ailleurs, négligeant qu’ils n’étaient protégés du monde que par un pauvre rideau derrière lequel se trouvaient tous ceux qu’ils avaient fui en s’y réfugiant. Leur présence était de plus en plus lointaine.

" - Greengrass. Tu veux pas qu'on s'en aille d'ici ?

Drago avait interrompu un énième baiser pour lui glisser cette petite phrase. Elle frémit en entendant le son de sa voix, la tension qui l’emplissait et qu’elle partageait. Plus qu’elle ne vit elle sentit ses doigts dans ses cheveux ce qui ne l’aida pas à se concentrer. Elle comprenait à peine ce qu’il lui disait tant son esprit était ailleurs. Tout ce qu’elle pouvait affirmer, c’est qu’elle n’était que trop d’accord avec lui.

- Entre nous, tu ne crois pas qu'on serait mieux chez moi ?

Sa proposition la ravit. Elle avait hâte de retrouver les murs de son appartement et son intimité. Les souvenirs qu’elle en gardait, si on éludait certains passages, étaient délicieux et elle avait hâte de s’en créer de nombreux autres. Rarement son corps avait-il si peu dissimulé ce qui l’habitait.

- Je suis étonnée que tu ne proposes pas plutôt qu’on aille chez moi.

Ce n’était pas l’heure des plaisanteries, alors elle se reprit rapidement, comme s’il y avait le moindre risque qu’il se rétracte :

- Allons-y. Pars devant et je te rejoins vite. Très vite, proposa-t-elle à contre cœur.

Elle n’avait aucune envie de s’éloigner, pas même une seconde, mais c’était plus prudent ainsi. Leur évasion devait rester discrète s’ils ne voulaient pas ranimer les rumeurs qu’il y avait eu sur eux et qui s’étaient enfin taries.

- J'ai hâte d'arriver chez toi, murmura-t-elle dans le creux de son oreille avant de difficilement reculer pour le laisser partir. "