J'étais en pleine enquête qui devenait de plus en plus étrange au fur et à mesure que le temps passait. Avec Héra Greengrass, une journaliste de la Gazette qui m'avait fourni quelques pistes considérables, j'étais allé à un rendez-vous concernant un livre supposé me donner des informations sur G.G. Malheureusement, ce live s'était avéré être une vieille encyclopédie sans plus de valeur, tandis que son propriétaire avait eu quelques propos assez étranges en comparaison à la situation. Steven Stenpherd. C'était son nom. Je revenais tout juste des quartiers des Langues-de-plomb, où j'avais récupéré des informations le concernant et je retournai désormais à mon bureau. Je ne pouvais qu'être perplexe face à ce que je venais de découvrir et il fallait que j'y réfléchisse plus calmement, bien assis dans mon fauteuil, par exemple.
C'est donc des réflexions plein la tête que je franchissais le seuil de la porte et qu'une voix familière interrompit le fil de ma pensée :

- Monsieur Harrington ?

Me tournant vers l'autre bout de la pièce, j'aperçus mon supérieur qui se tenait là, le visage serein. Stupéfait de le voir ici, je ne répondis pas. J'étais tendu, était-il au courant de mon intervention peu conforme aux règles qui avait eu lieu dans l'Allée des Embrumes ?

- J'ai préparé du thé, vous en voulez ? Proposa-t-il poliment.

Je me méfiais et ne bougeais toujours pas. Que me voulait-il ? Il ne venait jamais ici et lors des rares occasions où il nous faisait grâce de sa présence, il laissait chacun dans son travail, sans piper mot. Mais cette fois, face à mon mutisme, il soupira.

- Vous vous demandez pourquoi je suis là, n'est-ce pas ? Demanda-t-il en s'approchant de moi.

J'hochai la tête plus perplexe encore que quelques minutes plus tôt.

- J'ai bien remarqué que vous travailliez avec acharnement et je vous en félicite. Vous avez toujours fait preuve de beaucoup de sérieux et n'avez jamais cessé de mettre votre cœur dans vos missions. Cependant, je me dois de constater qu'avec tout cet investissement, je vous vois rarement vous reposer. N'aies-je pas raison ?

Il avait raison, mais je ne bronchais toujours pas. Que voulait-il que je lui dise ? Je me contentais donc d'acquiescer lentement, ne comprenant pas où il voulait en venir.

- N'avez-vous jamais songé à prendre quelques vacances ? Vous refusez toujours les congés que nous vous proposons...

C'était faux. Sur ces six dernières années, j'avais du prendre deux ou trois jours quand la fatigue devenait vraiment trop insoutenable.

- Je n'ai pas besoin de me reposer pour le moment Monsieur, je suis en pleine enquête et je e peux me permettre de prendre du temps pour moi.

Mon supérieur, qui avait saisi une tasse, eut un petit rire. Qu'y avait-il de drôle dans ce que je venais de dire ? C'était la pure vérité !

- J'étais sûr que vous me répondriez cela. J'admire votre détermination, mais ce n'est pas négociable Harrington. Vous êtes officiellement en arrêt de travail pour les sept prochains jours et ce, à partir de maintenant.

Sans me laisser le temps de répondre, il traversa la pièce et ouvrit la porte à côté de moi.

- Profitez de ces quelques jours pour vous reposer, c'est important dans ce métier.

Et il partit.

Héra m’observait attentivement, ou plutôt elle me sondait. Rien d’étonnant à ça, elle était journaliste. Si je n’avais pas senti les effets de l’alcool me monter à la tête en me rasseyant, je lui aurais lancé un regard noir pour lui passer l’envie de m’accabler de questions indiscrètes. Pourtant en relevant la tête, je fus étonné de la voir me sourire gentiment. Or ce à quoi elle venait d’assister ne devrait absolument pas la faire sourire. Au contraire, elle devrait plutôt avoir la mine surprise, inquiète, les sourcils froncés, la bouche ouverte, un sourire absent… Je ne voyais pas pourquoi elle pourrait éprouver une quelconque compassion envers moi, il n’y en avait pas besoin. Ils étaient vraiment bizarres ces journalistes de la Gazette. J’étais certain qu’il se passait des choses pas bien nettes là-bas.
- Je sais que j'ai dis que je ne t'en imposerais pas d'autres, mais si ça vient de toi, c'est différent. Tu penses pas qu'on mérites un autre verre ? "
Elle ne me posait aucune question sur mon échange avec mon ancien ami ?! C’était définitif. Les gens là-bas étaient totalement louches. Ma confrontation avec Jamie aurait dû susciter chez elle un grand intérêt et c’était vraiment bizarre qu’elle ne m’interroge pas là-dessus. Peut-être l’alcool me faisait-il exagérer les choses alors que cet échange n’aurait eu enfin de compte rien de si extraordinaire. Peut-être même n’avait-elle pas saisi un mot de ce que nous avions dit. Quoi qu’il en soit, elle venait de me poser une autre question. De l’alcool. Encore ? Je sentais les effets du dernier verre mais ils étaient bien négligeables. Je pouvais effectivement me permettre de consommer encore, mais cette fois-ci, ce serait le dernier. Après, il sera temps pour moi de rentrer.
J’hochai donc la tête à la sorcière et interceptait un serveur qui passait par là.
- On pourrait avoir deux jagerbomb à cette table s’il vous plaît ?
Le serveur filait déjà au bar pour préparer ma commande et je me tournai à nouveau vers Héra. La jeune femme fronçait les sourcils, sûrement à cause de la boisson que je venais de commander. Elle ne connaissait donc pas ? J’oubliais bien trop souvent que son nom de famille était Greengrass…
- C’est un cocktail moldu, expliquai-je. J’en buvais avec des potes quand on sortait vers chez moi à Londres. Tu m’en diras des nouvelles !

- J'avoue ne pas connaître, révéla la sorcière. Aussi, je me suis jamais soûlée dans le Londres moldu. C'était que pour des repas de famille que je m'y rendais, autant dire que c'était pas trop le moment ...

Quelle ne connaisse pas, ça ne m’étonnait pas le moins du monde. Mais qu’elle m’apprenne s’être rendue dans le Londres moldu, ça déjà c’était quelque chose, mais pour des repas de famille ?! Je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils. La Greengrass semblait être pleine de surprises apparemment. J’avais bien envie de la questionner à ce sujet mais son regard perdu dans le vague m’en dissuada. Ce n’était sûrement pas le moment de poser de telles questions, pourtant, je devais avouer que tout ça m’intriguait. Que pouvait bien faire une sang-pur à un repas de famille dans le Londres moldu ?
Mes pensées furent interrompues par l’arrivée de la serveuse, de nos deux boissons et de la question d’Héra :

-  Comment tu le bois, ton truc ?

J’allais lui répondre qu’on buvait ça comme n’importe quelle autre boisson mais elle n’attendit pas ma réponse et tomba la moitié du verre d’une traite. Amusé, je portais à mon tour le verre à mes lèvres et savourait la boisson qui, je devais le dire, était meilleure dans mes souvenirs. Peut-être était-ce parce que les sorciers ne savent pas réaliser des boissons moldues ? C’était fort probable.

- Mais c'est infect ! Je comprend que tu ne boives plus si tu t'étais habitué à ça.

Ca n’avait rien à voir mais j’étais trop concentré à sentir l’alcool s’emparer peu à peu de mon esprit pour prendre en compte sa remarque. Je saisissais une fois de plus le verre pour prendre une nouvelle gorgée et à peine le liquide dans la bouche, voilà que je remarquais que la brune s’était levée et me tendait la main :

- Je peux pas te laisser finir ce truc. Viens, on va danser ! 

Danquoi ? Je manquai de recracher tout l’alcool présent dans ma bouche tant cette proposition était impromptue. Je ne savais pas danser et puis même, je n’aimais pas danser ! Et je n’allais pas laisser ce Jagerbomb se perdre, tout de même !

- Je… Je ne crois pas que… bégayai-je

Mais la sorcière m’avait déjà entraîné à sa suite vers l’espèce de piste de danse médiocre qu’offrait le Chaudron Baveur. J’étais très mal à l’aise, même si l’alcool m’aidait davantage à faire face à cette situation embarrassante. La musique de ce morceau n’était pas si mauvaise, mais c’était bien Jägermeister qui dictait mes pas. Je préférais ne pas songer à l’image que je devais montrer. Le morceau changea alors et c’est un homme qui se mit à chanter d’une voix à faire fuir tous les clients du bar. Sa voix me donnait une envie de rire incroyable tant c’était ridicule et j’avais cessé de danser pour l’observer gesticuler, les lèvres pincées pour éviter de me moquer de lui publiquement.

- Je pense qu’on devrait y aller, soufflai-je à Héra en me penchant vers elle. Il va finir par abrutir tout le monde avec une voix pareille...