La porte de Fleury et Bott se referma derrière Rosalind avec un chuintement. La librairie, d'ordinaire bondée, était vide de clients ce matin-là. Un peu surprise de découvrir une nouvelle face de ce lieu si familier, la jeune femme marqua une pause. Elle n'avait pas pour habitude de se lever si tôt et par conséquent, ne se rendait à la célèbre boutique qu'à des horaires très fréquentés des Sorciers londoniens. Fermant les yeux, elle huma avec satisfaction l'odeur rassurante et si caractéristique des livres. Le magasin semblait protégé des bruits extérieurs: il y régnait un calme que Rosalind savoura. Ses migraines lui laissaient peu de répit ces derniers jours et le silence feutré de la boutique était plus que bienvenu.

Elle s'avança vers les petites tables en bois sur lesquels étaient présentées les nouveautés, les dernières publications du Monde Sorcier. Des romans, des essais, quelques manuels de cuisine... Depuis combien de temps ne s'était-elle pas plongée dans un bon roman? Rosalind poussa un soupir. Ses recherches et ses maux de tête avaient occupé tout son temps et toute son énergie des dernières semaines. Et c'était encore pour son travail qu'elle avait fait le chemin chez Fleury et Bott.

De sa poche, elle tira un reçu. La commande qu'elle avait passé devait être arrivée. "Celtes et pictes. Signes transmis par les pierres.", par Coralie MacFarlane. Encore une lecture sensée lui permettre de déchiffrer un peu plus les symboles qui émaillaient les gravures qu'elle étudiait... Le tout au prix de longues heures d'étude.

Rosalind leva la tête à la recherche d'un employé et son regard attrapa celui d'un homme qui tenait dans ses bras une petite pile d'ouvrages, vraisemblablement consacrés au Quidditch. Aimable, elle fit quelques pas vers lui et demanda:

- Excusez-moi, vous travaillez ici?

Son visage ne lui était pas inconnu; il lui semblait avoir déjà vu ce Sorcier lors de ses virées à la librairie, mais elle n'avait jamais eu affaire directement à lui.

- J'ai passé une commande pour un livre, et je pense qu'il doit être arrivé, poursuivit-elle en présentant son reçu.

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Rosalind dévisagea un instant le Sorcier et avec une pointe d'amusement, prit note de la légère rougeur qui colorait les joues du libraire. La timidité était une chose qu'elle avait toujours eu du mal à comprendre. Petite déjà, elle n'avait jamais aucun problème à engager la conversation avec des inconnus. Cela lui était relativement facile et son estime d'elle-même avait toujours été assez haute pour qu'elle estime ne pas à avoir honte de ce qu'elle pourrait dire ou faire. Après tout, elle avait été élevée pour évoluer dans la haute société sorcière et en connaissait les codes sur le bout des doigts. Et puis elle était jolie, loin d'être stupide: aucune raison de se sentir embarrassée d'elle-même, au contraire.

- Je vais aller vérifier tout ça. Si vous voulez bien me suivre ...

La jeune femme répondit avec chaleur au sourire de l'employé et marcha à sa suite jusqu'au comptoir. Elle le regarda chercher son nom dans un registre, et déposa son sac à main sur le comptoir.

- Nous avons en effet reçu votre ouvrage mademoiselle Fawley. Attendez-moi ici, je vais vous le chercher immédiatement.

Rosalind acquiesça et laissa son regard vagabonder sur les étalages de la boutique. Une fois encore, elle considéra le présentoir qui mettait en valeur les nouvelles publications mis en vente à Fleury & Bott. Elle se demandait si un jour, un de ses livres s'y trouverait aussi. Peut-être que si elle achevait la traduction de son roman, un éditeur anglais pourrait s'y intéresser? Elle n'eut pas le temps d'y songer d'avantage, déjà le libraire revenait avec un volumineux ouvrage.

- Le voici.

- Oh! Merci, dit-elle en se saisissant du livre. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si... massif.

"Et lourd!", pensa-t-elle en soupesant sa nouvelle acquisition. Elle eut un petit soupir en songeant aux heures d'études qui l'attendaient.

- Sans vouloir paraître indiscret, vous faites des recherches sur les peuples antiques ?

- Pas exactement, répondit la jeune femme de bonne grâce.Je travaille sur... c'est un peu long à expliquer, mais disons que je m'intéresse aux tout débuts de l'alchimie et à la manière dont les Sorciers du haut Moyen-Âge s'échangeaient leurs découvertes en la matière. Je voudrais écrire un essai à ce sujet.. et j'avais besoin de cet ouvrage pour éclaircir la signification de certaines runes celtes. Ou du moins l'évolution de leur dessin dans le temps. Voilà, vous savez tout, ou presque, conclua-t-elle d'une voix enjouée.

Alors qu'elle souriait au vendeur, une idée naquit dans son esprit. Depuis qu'elle était rentrée, elle n'avait pas pris le temps de se renseigner au sujet des éditeurs anglais, mais peut-être que ce Sorcier pourrait lui fournir quelques informations utiles.

- D'aileurs, peut-être que vous pourrez me dire, Fleury & Bott éditent toujours une partie des ouvrages de la boutique? Est-ce que vous savez à qui je pourrais m'adresser pour soumettre mes travaux? Ou à qui je pourrais envoyer un manuscrit?

- Et bien ça me parait très intéressant comme recherches, même si je suis loin d'être un expert en la matière.

Rosalind réprima un sourire amusé en voyant les joues du libraire prendre une teinte écarlate. Était-ce un trait caractéristique de sa personne? Ou était-ce elle qui l'intimidait? Elle en avait croisé des timides mais ce Sorcier là semblait un cas d'école. Il devait lui falloir pas mal de volonté pour travailler comme vendeur dans cette librairie si fréquentée.

- Oui nous avons encore notre partie édition. Je pourrais vous communiquer les conditions d'éditions par hiboux si vous le souhaitez. Et envoyez vos manuscrits directement au magasin, mon patron s'occupera du reste.

Décidément, elle avait bien fait de se lever ce matin! La perspective de pouvoir faire éditer un de ses travaux lui donna immédiatement un second souffle. La rouquine se sentait si empêtrée dans ses études ces jours derniers qu'elle avait du mal à y voir clair. Devoir envoyer un manuscrit et négocier un éventuel contrat d'édition lui donnait un objectif dont elle avait manqué.

- Je pourrais lui glisser un mot gentil sur vous, si vous voulez.

Elle fit son plus charmant sourire à l'intention du vendeur. Si ce dernier pouvait lui faciliter la tâche en la recommandant à son patron, c'était un coup de pouce à ne pas négliger.

- Mais de toute façon, il n'est pas bien difficile, il publie à peu près tous les manuscrits que nous recevons. Je ne sous-entends pas du tout que le votre sera mauvais loin de là, je suis sûre que vous êtes une très bonne écrivaine.

Le sourire de Rosalind avait quitté son visage, laissant place à une expression circonspecte. En à peine cinq secondes, le libraire avait complètement décrédibilisé la ligne d'édition de Fleury & Bott. Puis avait voulu corriger le tir en flattant les talents supposés de Rosalind. Elle considéra un moment le feu brûlant aux joues de son interlocuteur, qui visiblement conscient de sa série de gaffes, semblait vouloir disparaître dans un quelconque royaume souterrain.

- Ah... Merci de votre... soutien, commença-t-elle, peu sûre de la façon de poursuivre cette conversation. Si vous pouvez m'envoyer les conditions d'édition par hibou, vous me rendriez un grand service. Vous devriez avoir mon nom et mon adresse dans votre registre, je crois! Merci beaucoup, Monsieur, acheva-t-elle en saluant aimablement le libraire.

Une fois dans la rue, son nouveau et lourd grimoire entre les bras, Rosalind songeait à ce qu'elle pourrait envoyer à Fleury & Bott. Elle voulait faire publier "Oblio", et pour cela, il lui faudrait avancer considérablement la traduction. Une petite pause salutaire dans ses recherches et une plongée dans ses amours premières: l'écriture de roman.

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