Bio : Omnisciente et secrète, la pensine voit tout. Elle sait tout. mais elle ne juge pas. C'est tes souvenirs qu'elle renferme et, par dessus tout, notre histoire.
J’aimerais commencer ma lettre par « Papa », mais cela fait tellement longtemps que je ne t’ai pas appelé ainsi que je ne suis pas même sûre que tu en comprennes le sens. A vrai dire, j’ignore ce que j’y associe moi-même, quelle est sa signification réelle. Qu’importe après tout, cela ne change guère la raison de cette lettre, seul support pour te parler vraiment. Dans quelques jours sera l’anniversaire d’Hoshiyo, tu ne le sais n’est-ce pas ? C’est aujourd’hui l’anniversaire de mort de maman, cela au moins je suis certaine que tu ne l’as pas oublié. Te souviens-tu de ce jour où ton absence nous a tous brisé, où t’es toi-même mutilé en n’étant pas où tu aurais dû l’être ? Tu travaillais, encore, toujours. Et cette fois, que vas-tu faire ? Délaisseras-tu encore ta fille, prétextant être occupé quand bien même tu ne l’es pas ? Oui, je sais que tu mens, souvent, à ce sujet. Je t’ai aperçu devant la plaque mortuaire, l’an dernier, mais alors que je pensais que tu rentrerais embrasser tes enfants, tu as fui. Tu as fui comme tu as toujours fui, toute ta vie. Non pas tes responsabilités professionnelles, mais celles personnelles. Tu as fui à nos naissances, tu as fui au décès de ta femme, tu as fui notre éducation, notre jeunesse, tu as fui nos rires et nos pleurs, nos vies toutes entières. Mais pourquoi te bats-tu avec tant d’acharnement ? Pourquoi, et pour quoi ? Ton propre plaisir, celui, égoïste, de partir à la chasse à l’homme ? Ton pays et tes pairs ? Nous ? Ne peux-tu pas au moins, ne serait-ce qu’une seule fois, nous parler, t’expliquer ? Je ne me souviens pas du dernier véritable instant à tes côtés, où tu nous aurais parlé simplement, où l’on aurait plaisanté ou se serait disputé. Tu nous mets tous en danger, pourtant jamais tu n’as seulement eu l’honnêteté de t’ouvrir à nous. Je sais, j’ai compris depuis longtemps et je suis sûre qu’Hoshiyo aussi, que tu refuses de célébrer l’évènement à l’origine de la mort de maman. Mais ce n’est pas de sa faute, jamais elle n’a demandé à naître. En revanche, qui fut l’époux délaissant son épouse en fin d’une grossesse difficile, qui est le sorcier qui par son absence a laissé agoniser sa femme quand il aurait pu la sauver ? Qui a choisi de travailler quand il aurait pu demeurer à ses côtés ? Plutôt que de blesser ta fille, de lui en vouloir – consciemment ou non – pour ce qui n’est pas de sa faute, détestes toi, si tu as tant besoin d’en vouloir à quelqu’un. Mais cesse d’être si égoïste. Je sais que toutes tes raisons ne sont pas mauvaises, que ta colère est légitime. Peut-être même culpabilises-tu, que tu as besoin d’exorciser tes démons au travers de ton travail. Mais à vrai dire, je me moque de tes excuses, parce que tu t’es aussi engagé à être un père, il y a longtemps. Parce que ta petite fille est devenue grande sans jamais que tu ne lui ai jamais dit de vive voix « bon anniversaire ». Parce que tu n’as pas à la punir pour ce qui n’est pas de sa responsabilité. Je ne te demande pas ton avis, pas un service, je n’attends pas même de réponse de ta part à ce message : mais parce que c’est ton devoir, sois présent pour l’anniversaire d’Hoshiyo, et sois vraiment là pour elle au moins pour cette fois, Papa. Sois là ou ne prétends jamais plus être père. Je le réalise maintenant : si, parce que je ne sais qu’associer à ce mot, cela change tout. Car si ce n’était pas le cas, tu serais présent. Si ce n’était pas le cas, ce message ne serait pas.