Olalalaaa j'étais toute excitée ! J'avais matché avec un gars sur WizCo date et, franchement, vu ses photos, je m'attendais à rejoindre un canon un peu extrême sur les bords. Les tatouages et la petite barbe de deux/trois jours, moi, ça me parle bien ! Du coup je m'étais pomponnée vite fait bien fait, point trop n'en faut, un peu de rose sur mes joues, un peu de bouffant à mes cheveux, une jupette volante au gré du vent et mes précieuses petites bottines qui me mènent toujours là où l'action déchaîne les passions. J'étais parée ! Direction: les Trois Balais.

C'était la première fois que je testais l'appli et y'avait comme un feeling nouveau. D'habitude je me contentais de parler aux mecs dans les bars et on avisait de la suite selon l'entente, mais là y'avait tout à découvrir, un peu comme un rendez-vous à l'aveugle quoi. Je trouvais ça plutôt cool ! Et puis ce Otello, avec son nom mystique là, il me séduisait déjà. Je me faisais tout un film. J'espérais qu'il aurait des yeux sombres, une voix un peu rauque, fumeur d'Horus, évidemment, et pourquoi pas quelques vibes dangereuses pour me faire frissonner ? Qu'on s'éclipse en boîte pour foutre le dawa dans le carré vip sans y avoir été invités, qu'on se fasse passer pour d'autres pour se rire des gosses de riche un peu trop confiants... Ouais, j'allais loin dans mes pronostics ! J'avais envie d'aventures, de mouvement, de passion ! Alors après, le mec je ne le connaissais pas et j'en avais parfaitement conscience. Ca ne m'empêchait pas de rêver un peu ! Parce que ces derniers temps, j'étais pas tombée sur des flèches. Enfin c'était pas la folie quoi. Plutôt barbant, même. Je m'ennuyais, et ça faisait longtemps que j'étais pas tombée sur un sauvageon pour accaparer mon attention plus de cinq minutes, alors ma curiosité ne demandait qu'à être assouvie !

J'étais arrivées aux Trois Balais un peu en avance mais c'était carrément volontaire. Je voulais saluer le serveur avant, lui faire les yeux doux et siroter un bon rhum groseille à l'oeil en attendant l'arrivée de mon homme mystère. Un peu d'alcool me rendrait encore plus spontanée avant même de commencer, c'était totalement approprié. Alors j'étais au comptoir, à moitié assise sur un grand tabouret avec un pied toujours au sol, sirotant mon breuvage rose en zyeutant gaiement la porte d'entrée. Est-ce que je le reconnaîtrais rien qu'en m'appuyant sur ses photos ou je tomberais en liquéfaction devant l'arnaque du siècle ? Mystère, mystère !

Mon RDV mystère était arrivé à un moment où je ne regardais pas vers l'entrée alors que j'étais occupée à siroter la fin de mon cocktail de choc à la paille.

- Salut, tu dois être Vega, me lança le jeune homme en me forçant à regarder dans sa direction avec de grands yeux ronds, toujours avec la paille au bec. Moi c'est Otello. Je vais prendre ce qu'elle boit, en deux fois, rajouta-t-il au serveur avant de se tourner de nouveau vers moi, je t'offre le deuxième verre.

J'avais bêtement hoché la tête à retardement pour confirmer sa première déduction et... Oh. My. God. Pour un peu je m'en serais décroché la mâchoire. Il était... Waouh ! D'une beauté dévastatrice, supérieure et dangereuse. J'étais déja conquise !

- Merci Otello ! répondis-je en un grand sourire comme pour sceller les présentations.

Il sentait le tabac froid, une odeur qui me rassurait étrangement.

- Alors, pas trop déçu ? lançai-je d'un air malicieux en m'autodésignant d'un signe de la main. En tout cas en ce qui te concerne je dois avouer que tes photos ne te rendent pas du tout justice.

Je n'avais aucunement l'intention de cacher que je le trouvais à tomber. Franchement, il l'était ! Il faisait en effet plus jeune que les hommes de mon âge mais ça le rendait plus intrépide dans mon imagination, alors je ne m'en formalisais pas du tout.

- C'est la première fois que tu utilises l'application toi aussi ?

J'essayais de savoir si c'était un abonné des coups d'un soir numériques ou si, comme moi, il en était à son coup d'essai, pour voir. Sans doute qu'il noterait mon accent hispanique, tiens ! J'espérais que cette petite touche d'exotisme lui plairait. Après tout, certains pouvaient en être effrayés... L'inconnu séduit autant qu'il induit la méfiance, je ne le savais que trop bien.

- Merci ma belle.

"Ma belle", je rougissais presque !

- Et pour le coup je suis absolument pas déçu, aussi belle en vrai que sur ton profil. Par contre, on dirait que tu t'es trompée sur ton âge, j'ai du mal à croire que t'as 31 ans.

- Presque 31, m'empressai-je de corriger avec l'index pointé vers le ciel.

Fallait pas qu'il me vieillisse non plus ! C'était un peu maladroit de sa part, après tout 30 ans ce n'est pas vieux et la vieillesse c'est dans la tête, mais sa remarque partait d'une bonne intention pour me complimenter et c'est tout ce que je voyais. Je trouvais ça même plutôt mignon ! Je penchai la tête sur le côté en offrant mon plus grand sourire séducteur en guide de "merci !". Et lorsqu'il répondit à ma question sur son assiduité à utiliser l'application, il marqua des points en affirmant que c'était sa première tentative.

- Oui, d'habitude je préfère le contact humain. Mais vu que je viens de déménager à Londres, je connais pas trop encore les bons endroits pour faire la fête. J'ai besoin d'une guide.

Ah ! Un aventurier comme moi !

- Tu n'aurais pas pu mieux tomber Otello, dis-je d'un ton légèrement cachotier. Je connais Londres comme ma poche ! Je te montrerai tous les bons coins si t'as de l'énergie à revendre.

J'avais ponctué cette dernière taquinerie d'un petit coup de coude tout en sirotant mon rhum groseille.

- J'ai vu que t'es espagnole sur ton profil, j'y suis jamais allé mais ça à l'air magnifique. T'as étudié à Poudlard du coup ? Je sais pas vraiment comment marchent les écoles de magie en Europe.

- Oui ! T'as du flair l'Espagne c'est vraiment magnifique ! Je ne te connais pas mais j'ai l'impression que tu aimerais ! C'est chaleureux, festif, on a le verbe haut, y'a pas cette pudeur polie et un peu hypocrite qu'on trouve en Angleterre. C'est la maison quoi, parfois ça me manque un peu, dis-je en devenant un tantinet nostalgique, sentiment que je balayai d'un haussement d'épaules enthousiaste pour poursuivre. En fait je n'ai jamais été à Poudlard ! J'ai dû aller à l'école la plus proche de chez moi et c'était en France... La galère ! Je parlais même pas la langue mais y'avait toute une communauté espagnole et des cours dans ma langue au début pour les expat' comme moi. En dehors des cours de société barbants c'était pas si mal... Beauxbâtons c'est vraiment une école qui forme des petites fées propres sur elles et moi j'étais plutôt du genre à troller le prof quand il avait le dos tourné, tu vois.

Je ponctuai ma tirade d'un petit rire coquin.

- Enfin le point positif c'est que maintenant "je parle un petit peu français", dis-je dans la langue de Molière en terminant par un clin d'oeil. Et toi ? Si tu es Canadien j'imagine que tu as été à Ilvermorny ? Dis, c'était comment ?

J'avais entendu tout un tas d'histoires sur cette école et ça occasionnait toujours quelques étincelles dans mes yeux. Après tout elle était réputée pour être l'une des écoles de magie les plus égalitaires et les moins élitistes au monde, même que l'un de ses fondateurs était un moldu ! Trop la classe ! Rien à voir avec l'esprit guindé de Beauxbâtons...

- Et t'étais quel genre d'élève, toi ? l'interrogeai-je un peu charmeuse.

Mon petit doigt me disait qu'il était plus du genre 400 coups, comme moi, mais je pouvais me tromper...

Je pouvais clairement entendre que son français était nettement meilleur que le miens ! En même temps c'est normal si tout un bled de son pays le parle. Quand j'ai mis les études sur le tapis, j'ai senti un peu d'embarras chez mon interlocuteur.

- C'est un peu compliqué. J'ai grandi dans une maison un peu spéciale et pendant des années mon père à déchiré les lettres d'Ilvermony.

J'écoutais d'une oreille attentive en faisant de grands yeux. Comment ? Déchiré ses lettres ? Mais, pourquoi ? Son père ne devait pas être un type sympa... Je n'avais pas l'intention de le relancer à ce sujet mais c'était facile de deviner que, derrière tout ça, il y avait quelque chose de pas net, peut-être même douloureux.

- J'ai découvert mes pouvoirs très tard, quand j'avais 16 ans, poursuivit-il alors que je ponctuai d'un "Ah !". Du coup je suis entré en sixième année. Ma scolarité à Ilvermony a été très rapide, j'en ai pas trop profité, j'ai beaucoup étudié pour essayer de rattraper mes cinq ans de retard mais forcément j'avais des mauvais résultats. Mais quand j'étais au lycée à Regina, ma ville, je faisais que des conneries. Je pense que l'administration a été soulagée de me voir partir.

Je laissai échapper un rire, comme si j'avais trouvé un complice.

- Boh je ne peux pas juger ! J'ai passé toutes ma scolarité dans le monde magique et je suis sûre que si on compare nos bulletins, je vole pas plus haut que toi ! Et je pense que madame Maxime est ravie de ne plus avoir à me croiser...

Pas une seconde je ne pensai à souligner que madame Maxime était la directrice de l'école, mais il comprendrait certainement que c'était quelqu'un de l'administration.

Le temps passait, tout comme le bon feeling, et je commençais à avoir la bougeotte. Comme si le gars lisait dans mes pensées, il lança:

- Ça te dit de bouger en boite ? J'ai hâte de voir comment sont les boites londoniennes.

Les affaires sérieuses s'imposaient, si bien que j'arborai une mine empreinte de malice et de défi.

- J'attendais que tu le suggères pour passer à l'action.

Mon sourire devait sûrement être engageant, je savais exactement où aller ! Le Smart Veela n'était pas LA meilleure boîte, en fait ça dépendait des soirées, mais au moins c'était une valeur sûre. Qu'est-ce qu'ils auraient ce soir ? Un DJ ou un groupe de musique ? Je l'ignorais mais ce serait la surprise !

- GO ! dis-je en me levant pour lancer les hostilités. C'est pas très loin !

Je l'aimais bien ce petit Otello, il était à croquer et il avait l'air de savoir s'amuser. Je voulais quand même l'encourager un peu alors, en chemin, je sortis une bouteille de vin de mon sac. Surprise !

- Hé, t'en veux un coup ? Je l'ai chipée au bar quand le serveur avait le dos tourné, me vantai-je en riant.

C'était pas un whisky pur feu mais aucune raison de se plaindre de pouvoir boire à l'oeil. J'espérais qu'il ne s'offusquerait pas avec de grands discours sur l'honnêteté et tout le tintouin, j'avais juste envie de légèreté et, franchement, c'était pas une bouteille de vin à trois noises qui contraindrait les Trois Balais à mettre la clef sous la porte !