|
Depuis que Gabriel avait refait surface dans sa vie, Lou pouvait à nouveau distinguer une flopée de couleurs plus éclatantes les unes que les autres dans le décor de son quotidien. Comment un partenaire, un seul, pouvait avoir une influence si bénéfique sur elle ? Son meilleur ami rendait tout plus facile et plus beau, c'était indéniable, et au fond ce simple état de fait l'exaspérait. C'était une délicieuse faiblesse ! En bonne vieille ex Serdaigle élitiste, Lou aimait faire la savante et toiser les incultes, programme que Gabriel savait réduire à néant par une réplique légère ou un air ahuri. A tous les coups, son exaspération cédait et la louve devenait louveteau. Ses traits se déridaient pour épouser ceux de son espiègle camarade, ça ne ratait jamais... Lui seul avait ce pouvoir et jusqu'à présent, personne d'autre n'avait pu s'en emparer. Un don. Gabriel avait un don avec Lou.
Ce jour-là, la médicomage avait rendez-vous avec l'ancien Poufsouffle au musée des mages et des créatures. Avant d'en arriver là, elle s'était montrée bien curieuse quant à son occupation : magizoologiste. En effet, la miss connaissait beaucoup de choses mais elle pouvait admettre volontiers que les bêtes, ce n'était pas son rayon, et que Truman avait un tas de choses à lui faire découvrir sur ce plan. A 11 heures pétantes donc, la brune était droite comme un piquet dans le hall de l'établissement, prête à cueillir les précieuses informations du magizoologiste le plus concerné de sa génération, selon elle. Seulement, au bout d'une dizaine de minutes elle déchanta. Son visage se faisait plus crispé, son regard lançait des éclairs dans le vide, et elle se mordait frénétiquement l'intérieur des joues pour atténuer son impatience. Lou avait horreur des gens peu ponctuels et Gabriel savait lui rappeler qu'il était... qu'il était Gabriel. A cette pensée vague et irritante, la brune leva les yeux au ciel en manquant de grogner, puis se mit à faire les cent pas nerveusement. Truman ou pas Truman, elle lui passerait un savon ! Après tout, arriver à l'heure ou envoyer un hibou express pour prévenir, c'était pas insurmontable à envisager, si ?!!
11H20. A présent Lou ne sourcillait plus, croisant les bras adossée à un pillier, l'air glacial et assassin. Si un passant avait le malheur de la bousculer, même par accident, elle lui ferait la peau, comme une colère sourde qui ne demande qu'à éclater. C'est alors qu'elle le vit, au loin, arriver comme un troll essoufflé au milieu de la salle.
- Lou ! s'exclama-t-il en courant vers elle. Je suis là !!
Aussitôt, elle décroisa les bras pour serrer les poings, tapa du pied sur le sol comme une maman en colère et, une fois face à lui, le reluqua de tout son ressentiment. Comment pouvait-il avoir aussi peu de considération pour elle ? Etait-ce une façon de traiter une amie ? La faire patienter une plombe et débarquer avec son air innocent ? Comme un enfant qui rejeterai la faute à la vie et ses hasards ? Puis faire un sourire excessivement grand pour calmer son ire ? Parfois elle se demandait si toute cette mise en scène n'était pas un stratagème pour l'adoucir. Non, non, non, et non !! Cette fois ça ne se passerait pas comme ça ! Elle n'avait pas ri en voyant ses gestes exagérés pour signifier sa présence, n'avait pas faibli en savourant la cadence maladroite de son sprint, et ne prêterait certainement pas attention au sourire gêné qu'il arborait présentement...
Oh, un épi, constata-telle dans ses pensées. Elle resta bloquée dessus quelques instants en fronçant les sourcils. Sa dégaine était pour le moins étrange...
- Je suis surtout en retard je crois. Désolé... J'ai eu comme qui dirait un petit raté... Tu ne m'en veux pas trop j'espère ?
Elle allait lui faire sa fête mais cet épi, là, dans ses cheveux, c'était... c'était de trop. Ca avait au moins le mérite de maintenir son esprit occupé. Lou, très maniaque, ne savait que faire de cet amas de cheveux désordonnés face à elle... Elle resta quelques secondes à analyser le phénomène sans dire un mot. Son ami était là, tout chiffon, tout juste s'il n'avait pas la trace de l'oreiller sur la joue, et il venait de poser une question à laquelle il fallait répondre avec panache, comme elle se l'était promis à elle-même quelques instants plus tôt. Mais ces cheveux en pêtard et cet accoutrement débraillé, là, c'était le pompon. Le pompon de trop... Et Lou éclata de rire bien malgré elle, rendant les armes avant même de les avoir dressées.
- AH AH AH AH TRUMAN, t'as passé la nuit avec un troll ?!! Mais enfin, qu'est-ce qui t'es arrivé ?!
Bien que sérieusement concernée par le problème, elle se moquait en pointant sa coiffure élaborée du bout du doigt. Après tout, c'était toujours mieux qu'un sermon ! Et malgré la moquerie, la brune devait se rendre à l'évidence. Gabriel avait gagné, une fois de plus... Résolument, il avait un don...
|