Comme chaque matin, j'étais arrivé tôt au travail. Aucun problème de ponctualité pour moi, depuis là fin de la guerre j'étais quelqu'un de très sérieux. J'étais voué à mon travail corps et âme. Peut-être était-ce pour moi un moyen de songer à autre chose qu'à tous les malheurs qui nous accablaient dans ce monde ?
A ce propos, dans les membres du département de la justice magique, nous avions récemment connu une perte. Sélène Gaunt, une tireuse d'élite, avait disparu. Je la connaissais plus ou moins, mais étant assez solitaire, je n'ai jamais cherché à la connaître plus personnellement. Il ne m'avait tout de même pas échappé la fois où elle avait un jour mentionné sa relation avec une sorcière du nom de Greengrass. Elle lui avait confié pour je ne sais quelle raison, des informations que je considère comme purement confidentielles, au sujet de la plus grande affaire qui touche actuellement la Grande Bretagne : l'affaire Gustav G. Pourquoi avait-elle fait ça ? Cela était resté un mystère pour moi, même si ça m'avait grandement mis en colère. La plupart de mes collègues n'avaient pas pris ce détail autant à cœur que moi, pourquoi ? Car ils ne se rendaient tout bonnement pas compte ! La sorcière mise en relation était une Greengrass. Une Greengrass ! Encore une de ces fichues sorcières de bonne famille, qui avait forcément atterri à Serpentard. Et on sait tous où ils ont finit les Serpentard...
J'avais été bien remonté contre Gaunt, ce jour là. En plus, une Gaunt quoi... Encore une raison pour favoriser ma colère. Cela étant, après sa disparition subite, j'avais du me plonger dans les recherches. Où était-elle ? Que faisait-elle ? Etait-elle partie de son plein gré ou lui était-il arrivé quelque chose ? Malgré mon mépris pour sa famille, je ne pouvais nier le fait qu'elle était ma collègue et qu'elle n'avait jamais commis de tort à notre société. Il était de mon devoir de l'aider et je ne pouvais écarter aucune piste. Le souvenir de la Greengrass m'était revenu à l'esprit et je l'avais alors immédiatement contactée. Quelle n'avait pas été ma surprise en découvrant qu'il s'agissait d'Héra ? En effet, après quelques recherches, les souvenirs m'étaient revenus. Héra Greengrass avait combattu à mes côtés durant la guerre, dans le camp de l'Ordre. Il n'empêche qu'elle avait été mangemort, mais à l'époque, je pardonnais les choses bien trop vite, et appréciais sans réellement connaître. A présent, il en était tout autre. Héra avait rendez-vous avec moi ce matin même, et je ne comptais pas la jouer sur les sentiments et m'attarder sur notre passé commun. Ce qui était fait était fait, désormais, il fallait aller de l'avant.
Potter était parti en mission, j'avais donc le bureau pour moi seul aujourd'hui. J'étais entrain de régler quelques papiers, quand on toqua à la porte.

- Entrez, criais-je avec autorité.

Je ne redressai même pas la tête pour saluer la nouvelle venue et terminai la lecture de ma feuille.

- Venez vous asseoir ici, ordonnais-je à la sorcière.

Je n'agissais pas ainsi pour la brusquer ou quoi que ce soit d'autre. J'étais juste moi. Félix Harrington. Je voulais faire mon travail et peu importait ce que ça pouvait faire aux autres, que je leur plaise ou non. Greengrass était ici pour m'aider à avancer dans mon enquête et je n'avais pas de temps à perdre. Après avoir griffonné quelques mots sur la feuille que je lisais, je relevai enfin la tête vers mon interlocutrice. C'était drôlement étrange de la revoir après tant de temps. Nous n'avions jamais été très proches, mais nous nous croisions souvent à l'époque. Une fois la guerre terminée, j'avais quitté tout le monde sans demander mon reste. Je n'ai pas la moindre idée de ce qui est arrivé aux autres et vivais dans l'état d'esprit qu'ils étaient tous morts. Héra était la première à venir controverser ma thèse. Mais je demeurais tout de même impassible. Pas de temps à perdre avec les émotions.

Malgré ma demande, la sorcière ne s'assit pas immédiatement. Elle s'était mise à analyser les moindres détails de mon visage, comme si elle cherchait à se souvenir de quelque chose. Oh, je voyais très bien ce qui allait arriver...

- Félix ! S'exclama-t-elle alors avec surprise.

J'arquai un sourcil sans pour autant changer la neutralité de mon regard. Ainsi donc, elle ne s'attendait pas à se retrouver face à moi en débarquant ici. Etais-je réellement le seul à toujours prendre la précaution de me renseigner sur les gens avant de les rencontrer ?

- Je n'avais pas fait le rapprochement avec la signature de ton courrier.

Il semblerait que oui...

- Si j'ai bien compris, je pourrais t'aider à propos de Sélène, c'est ça ?

Je fus considérablement soulagé de voir qu'elle ne comptait pas s'éterniser sur notre ancienne « relation ». Parfait ! ça facilitait les choses. Nous étions maintenant assis l'un en face de l'autre, séparés par mon bureau : d'excellentes conditions pour travailler efficacement.

- C'est exact, affirmai-je avec tout mon sérieux. Cela fait plusieurs semaines que nous n'avons plus la moindre nouvelle d'elle.

Je marquai une pause. Jusqu'à présent, le fait qu'elle m'ait tutoyé dès le début ne m'avait pas paru étrange, mais maintenant que je m'apprêtais à le faire en retour, ça le devenait. Au travail, j'avais l'habitude de vouvoyer tout le monde. Ne parlant plus à aucun de mes anciens camarades, je n'avais jamais été exposé à cette situation. Cet entretien avec Héra n'était finalement pas des plus simples, niveau relationnel. Mais j'allais bien devoir m'y faire, alors je repris :

- Elle avait mentionné ton nom un jour... Je sais que vous vous êtes vues, ce que j'aimerais savoir, c'est dans quel but et ce qu'il en est advenu.

J'omettais volontairement le fait que j'étais au courant de ses connaissances dans la partie de l'affaire Gustav G mêlée à Sélène. J'avais bien envie de connaître sa version, pour savoir si elle mentirait ou non. Héra et moi avions certes été du même camp autrefois, je n'oubliais pas qu'avant de nous rejoindre, elle avait aussi été mangemort. Selon moi, sa rédemption ne faisait pas disparaître la marque cachée sous sa manche : la preuve même de ses actes passés.

Héra ne me répondit pas immédiatement mais je n'insistai pas. Qu'elle réfléchisse donc à la manière dont elle allait m'annoncer les choses, je connaissais déjà la vérité.

- Elle faisait des recherches sur Gustav, répondit la brune, sur son identité. Quelqu'un lui avait donné une lettre anonyme. 

Et c'était tout ? Voilà là une bien maigre réponse. Néanmoins, je pus constater qu'elle disait la vérité... Le fait qu'elle soit en connaissance de l'existence de cette lettre m'énerva tout de même grandement.  J'étais d'avis que les affaires du Ministère ne la concernaient en rien, et le fait que Gaunt lui en ait parlé me mettait toujours en rogne. Je devais cependant contrôler du mieux mes émotions et conserver mon calme. Je n'avais rien à lui reprocher, toute ma colère était dirigée vers Sélène. Cependant, elle ne m'apprenait rien de plus pour le moment. Il fallait que je creuse un peu pour avoir plus d'informations, elle ne pouvait être ici pour ne me révéler que ça. J'étais persuadé que je pouvais en savoir plus, tout ça ne pouvait être une perte de temps. J'en étais convaincu.

- Hmm.. Oui c'est vrai, répondis-je avant d'entrer en profonde réflexion.

J'avais une copie de la lettre en ma possession mais n'étais pas sûr de la lui montrer. La main sur la poignée de mon tiroir, je méditais le plus efficacement que je pouvais pour finalement l'ouvrir et en sortir la copie. Après tout, Sélène lui en avait déjà parlé.

- J'ai justement là une copie de la lettre en question. Nous ne savons toujours pas qui la lui a envoyé, mais une équipe est allée fouiller la librairie et aucun livre comme il l'a été mentionné dans cette lettre n'a été trouvé. C'était donc des informations erronées.

Même si elle était faible, la pointe de colère qui avait accompagné la fin de mes paroles avait pu être saisie par la journaliste. En effet, le fait que l'on ait perdu du temps à se lancer dans une piste qui ne nous menait à rien m'agaçait beaucoup. L'impression de continuellement stagner me collait à la peau. Nous n'avancions jamais et revenions toujours à la case départ. Héra était une nouvelle occasion pour moi d'obtenir des informations, mais sûrement que comme les fois précédentes, cela ne mènerait à rien. Même si j'étais officiellement chargé de l'affaire de Sélène, cela ne m'empêchait pas d'enquêter d'avantage sur Gustav G. Après tout, les deux affaires étaient peut-être liées ? Et si Gaunt avait reçu une nouvelle lettre et qu'elle l'avait suivie, ce qui expliquerait ainsi sa disparition ? Une nouvelle lettre liée une fois encore à notre ennemi du Nord ? Il fallait vraiment être stupide pour ne pas se renseigner avant de se lancer...

- Si tu sais quoi que ce soit de plus, j'aimerais que tu m'en parles. C'est le moment ou jamais.

J'espérais vraiment qu'elle aurait autre chose à me révéler, ça pouvait s'entendre dans la fermeté de ma voix. Comme si je lui ordonnais de m'avouer quelque chose même si elle n'en savait rien. J'en avais assez de vivre dans l'ignorance, de creuser indéfiniment sans trouver la moindre pépite. J'avais besoin de concret, de quelque chose à suivre. Héra pouvait être une nouvelle piste ; sa réponse en marquerait le commencement, tout comme elle pourrait marquer sa fin.

- Et bien, contrairement à vous nous avons pensé à interroger le libraire. Le livre a été vendu il y a de ça plusieurs années déjà, mais quand Sélène était encore là, nous remontions une piste qui menait jusqu'à lui.

Ma mâchoire se contracta instantanément suite à ses paroles. Comment cela, les membres de la brigade n'avaient pas interrogé le libraire ? C'était stupide ! Et pourtant, ça se pouvait bien... Cette pensée n'arrangea pas mon agacement qu'avaient déjà provoqué les mots de la sorcière, mais je fis en sorte de passer outre. Visiblement, elle en savait d'avantage et je ne voulais pas lui passer l'envie de m'en dire plus.

- J'ai gardé une trace de chacune de nos actions, je note pas mal de choses.

Bien, voilà qui était intéressant. J'avais hâte de savoir. Je sortais déjà une plume et un bout de parchemin pour noter ce qu'elle allait me divulguer.

- Tout est chez moi. 

- QUOI ?! M'exclamais-je d'une voix forte en relevant brusquement la tête de mon tiroir.

Voilà qui était faramineux ! Déjà, elle aurait totalement pu penser à venir livrer ses informations plus tôt, mais passons, elle n'était pas forcément au courant de la disparition de Sélène. Mais voilà que maintenant en connaissance de cause et alors qu'elle en avait l'occasion, elle laissait tout chez elle ! Mais quelle excellente manière de travailler efficacement Miss Greengrass !

- T'as même pas pensé à venir avec !? M'écriais-je comme pour confirmer que ce n'était pas une mauvaise blague. Tu te fiches de moi ?!

Qu'elle me parle encore de penser à interroger le libraire tiens ! Elle qui ne pensait pas non plus au plus important ! Malheureusement, ma question n'en était pas vraiment une, et connaissant la réponse, je me passai la main sur le visage pour me calmer. J'étais furax, c'était un fait, mais mieux valait pour moi que je ne le montre pas d'avantage et que j'arrête de lui hurler dessus si je voulais qu'elle coopère. Mes talents de métamorphomage avaient l'avantage de m'aider à changer rapidement d'expression et j'avais donc déjà repris un visage neutre. Cela pouvait être troublant pour certains, même si ça m'aidait beaucoup.

- Tu te souviens de deux trois choses que tu pourrais me faire partager ? Demandais-je le plus calmement possible, même si je grondais encore de colère.

Je reprenais ma plume en main afin de garder mon air des plus sérieux. J'avais toujours été quelqu'un d'impulsif, mais les choses s'étaient aggravées durant la guerre. M'être isolé de toute relation sociale n'avait rien amélioré non plus. Néanmoins, pouvoir montrer en apparence un état totalement opposé à celui dans le quel j'étais psychologiquement était un véritable atout. Ainsi, Héra pouvait supposer que la tempête n'avait duré que quelques secondes, pourtant, elle ne cessait jamais.

Une fois encore, la sorcière soupira. Qu'elle ose donc me dire que je l'agaçais, il ne manquerait que ça... Pourtant lorsqu'elle reprit la parole, il en fut tout autre :
 
- En quoi ce que je pourrais vous dire à ce propos pourrait-il t'aider à retrouver Sélène ? N'est-ce donc pas pour ça que tu m'as convoquée ?

Je n'eus que le temps de soupirer avant qu'elle ne reprenne :

- Si ce n'est pas la véritable raison de ma présence, autant me la donner sans hypocrisie et on ira beaucoup plus vite.

Sans hypocrisie ? Vraiment ? C'était donc cela qu'elle pensait ? Je sentais à nouveau ma mâchoire se contracter, mais tentai cette fois de me contenir. Elle voulait des explications ? Eh bien soit. Aprèstout, puisqu'elle n'était pas capable de faire le lien seule...

- Je n'ai aucune raison de me montrer hypocrite. Je suis chargé personnellement de l'affaire de Sélène, mais je reste avant tout auror, je ne dois donc pas oublier la menace du nord qui nous concerne tous. Il se trouve que la disparition de Sélène pourrait justement être liée à Gustav G. C'est pour ça que j'aimerai connaître les détails de votre enquête, pour essayer de trouver de nouvelles pistes et ainsi aller beaucoup plus vite.

Je n'étais pas sûr d'avoir été assez clair dans mes explications. Dans le doute, je préférai approfondir un peu mon idée :

- Si comme tu l'affirmes, la lettre qu'a reçue Sélène était vraie, il se peut qu'elle en ait reçu d'autres. D'autres dont nous n'étions pas au courant et qui auraient pu la pousser à agir de manière irréfléchie. Avoir accès à vos recherches m'aiderait peut-être à découvrir l'identité de l'émissaire et ainsi, remonter jusqu'à elle.

Je n'avais rien à cacher, si ce n'est les informations confidentielles du Ministère, et assumait toujours tous mes actes. L'entendre me parler d'hypocrisie était bien ironique. Je lui aurai bien répondu qu'après tout, les affaires du Ministère ne la regardaient en rien et que ce n'était pas à moi de me justifier, seulement je savais qu'en agissant ainsi nous n'avancerions jamais. Lui révéler un peu plus d'informations sur mes plans pouvait être risquer, mais le prix en valait sûrement la chandelle. Je tentai donc une dernière fois :

- Alors ? Prête à coopérer ?