1984 – Une nouvelle vie

Elle court la gamine, juchée sur ses petites jambes potelées, elle court à perdre haleine, elle les fait hurler à pleins poumons ; il faut dire qu’elles en ont passés des heures à la préparer, à la décrasser, elles ont même eu l’audace de lui mettre une robe. Du haut de ses quatre ans elle ne comprend pas, elle ne comprend pas tout ce remue-ménage, elle ne comprend pas cette obsession pour lui faire enfiler une robe. Il faut dire qu’il n’y a rien de plus embêtant qu’une robe, on ne peut pas bouger comme l’on veut, il faut rester sage assise bien droite, et surtout oublier toute idée de partir cavaler dans les champs avec les moutons ! « Freya ça suffit maintenant ! Regarde-toi tu es couverte de boue ! Tu comptes rester ici jusqu’à ta majorité ?! Que vont penser les Spillane quand ils vont te voir dans cet état !? » un sourire mutin accroché aux lèvres la gamine hausse les épaules tandis que Miss Pinch essayait désespérément de retirer la boue de son visage.
Accrochée au bas de la robe de la directrice de l’orphelinat la gamine les observait, muette elle les dévisageait. La femme avait le visage le plus doux qui lui avait été donné de voir, ses yeux bleus semblaient déborder d’une bonté sans fin, l’homme quant à lui grand lui faisait un peu peur, une grande cicatrice ornait son visage, et des sourcils broussailleux surplombaient ses yeux d’un noir de jais. La jolie blonde s’approcha doucement avant de s’accroupir devant la petite « Bonjour Freya, je m’appelle Hécate, et ce grand ours mal léché Angus », tout en le désignant d’un léger signe de tête « il a l’air un peu rustre comme ça mais je t’assure qu’il était encore plus pressé que moi de venir te rencontrer. » elle approcha sa main et caressa tendrement le visage de l’enfant « Si tu es d’accord, nous aimerions que tu viennes vivre avec nous à Godric’s Hollow, nous avons une petite maison avec un jardin et une boulle de poils que je suis certaine tu adoreras, nous avons même préparé une chambre qui pourra être la tienne ». Les lèvres de Freya se mirent à trembler puis elle ne pu retenir plus longuement les larmes qui lui montaient aux yeux, ce n’était pas des larmes de peur, mais des larmes de joie, ses mains se décrispèrent et elle lâcha la robe de Miss Pinch et se jeta dans les bras de celle qui venait de lui offrir un nouvel avenir.

Septembre 1992 – Entrée à Poudlard

Assise droite comme un i et la boule au ventre la petite brune ne bronche pas, ne cille pas, elle écoute d’une oreille attentive et craintive la décision de ce vieux chapeau rapiécé « Ma foi que voilà une demoiselle au caractère peu délicat… têtue oui très têtue beaucoup trop même, pourtant tu caches en toi une persévérance et une loyauté indéniable… hummm, oui plus de doute maintenant… POUFSOUFFLE ! »

2 mai 1998 – La bataille de Poudlard

Du haut de ses seize ans elle tremble, elle tremble de peur, elle n’est pas couarde non loin de là, mais elle sait ce dont ils sont capables, elle sait qu’ils ne reculeront devant rien. Le prix à payer pour la liberté lui semble lourd, trop lourd, encore combien de morts devra-t-il y avoir ? Encore combien finiront comme elle, seuls ? Combien devra-t-on encore pleurer ?
Des cris lui parviennent de toute part et les sort fusent en tout sens, cet endroit qui encore quelques temps auparavant lui semblait être son second foyer n’était plus que ruine et scènes atroces. Des éclairs ricochent sur les murs ou viennent frapper tour à tour ceux se battant autour d’elle, les larmes montent, ce ne sont que des enfants…  Ses doigts se serrent autour de sa baguette, elle s’y agrippe comme un dernier espoir, de toutes ses forces tel un naufragé s’accrocherait au dernier morceau de son radeau.  
Elle lutte, de toutes ses forces, de toute son âme, elle ne réfléchit plus, les sorts s’enchaînent l’instinct de survie a pris le dessus. Une douleur lancinante lui tira un hurlement alors qu’elle se retrouvait plaquée au sol contre les pierres froides de la cour du clocher. Une odeur de fétide mélangée à celle du sang s’empara d’elle, alors qu’elle essayait de se dégager de cette emprise, des mâchoires se mirent à claquer et se refermèrent sur son épaule qui émit un craquement sinistre lui arrachant un nouveau cri de douleur. Une poupée de chiffon lacérée, voilà ce qu’elle a l’impression d’être, les battements de son cœur raisonnent dans ses tympans, sa respiration se fait de plus en plus en difficile. « EXPULSO ! » ses yeux se voilent peu à peu mais il lui semble entrapercevoir un visage familier avant que le néant ne prenne possession de son être.

Juin 1998 – Première transformation

Le regard dans le vide elle attend, elle attend l’inévitable, elle a peur, peur de ce qu’elle est devenue et ce ne sont pas ces pauvres chaînes à ses poignets et chevilles qui vont la retenir… Elle n’ose plus croiser leur regard. Avant de sortir de la pièce Hécate déposa un baiser sur son front « N’oublies pas qui tu es ma chérie, tu n’es pas un monstre ». Elle a honte depuis qu’elle a compris, elle n’ose plus croiser son propre reflet. Alors que la lune montait peu à peu dans le ciel la douleur monta crescendo, Freya eut bientôt l’impression que ses os la brûlaient de l’intérieur, sa respiration devint haletante, son rythme cardiaque s’accéléra, elle tenta de se concentrer, de lutter contre cette rage qui envahissait son être.  Ses ongles s’enfoncèrent dans le plancher de sa chambre alors que les premiers craquements se firent entendre, ses os se brisèrent en mille morceaux pour à la fin seulement laisser place à la bête qui sommeillait en elle. Elle n’eut jamais connu pire douleur, le gris bleu de ses yeux fit place à une lueur macabre. La bête se mit à hurler, tirer et s’acharner sur les chaînes la maintenant fermement au mur jusqu’à ce que celles-ci cèdent. Une chambre saccagée, un bruit de vitre brisée, une âme torturée, dévorée par une colère et un instinct de chasseur incontrôlables à des miles et miles de celle qui n’était autrefois qu’une enfant.
Au petit matin l'adolescente se réveilla en plein milieu de la forêt loin des siens et couverte de sang qui n'était pas le sien. Tremblante elle porta ses mains devant ses yeux,ne pouvant que trop bien imaginer ce qui c'était passé... Cette nuit là elle a enlevé deux vies; elle était devenue ce même monstre assoiffé de sang que celui qui un mois plus tôt avait foulé le sol de son école et décimé une part des gens qui l'entouraient.

Présent

Malgré ce qu'elle essaye de renvoyer elle tremble, elle tremble du plus profond de son être. Elle a payé le prix fort, elle a déjà trop pleuré les gens qu'elle a aimé, elle a déjà trop perdu, deux guerres... et voilà que les rumeurs se font de plus en plus bruyantes, les choses indéniables. Tout le monde ou presque devient suspect à ses yeux, chaque nouveau cas d'empoisonnement reçu à Sainte Mangouste la font s'interroger, accident ou tentative d'assassinat ? Ça tourne, ça vire, ça rumine dans son esprit. Et son statut qui n'est pas clair, ce sang dont elle ne connaît pas la réelle teneur, pur, mêlé, née-moldue ? Et si c'était elle la prochaine, et si cet homme qui l'avait regardé de travers ce matin lorsqu'elle sortait de chez elle préparait quelque chose ?