À l'heure du thé

» Jeu 29 Nov 2018 - 0:33

À l'heure du thé

Les sang-purs & Gemma

Les gens alentours l'ennuyaient et elle ne souhaitait pas perdre son temps avec eux. Ce qu'ils pouvaient être pénibles à piailler de la sorte. Débiter futilité sur futilité semblait les passionner tandis qu'ils assommaient Gemma. Elle l'avait su avant de s'y rendre, pourtant, qu'accepter les invitations à dîner de ses grands-parents n'était jamais une grande idée. Eux étaient tolérables mais il en était rarement de même pour les autres convives. Toujours d'autres familles de sang-pur, toujours différentes, toujours aussi insipides. Souvent, il y avait au moins un sorcier de son âge dans le lot. Elle soupçonnait - et c'était là alléger le degré de ses suppositions – qu'ils cherchaient à lui trouver un prétendant bien né. Les fiançailles arrangées, elle avait déjà donné et ne souhaitait pas réitérer.

Elle se trouvait derrière la fenêtre, observant le domaine à travers le carreau translucide. L'immense parc qui s'étendait autour de la maison était parfaitement entretenu, laissant peu de place à l'expression de la nature. Assez semblable à celui qu'elle avait connu enfant. Quoi-que, celui-ci avait été plus broussailleux et débordants, reflétant un charme plus brut. Elle l'avait toujours préféré sans pouvoir les comparer sur une même période. Les souvenirs qu'il abritait ne la renvoyaient pas aux plus heureux moments de son existence et c'était pourtant là qu'elle avait le plus vécu. Qu'elle s'était construite. La souffrance qu'elle avait rencontré ne l'effrayait plus.

Jetant un regard aux convives toujours attablés, elle porta sa coupe à ses lèvres. C'était l'heure du thé et elle en buvait peu. Elle préférait les délicates bulles de son champagne à leurs infusions tiédasses. Lorsqu'ils avaient sortis tasses et bouilloires, elle en avait profité pour s'échapper. L'ambiance était plus pesante encore qu'à l'habitude. Elle ne connaissait pas véritablement son cousin Arwel, n'avait croisé que quelques fois la vieille-amie de la matrone Avery Héliante mais avait bien trop fréquenté la petite-fille de celle-ci. Peu désireuse de se montrer nostalgique elle s'était contentée d'ignorer Rosalind. Elle n'était plus qu'un visage de son passé.

Dernière édition par Gemma Landre le Mar 7 Mai 2019 - 17:08, édité 1 fois

» Jeu 29 Nov 2018 - 10:23

À l'heure du thé

La famille Avery m'avait, quelques jours plus tôt, sollicité à me rendre dans le domaine familial au travers d'une missive rédigée à la va-vite. Mes apparitions se faisaient rares depuis la chute de Lord Voldemort, d'autant plus lorsqu'il était question de se prélasser dans l'un de leurs divans désuets. Je n'avais non plus guère envie de m’empiffrer de shortbreads toute la sainte journée. Bien que secs et fades, il fallait que je fasse montre d'égards à l'oncle et la tante Avery. Pour en chasser le goût, je m'étais saisi de ma fiasque jusqu'à présent nichée dans le revers de mon veston afin que d'une traite la substance cristalline me brûle l’œsophage et au passage le reste de ces biscuits infâmes. Au même instant je sentais les regards assassins de ma voisine de sofa se poser sur moi, un parent éloigné, sans nul doute. Tout comme moi elle était engoncée dans les coussins rembourrés qui menaçaient à tout instant de l'avaler. Je la gratifiais d'un sourire à pleines dents, inclinant la tête tout en brandissant ma Madeleine de Proust pour trinquer. Sa réaction ne fut pas sans conséquence. Un bruit de bouche et un froncement de sourcils plus tard suffisaient amplement à me noyer dans le malaise.

Sans plus de cérémonie, je m'étais enfin décidé à me lever. Il fallait que je me dégourdisse les jambes. Surplombant la pièce maître de trois bonnes têtes, mon attention fut attirée près des immenses fenêtres qui donnaient sur le parc vide de toute âme. Mes jambes se profilaient d'elles-mêmes dans ce salon plein à craquer de sorciers pompeux. Très vite des cercles commençaient à se former d'ici et là. Une connaissance de mes parents était elle aussi de la partie. Il ne lui fallu d'ailleurs que très peu de temps pour m'agripper l'avant-bras de ses griffes d'harpie mal limées. Elle me pinçait la joue à la façon des vieilles tantes de famille. Elle en avait tout le physique, affublée de son chapeau à plumes. Petite et trapue. Un rire nerveux s'échappa de ma bouche tandis que la vielle femme déclara à la petite assemblée qui nous englobait combien j'étais devenu bel homme et qu'elle languissait de revoir ma pauvre mère. Aussi me demanda-t-elle, plus discrètement certes, quand est-ce qu'elle allait sortir de son trou à rats ? Ce à quoi je lui répondis que je n'en avais pas la moindre idée. Elle eut un sourire cordial et s'en retourna aussitôt aux autres convives.

Alors que je m'extirpais tant bien que mal de la houle de sangs-purs, je finis par tomber nez-à-nez avec une cousine. Que je ne connais pas hormis son prénom. Gemma. Me contentant de lui sourire bêtement. Planté devant elle.

Codage par Libella sur Graphiorum