30 juin 1997, dortoir des Serpentard - Etats d'âme oubliés
Souvenir solo
Je ne sais pas très bien pourquoi je prends la peine d'écrire ce parchemin dans le vent, sans destinataire et sans dessein. Je ne fais jamais ça, c'est pas mon genre. Mon père dirait sûrement que c'est un truc de mauviette et il aurait raison, mais je suis pas une mauviette, moi. Il y a des choses qu'il ne comprend pas ou qu'il ne veut pas comprendre. Ca lui échappe, c'est comme ça.
D'habitude, j'écris pas; j'agis parce que c'est ce qu'on attend de moi. Ce qu'il faut penser, je le dis sans me censurer parce que j'estime que je dois montrer la voie aux ignorants. Je connais mes devoirs par coeur et je suis un bon élève. On n'attend pas de moi que je sois effrayé. On n'attend pas de moi que je remette les choses en questions. Alors je ne le fais pas, et ma vie est très bien comme ça.
Je suis envié, méprisé, connu, et étranger. Je suis un élève de cette école qui savait très bien dans quelle maison il finirait, et dans quoi il foutait les pieds. J'y suis bien. J'y suis entouré. Et maintenant j'y suis seul. Je suis ce qu'on attend de moi, et j'en suis heureux. Je sais qui je suis. Je suis ce à quoi on m'a destiné, et je n'ai jamais eu peur de devenir ce qui était prévu que je sois.
Je les contenterai tous. C'est prévu, scellé depuis ma naissance. Je ne connais rien d'autre et je n'ai pas le droit d'envisager autre chose. Parfois, j'ai honte que l'idée me traverse l'esprit, alors j'oublie.
Cette école et ses élèves m'emprisonnent. Eux ne savent pas, moi je sais tout. J'ai une place importante qu'ils n'imaginent même pas. J'ai été choisi, moi. Pas eux. Ca serait ridicule d'abandonner un caractère dans lequel j'excelle et qui me définit depuis toujours. Ca serait contre-nature et totalement absurde.
Je ne suis pas un pantin. Je suis voué à faire de grandes choses et ça a son prix. On me l'a dit. L'excellence s'accompagne de solitude. C'est difficile à accepter pour ceux qui n'ont pas l'ambition ou le talent, et ça l'est aussi pour moi. Voilà d'où vient le poids sur mes épaules. Savoir ce que l'on vaut est la clef pour réussir dans ce monde et j'ai eu de grands modèles. On m'a appris qu'il n'y avait rien de plus important que de connaître sa valeur. Je connais la mienne, et j'en assume pleinement les conséquences: la différence, la pression, et l'incompréhension. Faible lot d'inconvénients en comparaison de mes satisfactions quotidiennes: le respect et la réussite.
Alors pourquoi j'ai peur ? Parfois j'ai la sensation que quelqu'un compresse ma cage thoracique jusqu'à ce que je finisse par étouffer, et j'ai un besoin urgent d'air. Alors je sors dehors et je respire un grand coup à pleins poumons. Ca me calme un temps, quelques minutes, quelques heures, puis ça recommence. Tout repose sur moi et j'ai l'impression d'être pris au piège alors que je suis un privilégié. Ca n'a pas de sens, et ça m'oppresse. Toutes mes certitudes sont remises en cause sans que je puisse le contrôler. C'est au dessus de mes forces.
J'avais qu'une seule chose à faire cette année et j'ai échoué. Ce soir, je me rattrape. Je ne sais plus ce que je fais, pourquoi je le fais, mais je sais pourquoi je dois le faire et ça me suffit. Ca devrait suffire. Toute façon c'est trop tard pour revenir en arrière, et ce n'est pas une option. C'est pas comme si j'en avais envie en plus. De quoi j'ai envie alors ? J'en sais foutrement rien, je me demande même si je l'ai su un jour. Tout a toujours été tracé, naturel, tellement évident, et maintenant tout part en vrille.
Je ne pensais pas que ce serait comme ça. On m'avait pas dit que je lirais la peur dans les yeux de ma mère, ou la panique dans ceux de mon père que je croyais invincible. Je ne parle plus à Pansy, je ne parle plus à Blaise, je ne parle plus à Personne. On m'avait pas prévenu, et maintenant j'ai peur. Sauf que je n'ai pas le droit de le montrer.
J'ai enfin la chance de faire mes preuves, moi, l'autre élu. J'ai attendu cette reconnaissance toute ma vie mais je sens que quelque chose cloche et je n'arrive pas à contrôler ce sentiment. Je ne suis pas serein, et je doute quand ce droit ne m'est pas accordé. Pourtant c'est un fait... Je dois continuer. Et je continuerai. C'est scellé.
Une fois terminé, je lancerai ce parchemin dans l'âtre et j'irai me coucher tout habillé, mon costume noir sous un drap blanc faussement froissé par mes songes nocturnes, puis je me relèverai quand les verts et argents seront assoupis, quand la lune brillera de mille feux, quand Dumbledore sera entre ces murs. J'irai en haut de la tour d'astronomie et j'accomplirai ma mission.
C'est lui ou moi... J'ai pas le choix... J'ai pas le choix.
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